Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Les collectivités locales face aux défis sécuritaires

Communes, communautés d’agglomération, départements ou régions, les collectivités locales consacrent une part croissante de leur budget de fonctionnement aux équipements de sécurité...

Depuis les premières lois de décentralisation au début des années 1980, le champ des compétences des collectivités locales n’a cessé de s’élargir pour intégrer les questions de sécurité. Et face à la montée des problématiques liées à l’insécurité urbaine notamment, la généralisation des services de police municipale aura constitué une étape essentielle de ce processus. La mise en place des politiques locales de sécurité et des contrats locaux de sécurité à la fin des années 1990 aura donné une nouvelle impulsion à cette évolution sécuritaire en l’encadrant et en la dotant de moyens supplémentaires. Dans le même temps, les collectivités et leurs élus auront dû intégrer et gérer les aspirations croissantes de leurs administrés réclamant davantage de dispositifs de sécurité au sein de l’espace public en vue d’apporter une réponse concrète aux problèmes de délinquance. Les installations de vidéosurveillance se sont, dès lors, multipliées, entraînant une hausse sans précédent des budgets « sécurité ». Avec 20 régions, 100 départements, 36 500 communes et 20 000 structures de coopération intercommunale, le montant de ces dépenses devraient encore progresser dans les années qui viennent. « Les questions de sécurité font désormais partie des priorités stratégiques des collectivités. Et les besoins évoluent constamment pour tenir compte des demandes des habitants », confirme Brice Chambard, directeur national des marchés publics chez ADT Tyco France. Autre levier de croissance de ce marché, la décision des pouvoirs publics de renforcer les dispositifs de vidéosurveillance installés sur le territoire national. « Les municipalités se dotent d’installations de vidéosurveillance avant tout pour des questions de prévention de la délinquance. Une ville équipée est en effet plus sûre… », souligne encore Brice Chambard. Initié en 2007 par le ministère de l’Intérieur dans le cadre de la lutte contre le risque « terroriste », le « plan national d’équipement de vidéoprotection » vise à tripler le nombre de caméras installées sur la voie publique. De 20 000 en 2007, leur nombre devrait franchir le cap des 60 000 unités installées sur la voie publique dès 2009. Et, au total, ce sont un million de caméras qui devraient être mises en place à l’horizon 2012. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, avant le lancement de ce plan national (2006), seules 198 collectivités étaient équipées, soient 168 communes, 16 conseils généraux, 5 conseils régionaux et 9 EPCI. En 2007, l’État aura ainsi contribué au financement de 315 projets de vidéo protection pour un montant total de subvention de 13,4 millions d’euros. Par ailleurs, 10 000 caméras ont été soumises aux autorisations des préfets en 2007, contre 4 000 en 2006. Les raccordements entre les centres de supervision et les services de police et de gendarmerie se sont multipliés. 50 centres étaient raccordés en octobre 2007. En 2008, ce chiffre s’élève à 80 et, au total, ce sont 143 autres raccordements qui sont prévus cette année.

