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Sûreté et sécurité

Le Conseil d’État refuse à la police l’usage de drones durant les manifestations

Dans un nouvel avis rendu public le 22 décembre, le Conseil d’État interdit l’usage de drones pour surveiller les manifestants sur la voie publique. En toile de fond, cette décision pourrait bien mettre à mal l’article 22 de la loi sur la sécurité globale qui vise à en fixer le cadre réglementaire.

L’usage des drones représente-t-il un atout pour la sécurité ou une atteinte aux libertés individuelles ? En ce qui concerne leur recours durant les manifestations, le Conseil d’État a tranché fin 2020. Mardi 22 décembre, la plus haute juridiction administrative a suspendu leur usage par la préfecture de police de Paris. Estimant qu’il représentait une menace pour les libertés individuelles. Une véritable déconvenue pour le préfet de police Didier Lallement qui n’en est pas à son premier refus…

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Le Conseil d’État interdit à la préfecture de police l’usage de drones pour surveiller les manifestations. © Goh Rhy Yan / Unsplash

Une utilisation désormais interdite

« La décision du préfet de police de Paris de procéder à l’utilisation de drones pour la surveillance de rassemblements de personnes sur la voie publique est suspendue », a décrété le Conseil d’État. Lequel somme Didier Lallement de « cesser, sans délai » leur emploi contre les manifestants.

Un second refus

En seulement quelques mois, c’est la seconde fois  que le préfet de police se heurte au veto du Conseil d’État. En mai dernier, le CE déposé une ordonnance pour interdire l’usage des drones pour faire respecter les mesures sanitaires. Et ce, dans le cadre du confinement. 

Un dispositif de floutage pour contourner l’ordonnance

Face à ce revers, « la préfecture de police de Paris a tenté de contourner la première ordonnance de mai en mettant en place un dispositif de floutage par intelligence artificielle », dénonce  la Quadrature du Net (LQDN). Cette association de défense des libertés numériques explique qu’une fois captées, « les images des drones étaient transmises à un serveur chargé de flouter les personnes, avant de retransmettre les informations (images floutées et non-floutées) au centre de commandement de la police. »

Des données à caractère personnel, même floutées

Une démarche insuffisante pour le Conseil d’État : « Si ce dispositif permet de ne renvoyer à la direction opérationnelle que des images ayant fait l’objet d’un floutage, il ne constitue que l’une des opérations d’un traitement d’ensemble des données. » De même, la juridiction administrative indique : « Dès lors que les images collectées par les appareils sont susceptibles de comporter des données identifiantes, la circonstance que seules les données traitées par le logiciel de floutage parviennent au centre de commandement n’est pas de nature à modifier la nature des données faisant l’objet du traitement qui doivent être regardées comme des données à caractère personnel. »

L’importance des drones remise en cause

En tout état de cause, l’instance estime que le ministère de l’Intérieur n’a pas réussi à prouver que « l’objectif de garantie de la sécurité publique lors de rassemblements de personnes sur la voie publique ne pourrait être atteint pleinement, dans les circonstances actuelles, en l’absence de recours à des drones. »

Une « victoire totale contre le gouvernement »

Y voyant une « surveillance illégale »,  la Quadrature du Net (LQDN), avait déposé il y a quelques mois un recours. Aujourd’hui, l’association récolte donc les fruits de son labeur. Saluant « une victoire totale contre le gouvernement ». Quant à la préfecture de police, elle se contente de « prendre acte de cette décision » auprès de l’AFP.

Quid de l’article 22 ? 

En filigrane, c’est le devenir de la loi sur la sécurité globale qui est en jeu. Et plus précisément, les regards se tournent vers l’article 22. En janvier dernier, ce texte avait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale avant son examen au Sénat. 

Un cadre législatif à l’utilisation de drones

Concrètement, l’article 22 fixe les règles de captation d’images par les autorités publiques, grâce aux caméras installées sur des drones. En d’autres termes, cet article devrait apporter l’encadrement législatif qui manque aujourd’hui aux drones. Notamment dans le cadre des manifestations « lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public. »

L’article 22 privé de tout fondement

Face à une telle mesure, de nombreuses associations de défense des libertés ont tiré la sonnette d’alarme. Selon La Quadrature du Net, la décision du Conseil d’État d’interdire les drones durant les manifestations « prive l’article 22 de tout fondement ». 

Ségolène Kahn

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