Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

TMS : un enjeu majeur de prévention des risques professionnels en Europe

Sur les 217 millions de travailleurs en Europe, la moitié souffriraient de troubles musculo-squelettiques. Ces maladies de notre époque sont dues à des tâches répétitives, des charges de manœuvres lourdes ou encore au stress en entreprise. Dans son étude sur les TMS, le chercheur Yves Roquelaure tire la sonnette d'alarme. Il accuse non seulement les entreprises de techniques managériales irrespectueuses à l'égard de leurs employés mais aussi les gouvernements de ne pas poursuivre leur directive ''anti-TMS''.

Dans le sillage de la globalisation de l’économie et du développement des services, les Troubles musculosquelettiques (TMS) représentent la première cause de maladie professionnelle dans les pays développés, elles gagnent en outre les pays émergents. Avec l’intensification des conditions de travail, elles affectent un nombre de plus en plus élevé de salariés, qui, s’ils ne sont pas diagnostiqués dans les règles, risquent de les conduire à  »décrocher » de leur emploi. Ainsi, d’après une étude de la Fondation européenne de recherche dans le domaine politique du social et du travail (Eurofound), la moitié des 217 millions de travailleurs que compte l’Europe souffre de ces douleurs. De quoi mettre en péril certaines filières qui accusent déjà une baisse de productivité et de qualité, un turn-over élevé et des difficultés de recrutement liées à la dégradation de leur image.
« La prévention des TMS doit être globale et intégrer des dimensions médicales, ergonomiques, sociales, économiques et politiques afin de bâtir des conditions d’un travail soutenable tout au long de la vie professionnelle », martèle Yves Roquelaure, enseignant chercheur en médecine et santé au travail à l’Université d’Angers et directeur du laboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie en santé au travail. En outre, ce dernier vient de présenter une étude publiée par l’Institut syndical européen (ETUI) qui interroge les conséquences des modèles productifs, organisationnels et managériaux des entreprises sur les conditions de travail des salariés et les TMS.
Il faut savoir que les TMS sont rarement déclarées comme maladie professionnelle par les employés. A cet égard, l’étude d’Eurofound s’est basée sur la région des Pays-de-la-Loire en France afin de constater que sur les 120.000 employés victimes de TMS, seuls 4.000 les avaient déclaré en maladies professionnelles. Cette réaction s’explique par le fait que la plupart des salariés manquent d’information à ce sujet, qu’ils se retrouvent souvent découragés par des procédures administratives laborieuses ou bien qu’ils craignent tout simplement de perdre leur emploi…
En ligne de mire des travailleurs les plus susceptibles de souffrir de TMS, les employés qui sont contraints à des tâches répétitives excessives, réalisées sous des contraintes de temps et avec peu de marges de manœuvres. C’est-à-dire les ouvriers dans l’industrie, l’agriculture et le bâtiment ou bien les employés peu qualifiés du commerce et des services aux particuliers. En effet, ils sont soumis au quotidien à des tâches laborieuses telles que la manipulation de charges lourdes, les mouvements forcés, des postures inconfortables prolongées, des vibrations mécaniques ou encore à une exposition au froid qui les poussent à en avoir  »plein le dos ». « Les TMS sont une source importante d’inégalités sociales. Les travailleurs vieillissants sont particulièrement touchés en raison de l’usure prématurée des tissus et des effets différés des contraintes biomécaniques accumulées au fil du parcours professionnel », déplore Yves Roquelaure. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les difficultés augmentent avec l’âge, créant des situations de handicap mais aussi rendant les dernières années avant la retraite quasiment insurmontables.
Autre bête noire de notre société, le stress dû aux pressions psychologiques et à une certaine vulnérabilité psychologique du salarié génère des situations de tension au travail qui augmente aussi le risque de TMS. En effet, le stress perturbe l’activation musculaire, provoque des inflammations et des douleurs, diminue les capacités de réparation tissulaire et favorise la chronicité des douleurs. Associé à certaines pratiques managériales qui imposent des cadences de travail et des procédure rigides, le stress oblige à travailler dans l’urgence au quotidien. « Les TMS comme les risques psychosociaux (RPS) au travail sont des effets pathologiques de l’intensification au travail, les uns traduisant principalement la souffrance des corps et les autres la souffrance psychique », souligne Yves Roquelaure.
Pour le chercheur, la solution réside en priorité dans l’amélioration des conditions de travail en mobilisant autour d’un consensus tous les acteurs de l’entreprise. A savoir les services en charge de la prévention au travail, les comités santé et sécurité, l’encadrement, les représentants du personnels, les employés et bien sûr, le chef d’entreprise. Au programme de ce consensus, il s’agirait de réduire les risques de TMS en améliorant les situations de travail et le pouvoir d’agir des travailleurs. Ensuite, le chercheur recommande d’effectuer un dépistage précoce et une prise en charge adaptée de la maladie. Enfin, pour ceux qui présentent ces douleurs chroniques, il faudrait trouver comment faciliter et maintenir de manière durable leur emploi. « L’enjeu majeur est de favoriser l’émergence de conditions de travail soutenables tout au long de la vie professionnelle par la réorientation de la politique industrielle et la relance de la politique européenne de santé au travail (…). Les directives européennes sur la santé au travail, la manutention des charges ou le travail sur écran sont actuellement insuffisantes en l’absence de réactivation du projet de directive  »anti-TMS ». »

Ségolène Kahn

Commentez

Participez à la discussion


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.