Un nouvel élan pour la vidéosurveillance

Emblématique de la politique de sécurité engagée par une collectivité locale, la mise en place d’un système de vidéosurveillance est désormais largement soutenue par l’Etat (lire encadrés). Pour autant, les spécialistes insistent sur la nécessité de revoir l’approche guidant un tel choix d’équipement. Certains systèmes implantés à la fin des années 1990 et au début des années 2000 s’avèrent en effet inadaptés à une surveillance efficace (faible définition des images rendant l’identification difficile). Autre grief, la migration de ces systèmes vers des solutions plus innovantes est souvent impossible. La collectivité doit donc revoir l’intégralité de son système avec, comme conséquence, un surcoût important pour ses finances au regard du coût unitaire d’une caméra : de 10 à 15 000 euros pour une caméra installée sur la voie publique. Autre préoccupation des élus, l’impact réel de ces dispositifs dans la lutte contre la délinquance. Pour remédier à ces difficultés et dresser un inventaire exhaustif du parc existant, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie a mis en place, en janvier 2008, une mission d’évaluation des dispositifs de vidéoprotection dans les domaines de la prévention de la délinquance, de la lutte contre la criminalité et le terrorisme, avec l’objectif d’en évaluer l’impact réel. Si la mise en œuvre de ces systèmes a bien permis de faire baisser la délinquance dans les zones qui en ont bénéficié, les experts estiment que la vidéoprotection conduit à modifier le comportement des délinquants (port de capuches rendant l’identification délicate, déplacement des bandes…). Des études d’impact ont été engagées dans des villes telles que Lyon, Saint-Etienne et Grenoble et par le conseil régional d’Ile-de-France, à travers l’institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, concernant les lycées, les transports publics et les habitats sociaux. Conscients de ces lacunes, les prestataires spécialisés ont construit une offre de vidéosurveillance « experte », destinée à combler ces manques. « Nous avons pris le temps pour mettre au point des solutions plus pertinentes et mieux adaptées à ces contraintes. L’une des principales problématiques de la vidéosurveillance urbaine concerne l’exploitation des images recueillies. Plus clairement, il s’agit de définir qui seront les personnels en charge des opérations de levée de doute et de télésurveillance. Les conseils généraux ou les mairies mettent à disposition des personnels internes à la collectivité, ce qui pose des problèmes de formation et de recrutement. ADT leur propose donc un service global incluant l’installation, l’entretien, la maintenance et la télésurveillance de leurs dispositifs. Nous mettons donc à leur disposition du personnel qualifié et certifié à même d’exploiter au mieux ces données. Tombées dans de mauvaises mains, certaines images d’élus, par exemple, peuvent avoir de sérieuses retombées. Il est donc primordial de savoir qui fait quoi avec quelles informations », résume Brice Chambard.

Des systèmes globaux

Autre constat dressé par les spécialistes : les collectivités recherchent de plus en plus des solutions de sécurité compatibles avec celles des communes voisines par exemple et pouvant communiquer entre elles. En matière de vidéosurveillance, il faut en effet être en mesure, si nécessaire, de « surveiller » une bande durant l’ensemble de son trajet en RER. De son départ dans une ville de banlieue à son arrivée dans une gare parisienne, par exemple. « Une demande émergente des collectivités locales qui ont compris l’intérêt de cette convergence », affirme encore Brice Chambard. A terme, les centres superviseurs vont donc se développer avec l’objectif de centraliser l’ensemble des informations recueillies sur les différents réseaux. Le cadre strict de la surveillance ou de la répression sera dépassé pour aboutir à une gestion dynamique de l’ensemble des services d’une collectivité : contrôle d’accès des piscines, comptage des visiteurs du musée, gestion des rotations des réseaux de bus ou collecte des déchets ménagers. Autre impératif de ces équipements, leur résistance, leur fiabilité et leur coût. Soumises à des pressions continuelles de la part de leurs administrés, les collectivités privilégient parfois les solutions les moins onéreuses, au risque de devoir revoir leurs installations en cas de défaillance de ces systèmes. L’ensemble des biens publics susceptibles d’être protégés ou sécurisés est, en effet, pléthorique. Hôpitaux, stades, bibliothèques, bus, tramway, théâtres, salles municipales… Autant d’équipements susceptibles d’être équipés d’un système de contrôle d’accès, d’une détection d’incendie ou de portiques de sécurité.

 Des dépenses de sécurité en hausse
Selon une étude réalisée en septembre 2006 par la société Tereko, le montant des dépenses de sécurité des collectivités locales (police municipale et systèmes de surveillance) s’élevait à 174,3 millions d’euros en 2005. Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement atteignaient, quant à elles, 1,750 milliard d’euros, dont une grande partie affectée aux services de police municipale.

La part des collectivités locales dans les investissements publics

Les collectivités locales sont les premiers investisseurs publics (70 % de l’investissement public), soit plus de 2 % du PIB. En 2006, l’investissement direct a progressé de 9,4 % (+ 7 % en 2007), pour atteindre 43,5 milliards d’euros, dont plus de 80% pour les travaux publics et les bâtiments.

