Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Enrayer les risques dus au travail en hauteur

Le travail sur une nacelle, un échafaudage ou une corde présente autant de risques pour les employés. Outre les formations proposées, des actions de prévention et de sensibilisation sont indispensables pour que les salariés prennent conscience du danger encouru.

Travailler sur les toits, sur un échelle ou sur une corde présente tout autant de dangers dès lors que les professionnels n’ont pas été suffisamment formés. Idem lorsque l’employé n’est pas au meilleur de sa forme ou lorsqu’il existe des défaillances mécaniques. Dans tous les cas, il est indispensable de mener des actions régulières de sensibilisation et de prévention aux risques liés à cette activité.

Selon l’INRS, les chutes de hauteur constituent la deuxième cause d’accidents mortels après ceux de la circulation. Des risques que les organismes de prévention relaient auprès des entreprises afin d’enrayer l’hécatombe. Les résultats de cette sensibilisation portent leurs fruits. On dénombrait 88 décès en 2007 contre 64 en 2008 tandis que le nombre d’invalidités permanentes est passé de 7 813 à 7 467.

Néanmoins, le nombre de journées de travail perdues a légèrement augmenté pour passer de 6,3 à 6,4 millions. Il y a donc des améliorations à attendre.

« La demande en formation progresse fortement. Autant de la part des artisans, des grandes entreprises du BTP et de l’industrie que des collectivités », constate Mickaël Guihéneuf, responsable des produits formation ‘‘Travail en hauteur’’ d’Apave.

Cet organisme de contrôle technique, conseil et formation dispose d’une quinzaine de centres équipés de plateformes techniques pour former les stagiaires au travail en hauteur.

Travail en Hauteur, une Activité Hautement Régulée

Cette activité à haut risque est régie par le décret n°2004-924 en date du 1er septembre 2004. Sont visés aussi bien les travaux temporaires en hauteur dont font partie aussi bien les chantiers de BTP que le travail répétitif. Il s’agit par exemple des opérations de maintenance de fours industriels, de réparation de ponts roulants ou d’intervention sur les toits.

« Le législateur ayant institué le principe fondamental de la protection collective, le décret définit les règles d’utilisation des équipements pour le travail temporaire en hauteur : dimensionnement des garde-corps, échafaudages, nacelles élévatrices… », poursuit Mickaël Guihéneuf.

*Attention encore : « D’autres textes apportent des restrictions particulières visant certaines catégories de salariés comme les moins de 18 ans ou les travailleurs temporaires », signalede son côté Gérard Gaches, préventeur et directeur du cabinet Quorus, spécialisé dans la prévention des risques.

Veiller à la santé des salariés

Dans tous les cas, une visite médicale s’impose pour vérifier l’aptitude des salariés à exercer un travail en hauteur. L’occasion de sensibiliser les employés sur l’importance de surveiller leur forme physique, d’attirer leur attention sur certains traitements médicamenteux qui pourraient altérer leur vigilance et sur la nécessité de se préparer physiquement au travail en hauteur.

« Un manque d’échauffement peut occasionner des claquages musculaires, des tendinites ou des TMS », soulève Gérard Gaches.

L’instabilité d’une nacelle peut en effet induire de mauvaises positions ou de gestes inadéquats lorsque les salariés ne sont pas bien calés. Autre facteur de risque, la mauvaise évaluation des distances. Ce cas touche les ouvriers habitués à travailler sur des immeubles à très grande hauteur.

« Lorsqu’ils se retrouvent sur de petits bâtiments, ils sont susceptibles de perdre en vigilance », souligne le dirigeant, également vice président de l’association Bossons futé (Fichier unifié des situations de travail et des expositions professionnelles) qui opère le site éponyme.

« Il faut aussi prendre en compte les contraintes ergonomiques des salariés. Car travailler longtemps dans une mauvaise position est source de danger », insiste d’ailleurs Gérard Gaches. Lequel pointe du doigt, dans un autre registre, les risques de chute liés à certaines défaillances techniques. Telles que l’absence d’un garde corps, une mauvaise qualité du point d’accrochage ou une erreur de montage de l’échafaudage.

« Il est indispensable d’investir dans du matériel normé et contrôlé par un organisme indépendant. Ce matériel doit être bien entretenu par un personnel formé », martèle le dirigeant de Quorus.

Le Compagnonnage artisanal investit sur la sécurité et le confort

« Chaque année, nous investissons entre 30 000 et 50 000 euros dans la sécurité », confie Frédéric Coquelet, fondateur de LCA (Le Compagnonnage artisanal), une entreprise spécialisée dans les travaux de charpente, couverture et ouvrages d’art basée dans la Meuse. Ce dirigeant se fait un point d’honneur d’assurer la sécurité et le confort de sa douzaine d’employés en investissant dans du matériel adéquat.

A commencer par les échafaudages pour lesquels il bénéficie d’une subvention de la Cram à hauteur d’environ 35% de l’investissement. « Quand ces équipements sont correctement installés, les employés travaillent mieux car ils sont en sécurité », insiste ce compagnon charpentier-couvreur qui dispose de 45 000 m2 d’échafaudages répartis sur 14 sites.

