Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Roland Guinchard (Montgolfière Management) : « Notre indice ''ixa'' mesure l'anxiété au travail »

Interview du fondateur et dirigeant du cabinet Montgolfière Management spécialisé sur l'engagement professionnel. Après avoir longuement pratiqué la psychologie et psychanalyse comme praticien, Roland Guinchard intervient comme consultant auprès de grandes entreprises et des PME de 200 à 500 personnes du tertiaire et de l'industrie.

Roland Guinchard est aussi l’inventeur du concept  »ixa » qui permet de mesurer la qualité de l’ambiance au travail et a signé plusieurs ouvrages dont Personnalités difficiles ou dangereuses… pour aider notamment les entreprises à prévenir et gérer la violence au travail.

Les comportements violents au travail sont-ils récents ? 

Cette question n’est pas nouvelle et remonte au moins à la création des lieux de production et du contrat de travail qui est en soit un lien de subordination. La violence au travail se manifeste de différentes manières. Elle peut être relationnelle, c’est le cas lorsqu’elle s’exerce entre collègues, ou quand elle provient d’un supérieur qui exerce un abus de pouvoir envers un de ses collaborateurs. Cela peut aller jusqu’au harcèlement moral. La violence peut être aussi inter-relationnelle lorsqu’elle s’exerce contre un salarié qui sert de bouc émissaire, ou entre deux services. La violence peut être aussi organisationnelle et collective, c’est le cas notamment lorsqu’une entreprise se sépare d’une partie de ses effectifs pour la seule demande des actionnaires de voir augmenter leurs dividendes.

Qu’en est-il du Burn-out ? 

Le Burn-out – ou dépression par épuisement – n’est pas nouveau non plus. Les premiers symptômes se manifestent par une agitation professionnelle sans qu’il y ait de résultats significatifs. Ce phénomène touche des personnes qui s’engagent au péril de leur santé et de manière excessive dans l’entreprise sur laquelle ils transfèrent leur « idéal du moi ». Au risque d’être déçues. La déception peut même être inconsciente. L’épuisement massif est le résultat de ce processus de déception. Il survient en général assez brutalement, en moins d’une nuit ou à la fin d’une journée.

Vous avez consacré un de vos ouvrages aux personnalités difficiles ou dangereuses… Comment les reconnaît-on ?

Les personnalités difficiles sont celles dont le comportement manifeste une « angoisse existentielle » importante. Elles éprouvent, plus que les autres, leur anxiété dans le travail, ont un comportement excessif pour contrôler, se faire remarquer ou fuir en permanence dès lors qu’elles rencontrent une difficulté. Quand aux personnes dangereuses, elles n’ont pas le même sens de la réalité et n’accordent pas réellement aux autres le statut d’interlocuteur valable. C’est le cas des paranoïaques et des pervers. Ces derniers sont toujours séduisants, ils profitent à fond du système et n’ont aucune vergogne à ne rien faire. Pour les éviter, l’entreprise doit avoir une organisation claire et transparente et des valeurs fortes connues de tout le monde qui ne laissent pas trop de place à l’incertitude.

Que peut faire l’entreprise pour lutter contre la violence au travail ? 

L’entreprise est face à une réelle révolution culturelle : passer de la culture de la  »discrétion » à celle de la  »vigilance ». Dans un contexte où la société n’apporte plus de repères symboliques, elle doit absolument vérifier et piloter l’ambiance de travail et s’assurer de la qualité du lien entre les individus et leur engagement professionnel.

Quels outils utilisez vous ?

Nous avons conçu un indicateur, appelé indicateur ixa pour mesurer au plus près l’indice d’anxiété, d’inquiétude et d’angoisse au sein de l’entreprise. Il s’agit d’un système prédictif de l’apparition des risques psychosociaux. Nous avons déterminé un niveau cible, le niveau 4, sur une échelle simplifiée de 1 à 10. Si l’indice est inférieur à 4, cela signifie que l’entreprise entre dans une ambiance dépressive, avec des risques d’apparitions de Burn-out et d’absentéisme. Assez souvent, les administrations et les entreprises du secteur tertiaire qui connaissent une grande sécurité de travail, se situent en dessous du niveau 4. Au-dessus de 4, par exemple dans l’industrie (où la précarité de l’emploi est plus élevée, NDLR), le risque porte davantage sur la lutte collective. Mais tout est relatif. L’indice Ixa étant dynamique, il peut descendre brutalement vers la zone d’éléments dépressifs avant d’effectuer un rebond vers la révolte. Pour éviter cette situation, nous aidons les entreprises à faire un travail de prévention, d’alerte et de pilotage dans ces parties « psychologiques » du management. Objectif: se maintenir au niveau d’équilibre le plus sûr.

Comment aidez vous les entreprises à mettre en place cet indicateur ? 

Nous réalisons un audit social et psychologique spécifique auprès de tous les salariés en les interrogeant à l’aide du relevé ixa puis en réalisant des entretiens  »cliniques » proches du terrain auprès d’un échantillon contrasté de personnes. Les réponses sont analysées par notre logiciel de diagnostic qui fait, entre autre, une analyse sémantique du contenu. Cet outil sert à mesurer la qualité de l’ambiance de travail mais aussi la qualité de vie au travail, la nature du lien au travail, le niveau d’engagement, l’implication des collaborateurs, le niveau de risque psychosocial en s’appuyant sur des faits particuliers significatifs, à la différence des questionnaires qui se basent uniquement sur l’opinion ou la satisfaction des salariés. Une fois le diagnostic effectué, nous formons les managers, les préventeurs etc.… En général, nous pratiquons un point d’étape chaque année avant de faire à intervalle régulier, une mise à niveau. Bientôt notre logiciel sera mis en ligne de manière à aider les entreprises à suivre en temps réel la qualité de leur ambiance de travail.

Propos recueillis par Eliane Kan

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