Paroles d’expert : « Travailler en collaboration étroite avec les collectivités »

APS. Quelle est la réponse de votre groupe aux besoins d’équipements de sécurité des collectivités locales ?
Brice Chambard : « Il s’agit tout d’abord d’un marché en progression. La sécurité des communes et des collectivités est, par ailleurs, un problème bien spécifique. Notre offre est donc conçue en conséquence. Protéger un matériel informatique sensible installé dans la mairie, empêcher le vandalisme ou la dégradation des salles des fêtes ou des gymnases, surveiller une médiathèque ou une piscine, tous les équipements et biens communaux bénéficient de solutions adaptées, « sur mesure » et globales à la fois : de la vidéosurveillance au contrôle d’accès, en passant par la détection intrusion et la télésurveillance et jusqu’à la détection incendie et à la protection électronique des articles (bibliothèques, musées) ».
APS. Quelles sont les principales contraintes des élus et des collectivités ?
Brice Chambard : « Quand on a la charge d’une commune ou d’une collectivité, la sécurité et l’ensemble des problèmes qui y sont liés sont les priorités auxquelles un élu est confronté. Avoir la responsabilité des personnes et des biens est un engagement que tous les maires et leurs collaborateurs concernés connaissent parfaitement et affrontent tous les jours. Dans ce domaine plus encore que dans les autres, un partenaire de confiance est indispensable. C’est l’une des raisons pour laquelle ADT a mis en place une offre globale axée sur la notion de service. Notre offre de vidéosurveillance intègre, par exemple, l’ensemble des prestations : conseil, formation ou maintenance. Nous mettons également notre expertise et notre savoir-faire au service des collectivités à l’élaboration de guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics. Nous travaillons également avec les préfectures et certaines villes, de façon à définir de nouveaux cahiers des charges intégrant l’ensemble des équipements et leur développement futur ».

 Subventions pour le raccordement des centres de supervision
Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance peut, désormais, financer 100 % des dépenses d’équipement liées au raccordement des centres de supervision urbaine, afin de permettre l’accélération de l’intervention des forces de l’ordre et l’amélioration qualitative de l’information. La circulaire du ministère de l’Intérieur (NOR INT K 0800110C du 26 mai 2008) précise les conditions de renvoi d’image par raccordement des centres de supervision des communes ou EPCI aux commissariats de police ou unités de gendarmerie, ainsi que les règles de fonctionnement des centres de supervision et d’accès à ceux-ci. La circulaire organise aussi les échanges entre les collectivités et l’Etat sur le fonctionnement des systèmes de vidéosurveillance dans le cadre d’un comité de pilotage, et propose un modèle de convention.

Paroles d’expert : « Vers une gestion globale des services »

Richard Olszewski, vice-président du Forum européen pour la sécurité urbaine (FESU) et conseiller délégué en charge de la gestion des risques à la communauté urbaine de Lille Métropole.
APS : Comment analysez-vous l’évolution des problématiques de sécurité au sein des collectivités locales ?
Richard Olszewski : « Cette évolution, qui n’en est encore qu’à ses débuts, va entraîner une redéfinition des systèmes de sécurité. Ces derniers seront désormais intégrés à une politique globale de gestion des risques, et les technologies mises en œuvre vont permettre de réaliser des économies d’échelle. Aujourd’hui, il s’agit de s’interroger sur la meilleure façon de gérer l’ensemble des dysfonctionnements d’une collectivité en y intégrant, par exemple, d’autres activités connexes, comme l’animation commerciale d’une zone d’activités. L’émergence des communautés urbaines impose, par ailleurs, de raisonner à l’échelle d’un territoire élargi, d’une intercommunalité et non plus à l’échelle d’une ville ».
APS : Comment va se traduire ce changement de stratégie ?
Richard Olszewski : « Dans ce contexte, les outils et les centres de supervision et d’hypervision, la vidéo experte vont se développer. En la matière, je préfère évoquer le terme de vidéo supervision que vidéosurveillance ou vidéoprotection. Ce dernier est trop limitatif. Il ne s’agit plus de surveiller ou de prévenir les agressions ou les vols via des caméras, mais de gérer au mieux l’ensemble de la communauté. Une caméra doit, par exemple, servir à localiser et à identifier les populations en danger, telles que les SDF, de façon à accélérer la réaction des services sociaux dans une logique d’ingénierie sociale et de solidarité. La prévention et la répression ne suffisent plus, si cette dimension sociale n’est pas intégrée à ces politiques d’équipement. Autre point important, ces outils doivent être en mesure de converger, de façon à assurer une interface de gestion entre les différents services de la collectivité : transports publics, circulation, éclairage ou sûreté. Parallèlement, les moyens et les outils de contrôle vont devoir, eux aussi, évoluer à ce même rythme, de façon à garantir le respect des libertés individuelles ».

