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Santé et qualité de vie au travail

La consommation d'alcool et cannabis explose depuis la crise sanitaire

Depuis la pandémie, les salariés, dont le moral a été fortement impacté, s’adonnent de plus en plus à des conduites addictives. Une tendance inquiétante que dénonce l’INRS dans une étude qui interroge les personnels de santé, premiers témoins de ce phénomène.

Isolement, bouleversement de l’organisation du travail, manque de visibilité… depuis la pandémie, les répercussions sur le travail ont provoqué une hausse des pratiques addictives de la part des salariés. Pour s’en faire une idée plus précise, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a récemment mené une étude auprès de 1 245 professionnels des services de santé au travail (médecins, infirmiers, psychologues et ergonomes). Réalisée par l’Institut Cemka, l’étude révèle que si la consommation de stupéfiants comme l’alcool et le cannabis a fortement augmenté, les salariés concernés bénéficient, en revanche, d’un meilleur suivi. 

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Selon les médecins du travail, les consommateurs d’alcool représentent 8,6% des salariés. © Gael Kerbaol / Inrs

La dépendance sous l’angle des personnels de santé

Conduite en novembre 2021, l’étude a pour objectif de révéler les conduites addictives au travail à travers le point de vue des professionnels de santé. Pour cela, les enquêteurs les ont interrogés sur leur perception des conduites addictives ainsi que leurs pratiques en matière de prévention. Par ailleurs, l’étude visait également à comparer les résultats avec une étude similaire menée en 2009.

L’alcoolisme en tête

Parmi les substances psychoactives les plus utilisées chez les travailleurs, l’étude identifie l’alcool pour 91 % des répondants, le tabac (66 %), le cannabis (64 %) ainsi que les médicaments psychotropes (43 %). En ce qui concerne les deux substances en tête, l’alcool et le cannabis, elles se consomment même durant le travail pour 64 % des sondés.

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Selon l’étude, la consommation de cannabis touche 7 % des employés. © Gras Grün / Unsplash

8,6 % des salariés concernés

Quelle part de la population est touchée ? Selon les médecins du travail, les consommateurs d’alcool représenteraient 8,6 % des salariés. Quant au cannabis, il concernerait 7 % des travailleurs, soit une augmentation de 2 points par rapport à 2009.

Une origine multi-factorielle

« Ces pratiques addictives ont une origine multifactorielle, c’est-à-dire qu’elles sont liées à la vie privée mais aussi à la vie professionnelle. D’où l’importance d’identifier les facteurs qui favorisent ces pratiques au sein de l’entreprise et de mener les actions de prévention adéquates », rappelle le Dr Philippe Hache, expert sur les addictions au travail à l’INRS et responsable de cette étude.

Le travail responsable de l’addiction

Pour expliquer ces pratiques addictives, 73,2 % des professionnels de santé au travail voient une relation de cause à effet entre le travail et la consommation de substances psychoactives. D’après eux, les facteurs qui conduisent le plus à consommer sont les risques psychosociaux (RPS), les horaires atypiques, le travail isolé, les pots en entreprise, les séminaires ainsi que le télétravail.

La pandémie en cause

Et c’est sans compter sur la pandémie qui a fortement impacté le moral des salariés. Pour l’INRS, la crise sanitaire pourrait bien être la cause de l’augmentation des pratiques addictives. Ainsi, selon 50 % des répondants, la consommation de tabac et d’alcool a augmenté pendant cette période. 

Une meilleure prise en charge

Heureusement, comparé à 2009, la prise en charge des travailleurs dépendants s’est améliorée grâce à une plus grande implication du personnel de santé. Ainsi, 75 % d’entre eux questionnent les salariés sur leur consommation d’alcool et notent cette information dans leur dossier médical de santé au travail contre 46 % en 2009. Pour le cannabis, ce taux est passé de 17 % en 2009 à 51 % en 2021. De même, les médecins et infirmiers du travail fournissent de l’aide aux salariés consommateurs en prodiguant des conseils. Mais également en impliquant un médecin généraliste dans la prise en charge des problèmes liés aux pratiques addictives.

Un tabou en entreprise

« Problématique de santé publique et de santé au travail, le sujet des pratiques addictives, encore tabou en entreprise, doit être abordé comme tous les risques professionnels. C’est à dire qu’il faut l’inscrire dans le document unique, première étape d’une démarche de prévention collective associée à la prise en charge des cas individuels, rappelle Phillipe Hache. Pour ce faire, une réflexion collective doit être menée en CSE et, si besoin, en créant un groupe de travail idoine avec les acteurs de la prévention, les salariés, l’encadrement et les services de santé au travail. »

Ségolène Kahn

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