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Risques industriels et environnementaux

Florence Froment-Meurice (avocate) : « Alcool et drogue(s) au travail : des liaisons dangereuses »

Début février a démarré en France la vente de 100.000 tests d'auto-dépistage du cannabis chez 3.000 buralistes. L'utilisation de ces dispositifs de contrôle par des employeurs est autorisée mais soumise à un cadre juridique. Comme le rappelle Florence Froment-Meurice, avocat associé, Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral

Un employeur peut-il obliger ses salariés à passer un éthylotest ou un test de détection de cannabis et dans quel cadre ? 

Dans le cadre de son obligation de résultat, l’employeur est tenu d’assurer la sécurité, par tout moyen, du personnel de son entreprise. Dans cette optique, il est tout à fait en droit de recourir à des procédés de contrôle de l’alcoolémie ou de dépistages de l’usage de stupéfiants, par le biais d’éthylotest ou de « drogue test ». Au regard de l’atteinte portée aux droits et libertés des salariés, le recours, par l’employeur, à un éthylotest, est encadré assez précisément par la loi et la jurisprudence, alors que la question du recours au test salivaire permettant la détection de l’usage de drogues ou « drogue-test » est plus récente. Cependant, il est largement admis que ce dernier devra répondre aux mêmes conditions de procédure et de garanties que celles prévues pour l’éthylotest.

A quelles conditions l’employeur pourra-t-il imposer ce test à ses salariés ? 

Un cadre juridique a été peu à peu défini afin de protéger les libertés individuelles des salariés tout en assurant la sécurité de tous. La jurisprudence a posé trois conditions cumulatives permettant à l’employeur de recourir à l’éthylotest ou au drogue-test, et uniquement dans un but de « prévenir ou faire cesser immédiatement une situation dangereuse ». Tout d’abord, le recours à l’éthylotest doit impérativement être prévu par une clause du règlement intérieur. Secundo, il n’est ensuite envisageable qu’au regard de la nature de l’activité exercée par le salarié. En effet, l’état d’ébriété du salarié doit être susceptible d’exposer les personnes ou les biens à un danger, eu égard à ses fonctions. Cela concerne notamment les salariés sur lesquels repose une véritables obligation de sécurité envers eux-mêmes ou envers des tiers (chauffeurs, convoyeurs de fond, agents de sécurité, etc), les salariés manipulant des produits dangereux (personnels du bâtiment travaillant sur chantier, chimistes manipulant des produits toxiques/dangereux..), ou encore les salariés en contact avec la clientèle …

Enfin, le salarié doit avoir la possibilité de contester les résultats obtenus par le contrôle éthylique ou le drogue-test, en se faisant assister d’un tiers lors du contrôle, ou en bénéficiant d’une contre-expertise. Dans le respect de ces trois conditions posées de manière cumulative, l’employeur pourra imposer à certains salariés de se soumettre à ces tests, ces derniers allant être effectués par le médecin du travail ou par toute personne désignée par l’employeur.

Quelle est la position de la cour de cassation sur l’utilisation des résultats obtenus ? 

Depuis 2002, la cour de cassation admet que les conclusions de l’éthylotest ou du « drogue-test » puissent constituer un moyen de preuve dans une procédure disciplinaire. Mais si les résultats de l’éthylotest sont aisément admis par les juges pour justifier une faute du salarié, ceux du test salivaire en vue de la détection de drogues suscitent beaucoup plus de méfiance de leur part en raison du risque de « faux positif » relativement élevé. La position du conseil d’État sur ce point est divergente, puisque le juge administratif n’admet pas que l’alcootest puisse constituer un moyen permettant de faire constater une éventuelle faute disciplinaire.

Propos recueillis par Eliane Kan

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