 Collèges et lycées à l’heure de la biométrie
Même s’ils rencontrent localement réticences voire oppositions plus marquées, les projets d’équipements d’établissements scolaires en dispositifs de contrôle biométriques se multiplient. Une cinquantaine de projets seraient en cours d’implantation ou déjà en fonctionnement sur l’ensemble du territoire. En l’occurrence, le souhait des collectivités en charge de ces établissements, conseil général pour les collèges, conseil régional pour les lycées, est d’effectuer un contrôle physique destiné à pallier les carences des traditionnelles cartes de cantine.

Cas pratique : Le Syndicat mixte de la vallée de l’Oise équipe ses déchetteries de caméras de vidéosurveillance

Confronté à deux types de problèmes sur ses huit déchetteries, le Syndicat mixte de la vallée de l’Oise a décidé d’équiper ses huit unités de Crépy-en-Valois, Creil, Le Plessis-Belleville, Verberie, Noyon et Clairoix d’un système de vidéosurveillance.

L’objectif était donc de lutter contre le dépôt intempestif de déchets devant le portail d’entrée, en dehors des horaires d’ouverture, et le vol dans les bennes ferrailles et le « tout venant ». Pour répondre à ces enjeux, ADT a proposé une solution de télé vidéosurveillance, dont l’objectif est de dissuader les intrusions et les dépôts de déchets. Ce système a aussi pour avantage de permettre l’identification des véhicules devant le portail. Le Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise souhaitait, par ailleurs, pouvoir surveiller chaque déchetterie équipée depuis un seul et même endroit (mise en place d’un enregistreur numérique Intellex). Le prestataire a également prévu un système de détection intrusion raccordé à une station de télésurveillance. L’installation de l’équipement sécurité aura nécessité un délai d’environ une semaine pour chaque déchetterie. Pour Benjamin Lefèvre du Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise, la réponse est claire : « En tant que collectivité territoriale qui a pour compétence le transport et le traitement des déchets ménagers et assimilés, nous avions besoin de protéger nos sites de dépôts intempestifs en dehors des heures d’ouverture. C’est chose faite, ADT a bien compris notre problématique et nous a proposé une offre de sécurité qui semble avantageuse en matière de technologie et de coûts. »

La délinquance baisse de 30 % dans le centre de Strasbourg

La Communauté urbaine de Strasbourg regroupe 28 communes partageant les mêmes aspirations. Une convergence de vue et d’intérêt qui a conduit les élus à lancer un vaste programme d’équipements de vidéosurveillance. Les premiers secteurs concernés par cette mise en place ont été le centre-ville touristique de Strasbourg, ainsi que certains quartiers difficiles. Une extension du réseau a, ensuite, été décidée sur l’ensemble de la voirie communautaire. Dans le même temps, toute création d’équipement public a fait l’objet de l’installation d’un équipement vidéo. Le réseau, qui compte aujourd’hui plus de 200 caméras, dispose de son propre centre de supervision. Autant d’équipements financés en totalité par la Communauté urbaine (5 millions d’euros, au total) et qui auront permis, depuis 2001, une baisse globale de la délinquance. Un système jugé « très efficace » par la sénatrice du Bas-Rhin, Fabienne Keller : « Il permet une meilleure réactivité de la police. La baisse de la délinquance sur voie publique dans le secteur équipé est de 30 % au centre-ville. La vidéosurveillance rend l’espace public aux habitants, en délogeant les délinquants. Dans les transports en commun, le nombre d’agressions graves a chuté de 60 %. »

En savoir plus

Cet article est extrait du Magazine APS n°173 – Septembre 2008.
Pour plus d’information sur nos publications, contactez Juliette Bonk .

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