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Risques industriels et environnementaux

Les conditions d'éruption d'un super-volcan enfin recréées en laboratoire

À l'exception des chutes de météorites géantes, les explosions de super-volcans sont les catastrophes naturelles les plus dramatiques jamais observées sur Terre. A défaut de pouvoir les prévenir, des scientifiques en ont reproduit les conditions, grâce aux rayons X du synchrotron européen (ESRF).

Les grandes éruptions volcaniques impactent profondément le climat. A l’instar de celle du Mont Pinatubo aux Philippines qui, en 1992, a fait baisser la température du globe de 0,4°C pendant plusieurs mois. Avec un super-volcan, la chute thermique peut atteindre 10°C et durer 10 ans ! Face à ces enjeux, les scientifiques s’efforcent de comprendre les mécanismes qui régissent les super-éruptions. Objectif : prédire la catastrophe suffisamment à l’avance pour que la société civile trouve les moyens d’en limiter les effets.

On en est loin. En effet, jusqu’à présent, ces mécanismes étaient restés obscurs. De fait, la chambre magmatique d’un super-volcan est beaucoup plus grande et plus chaude que celle d’un volcan conventionnel comme le Pinatubo. Mais elle est aussi déformable en fonction de la pression au fur et à mesure qu’elle se remplit de magma chaud. Cette plasticité permet à la pression de se dissiper plus efficacement que dans un volcan normal, dont la chambre magmatique est plus rigide. C’est pour cette raison que les super-volcans n’explosent que très rarement.

En ce cas, pour quelle raison les super-volcans provoquent-ils des super-éruptions ? Les chercheurs lèvent un coin du voile. « C’est une pression additionnelle causée par les différences de densité entre la roche solide et le magma liquide. On pourrait comparer cela à un ballon de foot rempli d’air que l’on plonge dans l’eau et qui remonte à la surface car l’eau est plus dense tout autour », explique Wim Malfait, chercheur à l’Université Polytechnique de Zurich (ETH). Cette pression additionnelle est-elle suffisante pour causer des fissures de la croûte terrestre, suivie d’une éruption violente, ou faut-il une source d’énergie externe comme un tremblement de terre ? Tel était le sujet de cette recherche.

Problème : impossible d’étudier directement la chambre magmatique d’un super-volcan. Les scientifiques ont dû reproduire en laboratoire les conditions extrêmes de pression et de température du magma grâce au synchrotron européen ESRF basé à Grenoble (Isère). « Les rayons X de l’ESRF peuvent être utilisés pour connaître l’état (liquide ou solide) de la matière et les changements de densité lorsque le magma cristallise sous forme de roche », confie Mohamed Mezouar, chercheur à l’ESRF.

« Des températures de plus de 1.700°C et des pressions jusqu’à 36.000 atmosphères peuvent ainsi être atteintes à l’intérieur d’une presse appelée ‘‘Paris-Edimbourg’’, où de minuscules échantillons de roche sont placés entre les deux pointes d’une enclume en carbure de tungstène puis chauffés avec un four résistif. Cet appareillage a été utilisé pour déterminer très exactement la densité du magma liquide sur une large gamme de pressions et de températures », détaille Jean-Philippe Perrillat, chercheur au Laboratoire de géologie de Lyon (CNRS / Université Lyon 1 / ENS Lyon). Résultat : la pression résultant des différences de densité entre la roche solide et le magma liquide est en effet suffisante pour fissurer la croûte terrestre sur une distance de 10 km !

Erick Haehnsen

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