Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Nanosatellites : la sécurité à l’assaut de l’espace

Embarqués comme passagers auxiliaires, les satellites de moins 50 kg sont de plus en plus nombreux à voler dans l’ombre des gros satellites. Grâce à la baisse des coûts de lancement et à la standardisation des architectures de satellites, des start-up cassent les prix de l’accès au spatial. De nouveaux services de sécurité et de sûreté se développent. Photo : Le CubeSat ''Robusta'' du Centre spatial universitaire de Montpellier. © CSU Montpellier

5, 4, 3, 2 1… Ignition (mise à feu) ! De Kourou à Cap Canaveral en passant par Baïkonour, Ryad ou Bangalore, pas moins de 120 à 188 lancements devraient être réalisés d’ici 2020, selon une étude de février 2013 du cabinet américain SpaceWorks. Ces tirs s’ouvrent à un nombre croissant de petits satellites qui, dans l’ombre des gros et très satellites (de 500 kg à plusieurs tonnes) opérés par des agences gouvernementales (Nasa, Esa, Cnes…) ou des multinationales, ‘‘squattent’’ le volume disponible restant dans les lanceurs. D’après une étude autour du projet Perseus pour le Cnes (Centre national d’études spatiales), 71 de ces petits satellites, acceptés en charge auxiliaire ou ‘‘Piggy-back’’, ont été mis sur orbite entre 1999 et 2007. Pour la seule année 2012, pas moins de 33 petits satellites ont ainsi rejoint l’espace. Et ce n’est qu’un début ! « Le nombre des lancements devrait être multiplié par 2,5 sur les 5 prochaines années », estime Roger Walker, ingénieur systèmes à l’Agence spatiale européenne (Esa). Cette accélération est stimulée par la diversification des satellites en fonction de leur poids. On parle de minisatellites (100 kg à 500 kg), microsatellites (10 kg à 100 kg), nanosatellites (1 kg à 10 kg) et picosatellites (moins de 1 kg). Pour la seule période 2013-2015, SpaceWorks prévoit la mise sur orbite de près de 322 nanosatellites. Dont 86% pèsent de 1 kg à 3 kg. Pourquoi un tel engouement ?

D’abord, les gros clients, Nasa, Esa et Cnes en tête, se font à l’idée d’accepter, sous certaines réserves, d’autres satellites à bord de la fusée qui transporte la charge principale dont ils sont propriétaires. Seconde raison : « Les petits satellites deviennent une source de revenus non négligeable pour les lanceurs et opérateurs de services de lancement », explique Spas Balinov, directeur général de NovaNano, une start-up française créée en 2009 qui s’est spécialisée dans le courtage en service de lancement, la fabrication de composants pour nanosatellites ainsi que de plates-formes de nanosatellites complets. En témoigne l’ukrainien Dnepr, qui fabrique des lanceurs à partir d’un stock d’anciens missiles intercontinentaux balistiques : l’un de ces derniers vols vient de déployer 34 petits satellites ! Avec 22 % des lancement de satellites de 1 kg à 10 kg et 29 % de ceux de 11 kg à 50 kg sur la période 2000-20012, Dnepr est d’ailleurs, de loin, le véhicule leader au plan mondial. Suivi par l’indien Polar Satellite Launch Vehicle (12 % et 9 % du marché). Pour sa part, Vega (Arianespace) détient 6 % et 1 % de ce marché.

Nanosat : un standard reconnu. Autre moteur de cette démocratisation de l’espace : la création d’un standard de nanosatellite baptisé CubeSat. Déployé pour la première fois dans l’espace en 2003, ce nanosat a été inventé début par les professeurs Bob Twiggs (université de Stanford) et Jordi Puig-Suari (California Polytechnic State University). Ce cube, qui embarque ses panneaux solaires sur ses facettes, pèse 1 kg et mesure 10 cm d’arête. « Grâce à cette standardisation, des start-up, issues généralement d’universités, ont émergé pour concevoir et fabriquer des composants ou des plates-formes compètes de nanosatellites, remarque Roger Walker de l’Esa.Aujourd’hui, il est possible de faire un nanosat entièrement à partir d’éléments sur étagère pour 200.000 à 300.000 euros. On peut aussi assembler les CubeSat par 2, 3, 6 ou 12 pour composer un satellite spécifique plus grand et plus puissant. »