On s’en doute, LCA ne mégote pas sur la formation de ses salariés. « Ils détiennent tous un certificat de secouriste-sauveteur et ont suivi des stages de montage et de démontage d’échafaudage et de sécurité routière », se félicite Frédéric Coquelet. Soucieux de limiter les risques de pénibilité du travail en hauteur, le dirigeant a investi 300 000 euros dans un porteur de 19 tonnes équipé d’une nacelle qui va jusqu’à 37,50 mètres de déport et peut porter jusqu’à 6 tonnes.

« Cela facilite l’organisation et la préparation du chantier car les charges lourdes sont montées à l’aide de la nacelle. » Lorsque le porteur n’est pas disponible, chacune des 4 équipes de LCA dispose d’un monte-charge d’une capacité de 250 kilos chacun. « Nous nous efforçons le plus possible d’automatiser les tâches de sorte à limiter les risques de chute. »

Chez LCA, certains équipements sont proscrits comme les échelles de pieds jugées trop dangereuses. Ici, les EPI comme les ceintures de sécurité et les lignes de vie ne sont généralement utilisées que quelques heures ou pour monter des échafaudages.« Porter des EPI donnent des problèmes de dos, la réglementation dit d’ailleurs qu’ils ne doivent pas être utilisés plus de 4 heures par jour », rappelle le dirigeant.

Très soucieux du confort de ses employés, ce dernier a prévu d’investir l’an prochain dans des roulottes de chantier équipés de toilettes et d’un point d’eau. « Ces investissements sont faits avec l’aide de la Cram », ajoute le dirigeant qui regrette que les entreprises n’accomplissent pas autant d’effort à l’égard de leurs salariés en terme de confort et de sécurité.

Bien choisir son matériel

Les stages de formation sur les échafaudages varie d’une journée à cinq jours selon les modèles. « Depuis 2004, il est obligatoire de former les utilisateurs à ce type d’équipements même s’ils sont utilisés de manière occasionnelle »,met aussi en garde Gérard Cano-Bruyère, gérant de Matières, une société qui propose depuis 1995 des formations, des conseils et des audits dans le domaine des travaux en hauteur.

« Il faut que les salariés soient capables de lire un plan et d’appliquer les procédures de montage en sécurité ».

Au terme de leur formation, les stagiaires reçoivent une attestation de formation. Ils peuvent aussi passer un certificat de qualification professionnelle qui doit être renouvelé aussi souvent que nécessaire, et notamment, lorsque l’entreprise change de type d’échafaudage. L’installation de protection collective n’étant pas toujours possible, il est indispensable de prévoir des équipements de protection individuels (EPI).

Ces derniers ont accompli de grands progrès. A commencer par les points d’accrochage. En se déformant lors de la chute, ils font fonction d’amortisseur. Idem pour les harnais qui se révèlent beaucoup moins agressifs en cas de chute. « Des améliorations notables ont été aussi apportées sous l’impulsion de Petzl qui dispose de son propre service de recherche en ergonomie et en qualité », fait valoir Gérard Cano-Bruyère qui cite aussi les évolutions apportées aux cordes tressées.

« Les modèles en 10 mm sont plus légères, plus souples et tout aussi résistantes que les cordes toronnées de 16 mm », poursuit le spécialiste. Ce dernier considère que bien choisir ses EPI est vital, car en cas d’accident, il faut que le choc soit le plus faible possible. Les normes anti-chute stipulent que le choc ne doit pas dépasser 600 déca-Newton.

Au delà, il peut provoquer des lésions autour des cuisses. « Pour limiter ce risque, mieux vaut choisir des longes de type EN 355 équipées d’amortisseur d’énergie afin d’absorber le choc en cas de chute », insiste Gérard Cano-Bruyère. Lequel estime qu’une bonne compréhension des phénomènes de chute limite les risques car les gens bien informés sont plus vigilants.

Attention au facteur de chute

Le facteur de chute correspond à la hauteur de chute (H) rapportée à la longueur de corde déployée (L), soit H/L. Une chute de 4 mètres est moins violente avec une corde de 10 mètres qu’avec une corde de deux mètres. Car plus le facteur est élevé, plus la chute est violente pour celui qui tombe.

Prendre conscience du danger du travail en hauteur

D’où les actions de prévention menées par Sys ENR, une jeune entreprise d’une vingtaine de personnes créé en 2007 par Franck Raffalli et Christophe Jacquet. Spécialisée dans l’installation d’équipements thermiques et climatiques solaires, elle réalise notamment des installations photovoltaïques sur des bâtiments agricoles et industriels.

Des constructions à risque : les premiers ne sont pas toujours dotés de dispositifs d’accrochage tandis que les seconds sont souvent mieux protégés avec des toits généralement plats mais très élevés. « Autre point sensible, la pose de panneaux photovoltaïques s’accompagne de risques électriques car dès que les modules sont installés, ils produisent du courant sous l’effet du soleil », explique Patricia Le Signor, intervenante spécialisée dans la prévention des risques.

