Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risque incendie

La reprise économique menacée par la hausse du prix des matériaux

Avec des hausses allant jusqu’à 150 % sur un an, les cours de certaines matières premières flambent avec la reprise. Ce qui pénalise les entreprises qui les consomment pour fabriquer leurs produits. Notamment l’acier pour les extincteurs d’incendie, le nickel pour l’électronique ou encore le cuivre pour les câbles de réseaux électriques et informatiques. Les TPE et PME sont particulièrement exposées.

Grâce aux politiques de vaccination massive, l’étau des mesures sanitaires se desserre quelque peu afin d’accélérer la reprise économique. Mais une crise peut en cacher une autre : la hausse des prix des matières premières et les difficultés d’approvisionnement. « Entre le cours le plus bas en mars 2020 et le plus haut des dernières semaines [du printemps] de 2021, nous sommes à +125 % de hausse sur le cuivre, 145 % sur l’étain et 150 % sur le minerai de fer », indique Yves Jégourel, professeur à l’Université de Bordeaux, qui, avec l’économiste Philippe Chalmin, codirige le CyClope, éditeur du rapport français de référence sur les marchés mondiaux de matières premières.

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Nodule de nickel pur (99,9 %), raffiné par électrolyse, à côté d’un cube de 1 cm³. CC Alchemist-hp

Jusqu’à 18 611 dollars la tonne de nickel

Plus précisément, le prix du cuivre utilisé entre autres pour des réseaux électriques et informatiques, s’établit au second fixing du 2 juillet dernier à 9 300 dollars la tonne sur le London Metal Exchange (LME). Lequel représente 80 % des échanges mondiaux. Précisons que le cuivre a connu un pic à 10 117 dollars en février dernier. De son côté, l’aluminium se monnaye 2 500 dollars la tonne. Assez volatile, le nickel, que l’on emploie notamment dans les batteries électriques, a culminé à 18 611 dollars la tonne 25 juin dernier (18 141 dollars le 2 juillet) après un bas à 17 287 dollars le 17 juin. Pour leur part, l’acier, l’inox ou la ferraille ne font pas l’objet de cotations en bourse. Ces matériaux sont donc échangés soit par contrats de gré à gré entre acheteurs et vendeurs ou par l’intermédiaire de négociants.

59 % des PME impactées

Selon la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) « 59 % des entreprises sont impactées par la hausse du prix des matières premières. » 28 % des dirigeants de TPE et de PME rencontrent des difficultés d’approvisionnement. La part des patrons confrontés à l’envolée du prix des matières premières culmine à 93 % dans les entreprises issues de l’industrie et de la construction. Et 69 % se plaignent de difficultés d’approvisionnement.

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Cuivre pur à 99,95 %. CC Alchemist-hp

Explosion des prix, pénurie des matériaux et des matières premières

Dans le secteur des métiers de l’incendie, l’impact de la hausse des prix se cumule avec la pénurie de matériaux et de matières premières ainsi qu’avec l’allongement des délais de livraison. « Concernant les hausses de prix, celui de l’acier, utilisé dans la fabrication de nombreux produits et matériels de sécurité incendie (extincteurs, tubes et accessoires pour les systèmes d’extinction automatique, portes coupe-feu…), a doublé depuis un an », indique la Fédération française des métiers de l’incendie (FFMI). Outre l’aluminium, les prix du plastique, du cuivre, du laiton en lingot ont également enregistré des hausses allant de 10 % à 40 % ces derniers mois. Bref, toutes les matières premières sont touchées, y compris le nickel et le bois.

Déséquilibre structurel

« Lors du premier confinement, beaucoup de fournisseurs de plastique et d’acier ont fermé leurs usines. Il a fallu plusieurs semaines pour les redémarrer complètement alors que la demande était très forte, explique la FFMI. Les stocks tampons, prévus pour faire face, ont été vidés en un rien de temps. Et les usines, malgré la reprise de leur production, ne peuvent pas suivre la demande. » Ce déséquilibre structurel entre l’offre et la demande se traduit directement dans les prix. Même ceux du papier ondulé recyclé qui sert à emballage des produits (+ 48 %), du papier kraft (+ 25 %) et des semi-conducteurs (+ 20 %par rapport à 2020). Ces tensions rejaillissent en premier sur les PME, qui sont très largement majoritaires dans les métiers de l’incendie, et dont les volumes d’approvisionnement sont trop faibles pour imposer un rapport de force avec leurs fournisseurs.

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Fragments de fer pur à 99,97 %, raffinés par électrolyse. CC Alchemist-hp

Fret maritime avec la Chine : des prix quintuplés

En parallèle, les prix du transport de marchandises par voie maritime connaissent également des hausses spectaculaires. Ils devraient augmenter de 21 % en 2021, selon les estimations de Bolloré Logistics. Sur certaines lignes, surtout au départ de la Chine, les prix sont multipliés par cinq en raison de la pénurie de conteneurs. Conséquence, de nombreux conteneurs sont immobilisés plus longtemps à cause de la congestion des ports. En moyenne, un bateau naviguant d’Asie vers l’Europe enregistre couramment sept à huit jours de retard sur un acheminement moyen de vingt-cinq jours.

Répercuter la hausse des matières premières sur les prix ?

Pour l’heure, « la moitié des TPE et PME n’envisage pas de répercuter la hausse des cours des matières premières sur leurs prix de vente. Ce qui va contribuer à plomber davantage leur trésorerie », s’alarme la CPME. Mais si la situation venait à durer, certaines s’y verraient contraintes. À cet égard, il s’agirait d’introduire dans leurs contrats avec les distributeurs une clause d’indexation sur le prix des matières premières afin de revoir les prix à la hausse ou à la baisse suivant l’évolution du cours des matières premières. En dehors de cette clause, les dirigeants de TPE et de PME peuvent aussi faire valoir l’argument juridique de l’imprévision dont la notion s’appuie sur l’article 1 195 du Code civil.

Théoriquement, ce dernier ouvre la voie à une renégociation du prix en cas de modification importante et imprévisible des conditions économiques, sous réserve qu’aucune clause du contrat ne l’écarte pas explicitement. Par ailleurs, dans la sécurité incendie comme dans d’autres secteurs économiques, de plus en plus d’entreprises introduisent une limitation de la durée de validité des offres de prestations, au regard de la tendance haussière et continue qui prévaut sur le marché des matières premières. Enfin, alerté sur les problèmes de trésorerie que subissent les TPE et PME, le ministère de l’Économie et des Finances appelle les donneurs d’ordre publics ainsi que les clients privés à la tolérance face aux difficultés d’approvisionnement des titulaires de marchés publics. D’autant que ce contexte exceptionnel pourrait durer encore plusieurs mois.

Erick Haehnsen

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