De fait, les universités américaines sont à l’origine d’une vingtaine de start-up. Comme Deep Space Industries, GeoOptics, Planet Labs, Planetary Resources, Pumpkin ou Skybox. Cette dernière vient de lever 65 millions d’euros pour fournir, grâce à une constellation d’une vingtaine de satellites, des images spatiales d’observation de la terre. Notamment pour indiquer aux chaînes de supermarchés le taux d’occupation des parkings de ses concurrents. Autre belle levée, les 9,5 millions d’euros de Planet Labs qui se positionne en concurrent direct de Sybox. De son côté, l’Europe compte moins de start-up mais de belles pépites. A commencer par l’écossaise Clyde Space et l’anglaise Surrey Satellite Technology Ltd (rachetée par EADS Astrium), toutes deux spécialisées dans les microsatellites. En nanosat, citons GomSpace et Isis qui offrent le courtage de lancement, le test spatial (amplitude thermique, pression, radiations…) des composants, la fabrication de sous-systèmes et plates-formes complètes ainsi que les services de liaison au sol et de collecte de données satellitaires.

Passer du pédagogique au commercial.« Aujourd’hui, 80% des CubeSat sont lancés partout dans le monde par des universités ou des agences spatiales gouvernementales dans un but pédagogique : apprendre aux élèves ingénieurs à relever des défis du spatial, souligne Julien Hennequin, responsable commercial de la start-up néerlandaise Isis qui réalise un chiffre d’affaires 2012 de 5 millions d’euros avec 50 personnes. Pour faciliter cette dissémination des nanosat, Clyde Space, GomSpace et Isis ont ouvert des boutiques électroniques sur Internet. Celle d’Isis, CubeSatShop.com, donne ainsi accès à tous les composants sur étagère pour fabriquer un nanosat complet. « Nous distribuons ainsi les produits d’une quinzaine de partenaires. Dont GomSpace, Pumpkin, Clyde Space, ESL (Afrique du sud), Head (Chine). Bien sûr, nous ne vendons pas n’importe quoi à n’importe qui ! », poursuit Julien Hennequin qui, à partir de sa boutique électronique, commercialise l’équivalent d’une dizaine de CubSat par an.

Des constellations de nanosat. « L’avenir consiste à opérer non pas un mais plusieurs nanosat en constellations de plusieurs dizaines d’aéronefs pour des budgets allant de 30 à 50 millions d’euros », enchaîne le responsable commercial d’Isis qui a lancé en novembre 2013 le premier satellite démonstrateur de sa constellation Triton. Objectif : collecter pour deux fois moins cher les signaux AIS (Automatic Identification System ; Système d’identification automatique), un standard de communication radio spécifique qu’émettent les bateaux pour afficher leur identité, la nature de leur cargaison ainsi que leur destination. « L’intérêt, c’est par exemple de dire au capitaine du bateau de réduire sa vitesse afin d’économiser du carburant en raison de la trop grande file d’attente au port de Rotterdam, souligne Julien Hennequin.Quant aux douanes, elles sauront mieux quels bateaux contrôler en priorité. Par ailleurs, ce système aidera également à repérer les navires suspects dans les zones de piraterie. » En effet, ceux-ci peuvent être détectés par l’imagerie satellitaire. Puis, comme ils ont tendance à désactiver l’émission des signaux AIS par intermittence, l’opérateur parvient par recoupement à les identifier en tant que pirates.

