Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Les chaussures de sécurité emboîtent le pas aux modèles sportifs

Plus attrayantes en terme de design, plus confortables et légères, les chaussures de sécurité se modernisent pour séduire leurs utilisateurs.

Une petite bande violette discrète monte le haut de la protection du talon. Joliment dessiné, celui-ci épouse parfaitement le talon d’Achille, et la couleur violette est délicatement reprise pour relier le haut de la chaussure à la semelle. Sportive et très féminine, la chaussure « CERES S3 » de la gamme Lady Line de Patrick Safety Jogger ferait presque penser à des ballerines d’escalade tant elles paraissent légères et agréables à porter. Difficile de croire qu’il s’agit en fait d’une chaussure de sécurité répondant à la norme EN ISO 20345. Laquelle définit trois classes différentes. Le niveau S1 doit absorber un choc de 200 joules et un écrasement de 15 kNewton. Le niveau S2 intègre en outre une tige résistante à la pénétration et à l’absorption d’eau. Quant au S3, il doit intégrer toutes ces exigences et être pourvu d’une semelle antiperforation et des crampons. De quoi limiter le nombre de blessures aux pieds qui représentent environ 7 % des sièges de lésion des accidents du travail, et se divisent en deux grandes catégories : d’abord les traumatismes (perforations, écrasements, lacérations, etc.) et de l’autre les blessures résultant de glissades, faux mouvements, chutes et sollicitations excessives du pied mal chaussé (entorses, tendinites, fractures, etc.).

Allures sportives

Non contents de répondre aux contraintes normatives, les nouveaux modèles de chaussure de sécurité se veulent furieusement tendance. Comme en témoigne la collection 2011-2012 présentée chez Veltis, un magasin de vêtements d’entreprise et de protection situé en face de la prestigieuse manufacture des Gobelins, à Paris. Les modèles de chaussures de protection et de sécurité s’alignent au fond du magasin, et l’on se croirait presque dans les rayons training ou montagne d’une boutique de chaussures de sport. Tous les acteurs traditionnels du marché sont en rayon avec des modèles voir des gammes d’allure sportive. Tels « Activator » (S1) de Caterpillar, « Crazy » (S2) pour Lemaitre, ou encore la gamme « Lightane » (S3) chez Jallatte. Plus surprenant, aux côté de ces monstres sacrés du marché de la chaussure de sécurité, se trouvent des marques que l’on a plus souvent l’habitude de voir dans les clubs de sport ou les magasins de randonnée. Timberland Pro, Puma, Nike : les marques sportives se sont en effet engouffrées dans cette niche comme Puma avec « Motorsport » (S1) ou Timberland Pro avec « Lady Trainer » (S1).

Une norme pour les chaussures de sécurité
 
La certification européenne CE n’est délivrée qu’après vérification que la chaussure répond bien aux critères de la norme EN ISO 20345 avec trois catégories de protection : S1, S2 et S3 (ou S4 et S5 pour les polymères naturels et synthétiques).
– Chaussures de sécurité S1 : norme EN ISO 20345 S1
– Chaussures de sécurité à usage professionnel
– Produits en cuir ou autres matières (sauf tout caoutchouc ou tout polymère)
– Exigences fondamentales : embout résistant à un choc d’une énergie de 200 joules (2 kg à 1 mètre) et un écrasement de 15 kN, innocuité, confort, solidité et arrière fermé, propriétés antistatiques, absorption d’énergie du talon
– Chaussures de sécurité S2 : norme EN ISO 20345 S2 (ou S4 pour les polymères)
– Exigences fondamentales de S1 et tige résistant à la pénétration et l’absorption d’eau
– Chaussures de sécurité S3 : norme EN 20345 S3 (ou S5 pour les polymères)
– Exigences fondamentales de S2, semelle antiperforation et semelle à crampons.

Du design, mais aussi du confort

« Cela fait déjà une vingtaine d’années que le vêtement de travail “image” a fait son apparition », explique Jean-Pierre Boutonnet, directeur France pour Lemaître Sécurité et président de la commission Chaussure du Syndicat national des acteurs du marché de la protection (Synamap). « Le marché de la chaussure de sécurité a naturellement suivi cette tendance particulièrement durant cette dernière décennie. » Ceci est particulièrement visible selon lui pour les achats individuels : dans l’artisanat, les clients achètent souvent avec les yeux. « Cela correspond à une forte demande des consommateurs, particulièrement chez les jeunes », précise Michaël Hotin responsable de magasin et attaché commercial chez Veltis.
Selon ce dernier, cette tendance s’explique en partie par l’augmentation du nombre de jeunes en apprentissage (en progression de 15 % ces cinq dernières années). « Pour le genre d’activités qu’ils choisissent, ils leur faut des chaussures de sécurité, et parfois, certaines sociétés remboursent, donc ils se font un peu plus plaisir. » Car – et c’est certainement là que se trouve l’explication principale de cette tendance à rechercher le design –, les chaussures ne sont plus destinées à rester sur les chantiers où dans l’entreprise. « Maintenant, ils veulent de plus en plus pouvoir partir de chez eux avec leurs chaussures de sécurité », poursuit Michaël Hotin. Et avec ce type de chaussures, « vous pouvez prendre les transports en commun, personne ne se dira que vous avez des chaussures de sécurité aux pieds ». L’ambition est même largement affichée par Lemaître, qui, avec sa gamme « Crazy », entend bien « abolir la frontière entre l’univers professionnel et celui de la détente ».

