Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Thierry Déola (GCC) : « BTP : nous sommes effarés par le comportement individuel des jeunes générations »

Interview du chef de service Prévention du groupe GCC (Génie civil construction) spécialisé dans le BTP. Thierry Deola est coordonnateur sécurité protection santé, entre autres, sur le chantier de la future plate-forme multimodale Chapelle Internationale, situé au nord de Paris à proximité des voies de la SNCF.

En quoi consiste le métier de coordonnateur de Sécurité, protection et santé (SPS) ?

Nous sommes désignés et rémunérés par le maître d’ouvrage. Nous intervenons dès l’élaboration des plans des futurs ouvrages et durant la phase de construction. En amont, nous conseillons le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage pour vérifier les possibilités d’intervention de nos équipes afin de prévenir les risques jusqu’à élaborer un dossier d’intervention sur l’ouvrage (DIUO) qui sera remis au preneur afin d’effectuer les opérations de maintenance dans les meilleures conditions de sécurité. Lors de la construction des ouvrages, nous nous assurons que les Plans particuliers de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) établis par chaque entreprise intervenante sont compatibles voire complémentaires lors d’une inspection commune afin de gérer les coactivités et en particulier les superpositions de tâches. Nous conseillons aussi le maître d’ouvrage dans les actions de sécurité qui lui incombent.

Quelles sont les spécificités du chantier Chapelle Internationale en termes de risques pour la santé et la sécurité des intervenants ?

Le chantier va accueillir 300 opérateurs dont 150 sont déjà présents sur ce site qui s’étire sur plus de 400 mètres de long. Il se caractérise notamment par la présence de six grues à proximité des voies ferrées. Une panne de courant ou une collision des grues avec les caténaires des voies ferrées seraient catastrophiques d’autant que, du fait de la longueur du chantier, les interventions des véhicules secours seront difficiles. Autres particularités de ce chantier, il existe une forte coactivité sur le plan horizontal avec le voisinage de multiples engins de chantier et de stockage de matériaux ainsi qu’avec la présence de piétons. Il existe aussi une forte coactivité à la verticale du fait de la présence de travaux en élévation sur les banches et bientôt les planchers. La densité par homme au mètre carré est également très importante dans les les bases vie et les accès au chantier.

Comment les prévenez-vous ?

Nous avons en permanence un animateur prévention sur le site qui vérifie notamment l’adéquation entre les travaux à réaliser et les moyens mis en œuvre. C’est lui qui se charge de mettre à jour les informations relatives à la planification du chantier. Il veille notamment à éviter les superpositions de tâches qui sont sources d’accident. Il relève aussi les anomalies et les écarts, ce qui permet de réajuster les modes opératoires et modifier éventuellement les équipes.

Comment sensibilisez-vous les compagnons présents sur le chantier à la prévention des risques ?

Chaque nouvel arrivant, qu’il s’agisse d’un nouveau compagnon, d’un fournisseur ou d’un prestataire est accueilli par l’animateur prévention. Ce dernier lui remet systématiquement un livret d’accueil. Ce document est très important car il explique comment le chantier est organisé et ce qu’il doit construire. Ensuite, on lui donne des consignes générales pour faciliter son intégration aux équipes. Par exemple, quels sont les moyens de transport pour arriver sur le chantier, en quoi consistent les règles de vie, etc. Ce livret est indispensable car cela contribue à rendre plus rapidement opérationnels les compagnons et à lever les points d’inquiétudes. C’est une pratique que nous avons mise en œuvre il y a une douzaine d’années et qui contribue à réduire les risques d’accident. Par ailleurs, nous organisons très régulièrement et à chaque début de tâche ou l’arrivée de nouvelles équipes, un quart d’heure de prévention de manière à former en continu les opérateurs de chantier.

A cet égard, quels résultats avez-vous obtenus en termes de réduction des accidents du travail ?

 

En 13 ans, nous avons divisé par trois notre taux de cotisation. Notre taux de fréquence des accidents du travail par millions d’heures de travail s’élève à 15 contre 41,2 pour notre secteur en 2014. Les accidents les plus courants concernent les problèmes de dos et qui touchent le plus souvent le personnel temporaire en fin de mission. Ce sont des maladies professionnelles que nous avons du mal à maîtriser et dont nous contestons l’imputabilité pour une bonne moitié d’entre elles, sachant que le travail n’est pas plus fatiguant qu’hier, les charges sont plus légères, elles ont été diminuées par deux ou par trois et les travaux sont effectués en équipe suivant des modes opératoires réfléchis pour prévenir le risque de TMS ( Troubles musculosquelettiques).

En matière de santé et de sécurité, qu’elles sont les évolutions qui vous préoccupent le plus et comment y répondez-vous ?

Nous sommes effarés par le comportement individuel des jeunes générations qui se manifestent notamment par un manque d’implication. Cela nous conduit à évaluer régulièrement la capacités de l’opérateur à remplir des missions et à suivre les consignes. Un autre phénomène nous préoccupe, c’est leur addictions aux drogues et aux loisirs qui les conduit à être souvent insatisfaits. Pour renverser ces tendances, il faudrait, me semble-t-il, favoriser l’apprentissage car ceux qui sont en formation ont plus d’entrain au travail et sont plus motivés. Donner aux jeunes le goût du travail passe aussi bien sûr par des marques de reconnaissance de la part de l’employeur.

Eliane Kan

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