Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Métallurgie | Des risques thermiques élevés sur toute la chaîne de production

Le secteur de la métallurgie recouvre une kyrielle d’activités allant de la sidérurgie aux opérations de soudage en atelier. Points communs, les risques thermiques élevés qui requièrent une vigilance particulière pour la santé des opérateurs.

Avec ses 45 000 entreprises employant 1,8 million de salariés, la métallurgie est organisée en deux grandes activités. D’un côté, les métaux ferreux et non ferreux comme l’or et l’aluminium qui sont fondus puis passés dans des laminoirs pour être aplanis. De l’autre côté, la métallurgie dite légère recouvre pour sa part une multitude d’activités. Entre autres, le découpage, formage, soudure, brasure, etc. qui visent à transformer des métaux en produits finis pour l’industrie automobile, l’aérospatiale, le bâtiment…
Points communs, ces activités, s’effectuent dans des conditions difficiles avec des risques liés aux projections de métal solide et chaud qui peuvent provoquer des brûlures directes, au niveau des mains, bras et visage. A cela s’ajoutent des conditions thermiques difficiles. En témoignent les ouvriers travaillant dans les forges à chaud. « Les opérateurs sont exposés au rayonnement lié aux pièces d’acier chauffées à rouge ou à blanc », observe un expert de l’Aract Lorraine, « le rayonnement étant extrêmement émissif, il est susceptible de poser des problèmes sur les yeux, les muqueuses, et la peau ».
Des désagréments qui ont tendance à s’amplifier lors des variations saisonnières. L’été, les opérateurs ont tendance à se débarrasser de leurs vêtements pour éviter de trop transpirer. « Il faut alors s’assurer qu’ils portent bien leurs EPI pour se protéger des projections de métal chaud », rappelle le consultant.

Evaluer la contrainte thermique

Outre le risque de brûlure, le travail dans des conditions thermiques élevées n’est pas sans danger pour la santé des opérateurs. Les symptômes peuvent se manifester par de la fatigue, des maux de tête et vertiges ainsi que des baisses de la vigilance et des problèmes de concentration susceptibles de dégénérer en accident. A cela s’ajoute le risque que le corps n’arrive plus à s’adapter à son environnement et qu’il se déshydrate.
« S’il n’existe pas de température limite imposée par le code du travail, en revanche il existe des normes qui servent à évaluer la contrainte thermique au travail », indique Fabrice Palma, technicien hygiène et sécurité du travail au sein de l’Ametra 06, (Association médecine du travail). Pour apprécier les contraintes thermiques, les professionnels de santé prennent en compte différents paramètres comme le métabolisme du travail qui se base sur l’activité physique de l’opérateur, la vitesse de l’air, la température de rayonnement, l’hygrométrie, la tenue vestimentaire etc.
Avec ces données sont calculées les valeurs limites à ne pas dépasser sur une journée de travail. « Nous travaillons avec une autre norme, en l’occurrence la NF EN ISO 7933 (fév. 2005), qui aide à calculer l’astreinte thermique prévisible », ajoute le consultant.
« Elle détermine la quantité de chaleur qu’il est nécessaire de perdre par sudation pour le maintien de l’équilibre thermique. »

Organiser un roulement

Grâce à ces normes, le consultant peut prédire le débit sudoral et la température corporelle centrale que l’organisme humain met en œuvre dans une ambiance thermique chaude. L’objectif étant d’organiser l’activité du salarié en alternant les pauses et les fréquences de travail. Il s’agit notamment de réguler les tâches les plus critiques en organisant des roulements quand c’est possible. L’été, il faut prévoir des pauses plus importantes, réduire les temps d’exposition en décalant les heures de travail de sorte que les salariés commencent plus tôt en été et terminent plus tôt. Il faut aussi s’assurer que les zones de repos ne soient pas trop climatisées de sorte à éviter les écarts de température élevés et veiller à ce que les salariés puissent facilement se réhydrater à proximité de leurs postes de travail.

Aménager les locaux

Parallèlement à l’organisation du travail, il est nécessaire de bien ventiler les locaux. Il existe à cet égard des solutions à moindre coût comme le free cooling qui consistent à rafraîchir l’atelier en actionnant la ventilation durant la nuit. Alternatives : apposer des stores extérieurs, utiliser un brumisateur à l’intérieur de l’atelier ou un système d’arrosage de la toiture. « Mais il faut se renseigner s’il n’existe pas d’arrêtés municipaux qui interdisent l’été cette pratique. » Il est aussi conseillé d’utiliser des écrans thermiques pour protéger les autres salariés des murs de chaleur, et de prévoir une source d’eau potable réfrigérée (10-15 °C) afin d’inciter les salariés à boire souvent.
Outre l’aménagement des locaux, il faut aussi veiller à équiper l’opérateur de vêtements appropriés. « Nous utilisons une base de données qui fournit des indices d’isolation thermique selon la tenue vestimentaire », confie Fabrice Palma. « C’est intéressant dès lors que l’on veut que le corps régule la température vis-à-vis de son environnement de travail. » En cas de risques de brûlures ou de flammes, le port de vêtements et de gants estampillés aux normes en vigueur (respectivement EN 11612 et EN 407) est vivement recommandé ainsi que des chaussures de sécurité isolantes.

Risques croisés

Certains métiers comme celui de fondeur cumulent des risques élevés en matière de brûlures et de risques thermiques qui obligent les opérateurs à porter des vêtements spécifiques taillés dans des fibres dites « hautes températures ». Parmi lesquelles, citons les fibres aramides, carbone, verre. Parmi les spécialistes de ce type d’EPI, le plus connu demeure EDC-Protection. Cette TPE de 17 personnes, située près de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), fabrique des EPI pour toutes les grandes entreprises soumises aux risques thermiques. A commencer par les industriels de la sidérurgie comme ArcelorMittal. Selon la nature de l’activité, le risque thermique diffère. « La température de fusion s’élève à 1450 degrés pour la fonte, 1 550 °C pour l’acier, 750 à 800 degrés pour l’aluminium », indique Philippe Keller, P-dg de l’entreprise. A la chaleur rayonnante qui est extrêmement élevée, s’ajoutent des risques d’explosion et de projection de matière fondue. En général, les opérateurs interviennent sur des séances de travail assez courtes (quelques dizaines de minutes à une demi-heure) mais de manière répétitive tout le long de la journée. Leur travail consiste notamment à faire des prélèvements d’échantillon où à empêcher que le matériau ne se solidifie. A ces postes de travail, la température à la surface du vêtement peut atteindre 500 °C.
Les techniciens sont habillés sur-mesure avec des manteaux, cagoule, guêtres confectionnées dans des textiles très techniques. Il s’agit d’un support en para-aramide (Kevlar) ou en fibre de carbone, sur lequel est collée une feuille d’aluminium de quelques microns d’épaisseur. De quoi renvoyer 80 % de la chaleur rayonnante vers l’extérieur. Pour assurer une complète étanchéité de l’équipement contre les risques de projection de métal fondu, le manteau est suffisamment long pour recouvrir les guêtres qui sont portées par-dessus les chaussures de sécurité. « Selon la nature du poste, les risques peuvent être très différents, les protections doivent être bien adaptées, pour être efficaces et gêner le moins possible le salarié », recommande Philippe Keller.
Eliane Kan/Agence TCA

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