Kevlar inside

Cette évolution est surtout liée aux progrès d’ordre techniques et aux recherches en matériaux qui confèrent un meilleur confort et un allègement des chaussures. « Aujourd’hui, explique Michaël Hotin, dans beaucoup de cas, la coque est en composite, et non plus en acier comme auparavant, ce qui allège considérablement la chaussure et améliore le confort d’utilisation. » Le kevlar, matériau léger et extrêmement solide aussi est également de plus en plus utilisé, en guise de semelle complémentaire par exemple. Dans certains cas, le design et le confort relèguent même au second plan les caractéristiques techniques du produit.

Ainsi la ligne Lightane de Jallatte est proposée sur le site du groupe, comme idéale « pour ceux et celles qui se déplacent fréquemment, pour prévenir la fatigue avec un design élaboré pour répondre aux tendances de la mode “Outdoor” ou “Urban sport” ». Quant à l’Extraflex de Modyf (S1), elle bénéficie d’une partie en Lycra extensible qui lui permet même de se passer de lacets. Vous ne rêvez pas, il s’agit bien là de chaussures… de sécurité.

A contrario, ces nouveaux matériaux permettent tout de même, la plupart du temps, d’améliorer et de mieux protéger l’utilisateur contre certains risques spécifiques. Les brevets se multiplient dans ce domaine, et Jallatte met aujourd’hui en avant l’adhérence exceptionnelle de sa semelle Triftane Fighter, « novatrice et multifonction, qui garantit une accroche exceptionnelle contre la glissade, y compris sur des sols particulièrement agressifs ». La Running de Puma (S1 ou S3) propose, quant à elle, une « assise du pied Evercushion Gel anatomique avec soutien de voûte plantaire, propriété antibactérienne et coussin de gel sous le talon », tout en assurant une résistance à une chaleur de plus de 300 °C.

Les limites du « tout design »

Chacune de ces innovations est suivie de près par la profession, car ce type de produit doit répondre à des normes techniques extrêmement précises, de façon à éviter des accidents du travail qui peuvent avoir des conséquences lourdes et handicapantes (lacération, glissade, projections…). Or, pour Jean-Pierre Boutonnet, les dernières tendances en matière de chaussures de sécurité laissent parfois perplexes quant à la fiabilité de certains produits. « Il y a de très beaux résultats sur le marché, mais nous nous interrogeons parfois sur la façon dont le produit est parvenu à satisfaire aux exigences de la norme. »
Michaël Hotin l’assure cependant, « chacune des chaussures présentes sur ses rayons est conformes aux normes européennes en vigueur (lire l’encadré), sinon, elles ne pourraient être vendues en France ». Lionel Gaudillère, responsable marquage CE pour le Comité professionnel de développement cuir, chaussure, maroquinerie (CTC, seul organisme de certification français habilité à assurer cette certification européenne sur les chaussures de sécurité), partage ce point de vue : « Quel que soit le modèle déposé, qu’il soit féminin, sportif ou autre, nous avons la même exigence à la norme, donc à notre niveau il n’y a pas de dérive. » Le seul obstacle relevé par Lionel Gaudillère serait même plutôt un obstacle lié au confort de certains modèles sportifs. « Aujourd’hui, les fabricants mettent de plus en plus de matériaux non respirants au niveau de la tige car cela apporte un côté design, sportif, etc. mais cela pose un problème de respirabilité. »
Voilà pourquoi l’adoption de ce type d’équipement de protection individuelle nécessite une réflexion approfondie avec les utilisateurs. Il s’agit de bien les protéger contre les risques du métier tout en assurant leur confort tout le long de la journée. Cette information est d’autant plus nécessaire que bon nombre d’entreprises donnent à leurs employés la liberté de choisir leur EPI sur catalogue. Or, pour bien choisir sa chaussure à son pied, encore faut-il être bien conseillé.
© Gael Grilhot / Agence de presse TCA-Innov24

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