Vendre l’information pertinente. Bref, avec les nanosat, l’enjeu consiste dorénavant non pas à vendre des satellites à des opérateurs propriétaires mais à commercialiser directement la donnée traitée, à savoir l’information pertinente. « Avec les satellites d’observation de la Terre, les agences gouvernementales, par exemple, vont acheter les photos qui localisent les incendies de forêt. Pas le fichier brut. Car le traitement de données se calcule à bord du nanosat, développe Spas Balinov de NovaNano. Nous déposons des brevets pour installer des capteurs à différents endroits dans le monde afin de collecter les données qu’ils émettent (jusqu’à 3 fois par jour grâce à un seul nanosat ou en temps réel grâce à une constellation). Nos futurs services intéressent en premier lieu la sécurité et la sûreté des pipe line qui transportent des hydrocarbures (détection de fuites ou d’intrusion) sur de très longues distances. » De quoi intéresser les sociétés d’exploitation pétrolière ainsi que les sociétés pétrolières d’État. Même idée pour le suivi de flottes de camions ainsi que de conteneurs maritimes dans des zones non couvertes par les réseaux GSM/GPRS comme en Afrique, au Moyen-Orient, en Russie, en Chine et en Asie centrale. « L’important, c’est de suivre en permanence le véhicule, sa remorque ou le conteneur qui vont ainsi envoyer des messages en bas débit pour indiquer leur géolocalisation, le niveau du réservoir de carburant, la température de la cargaison, l’éventuelle ouverture des portes…, reprend Spas Balinov. L’idée, c’est de diviser par 10 le coûts des systèmes GPS/GSM/GPRS. »

Du spatial au nucléaire.De son côté, la société suisse Micro Camera & Space, qui compte à son actif une caméra actuellement en service à bord du robot explorateur Curiosity sur Mars, profite de la récente constitution du premier Centre spatial universitaire de France, à Montpellier de la vague pour y créer Systheia, sa filiale languedocienne. Objectif développer des caméras numériques de haute précision pour nanosat. « Nous menons des recherches au niveau de la physique même du silicium de sorte que nos futures caméras résistent aux fortes aux radiations du spatial, souligne Stéphane Beauvivre, président de Systheia. Certaines caméras savent très bien le faire aujourd’hui. Mais elles pèsent plusieurs kg. Ici, nos prototypes qui sortiront cette année ne pèseront que 100 à 120 g. Du coup, il sera plus facile et moins cher de mettre des rajouter des caméras d’inspection. Par exemple, sur les organes des robots d’inspection, de réparation et de démantèlement nucléaires car les conditions de radiations sont assez proches. »

Erick Haehnsen

Montpellier inaugure le premier Centre spatial universitaire français

La capitale languedocienne devient le premier pôle universitaire des nanosatellites du pays.

En février 2012, 300 étudiants de l’université Montpellier 2 ont vu leur fruit de plusieurs années de travail concrétisé par le lancement à Kourou de Robusta, le premier nanosatellite étudiant français. Dans un primier temps, se crée ensuite la Fondation Van Allen qui rassemble du beau monde : le Cnes, l’Esa, le constructeur de satellites Astrium, le fabricant de circuits électroniques en 3 dimensions 3D Plus, le leader européen des contrôles de systèmes satellitaires Intespace et l’Université de Montpellier 2 (UM2). Objectif : financer des satellites étudiants en développant des relations avec les industriels et créer le premier Centre spatial universitaire (CSU) français. Lequel accueille déjà sa première start-up, Systheia. Le 5 décembre dernier, l’inauguration du CSU fut l’occasion d’annoncer la construction d’un bâtiment de 2 000 m² pour 2015 ainsi que le programme Janus : le financement par le Cnes de 15 nanosatellites étudiants dans toute la France, en complément du programme européen QB50 de 50 CubeSat provenant de toute l’Europe.

Lancement de satellites : chute libre du prix au kilo
De nouvelles start-up sont en train d’écraser les prix de lancement des satellites.

Pour presser les prix de lancement, certaines start-up réfléchissent à de nouvelles méthodes de lancement à partir d’avions. Dans cet esprit, la société suisse S3 (Swiss Space System) conçoit une navette spatiale qui décollera à 10.000 d’altitude du dos d’un Airbus A300 et, après son vol dans l’espace, atterrira en vol plané afin d’être réutilisée à la demande. S3 prévoit son premier vol commercial en 2018 à un prix de 8,2 millions d’euros par vol pour 250 kg de charge utile – soit 33.000 euros le kg. De son côté, l’américain Generation Orbit Launch Services préfère recourir à un petit jet privé, le G3 de Gulstream, et à un missile de chez Vention qui va emporter de petites charges de 40 kg. Lauréate en novembre 2012 du concours NewSpace Business Plande la Nasa – qui, depuis, lui a signifié une commande de 1,5 million d’euros -, la start-up US compte ainsi procéder à son premier lancement en 2016 à un prix 730.000 euros par lancement – soit moins de 20.000 euros le kg.

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