Cette consultante indépendante mène au sein de Sys ENR des actions de sensibilisation et de prévention. La moyenne d’âge des salariés tourne autour des 30 ans, certains ont dépassé la quarantaine. Avec l’expérience, les plus âgés perdent la notion du risque et ont besoin d’une piqûre de rappel. Tandis que les plus jeunes (20-22 ans) sont plus réceptifs et plus attentifs à leur qualité de vie. Du coup, ils prennent davantage conscience du danger.

Certains ont même suggéré d’acquérir des harnais avec des longes et des enrouleurs automatiques. « En début d’année, nous avons organisé une réunion de sensibilisation en utilisant la base de données d’accidents de l’INRS. J’ai choisi des situations qui combinaient le risque du travail en hauteur et le risque électrique »,se souvient Patricia Le Signor. « Cette formation leur a montré que des accidents peuvent très vite arriver et a contribué à les responsabiliser. »

Prévenir les risques sur les toitures photovoltaïques

Sys ENR développe des solutions techniques à base de caméras thermiques qui permettent d’identifier à distance les panneaux solaires défaillants et de bien sécuriser l’intervention de ses salariés. Idem pour les pompiers qui utilisent des lances à eau pour éteindre les incendies. Or, cette méthode peut créer un arc électrique sur les toitures photovoltaïques.

Du coup, Sys ENR travaille sur une solution qui consisterait à projeter de la mousse à base de fécule sur les panneaux de sorte à les rendre opaque. Une solution qui a reçu le trophée Axa de prévention des risques.

Partenariat croisé

Troisel, constructeur de bâtiments industriels, intègre également la prévention des risques dans le quotidien de l’entreprise. « Nous avons conclu, il y a six ans, un partenariat avec notre fournisseur d’EPI Bernard Pages et le fabricant Capital Safety afin de fournir la protection la plus adéquate aux métiers et aux besoins de nos salariés », témoigne Didier Lescos, directeur général de Troisel, filiale du groupe Lescos (274 salariés).

Ce pack conçu en accord avec les chargés d’affaires, les conducteurs de travaux et la direction, contient un ‘‘stop chute’’, c’est à dire un enrouleur anti-chute à câble, un casque, un harnais et deux longes. Plus courte, la première est équipée d’un mousqueton tandis que la seconde, d’un modèle ‘‘Y’’, sert aux déplacements.

Les packs sont utilisés par les équipes de montage rattachées à ses cinq sites de production, en complément des protections collectives, telles que les filets de sécurité. Pour limiter le mal de dos lié au port des EPI, Didier Lescos a choisi des harnais élastiques, plus agréables et confortables à porter. « En général; c’est la traction de l’enrouleur à câble qui peut être gênante. Nous veillons ainsi à ce que le stop chute soit bien positionné. C’est ici qu’intervient le bénéfice de nos formations », recommande le dirigeant.

Tous les ans avec ses partenaires et certains de ses fournisseurs, ce dernier intervient sur chacun des sites à la rencontre de ses employés. Lesquels passent deux par deux et se voient rappelés les règles d’utilisation des systèmes anti-chute. Le matériel numéroté et fiché fait l’objet d’un contrôle attentif et d’une discussion. C’est l’occasion de revenir sur des incidents dus à une mauvaise utilisation des EPI et signalés par un pincement de câble.

Durant cette journée, les salariés sont conviés à d’autres ateliers consacrés à l’utilisation des outillages, du poste incendie ou encore de la trousse de secours. « Plus qu’une simple journée de formation », souligne Didier Lescos, « c’est une sorte de kermesse ponctuée d’un déjeuner commun pour que cela reste un moment festif pour les salariés. »

Travail en hauteur : Apave propose un catalogue exhaustif

L’Apave propose des formations sur le port des EPI contre les chutes de hauteur au cours desquelles les stagiaires apprennent à vérifier et à s’entraîner au port des EPI. « Ces formations sont transversales et intéressent plutôt les employés », explique Mickaël Guihéneuf, responsable des produits formation ‘‘Travail en hauteur’’ d’Apave.

L’Apave organise également des formations spécifiques comme le positionnement sur corde qui s’adresse aux professionnels du BTP ou du nettoyage de façades qui sont appelés à exercer leur métier en utilisant des cordes. Cette formation dure cinq jours et porte sur le contrôle des points d’attache, les déplacements et les secours sur cordes, comme le prévoit la réglementation.

Laquelle stipule que les travailleurs utilisant des techniques d’accès et de positionnement au moyen de cordes doivent recevoir une formation spécifique aux opérations envisagées et aux procédures de sauvetage. Cette formation requiert d’être apte au travail en hauteur. Au terme de la formation, les stagiaires se voient délivrés une attestation de compétence Apave. De quoi ajouter une corde de plus à leur arc.

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