Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Des EPI plus complexes... à entretenir

Plus légers et plus confortables pour séduire les utilisateurs, les Équipements de protection individuelle (EPI) sont de plus en plus techniques. Ce qui rend leur maintenance plus complexe.

A retenir :

Le port et l’entretien des EPI sont obligatoires. L’employeur doit les délivrer gratuitement et veiller à leur bon fonctionnement grâce à un entretien adéquat. Pour se conformer aux recommandations des fabricants, de plus en plus d’entreprises et de collectivités recourent à la location-entretien.

Semelle en fibre de carbone, corde en Kevlar, tee-shirt haute visibilité thermorégulant, combinaison de protection multirisques prennent progressivement le pas sur les EPI traditionnels. Néanmoins, pour que ces produits restent efficaces durant leur temps d’utilisation, encore faut-il qu’ils soient correctement utilisés et entretenus. C’est d’ailleurs ce que rappelle la réglementation qui transpose en droit français la directive européenne 89/686/CEE. Ce texte, rappelons-le, rend obligatoire le port d’EPI pour la santé et la sécurité des salariés. Ces protections doivent répondre à des besoins de confort, d’efficacité, de légèreté et de solidité et être accompagnées d’une notice d’information. Des contraintes auxquelles les fabricants font face en ajoutant une pointe d’innovation. A l’instar de cette chaussure de sécurité ultra légère, souple et confortable proposée par Lemaître Sécurité, ou de ce casque doté d’un indicateur d’usure UV conçu par 3M pour faciliter la maintenance, tout en optimisant les coûts de renouvellement. Citons également Auditech, spécialisé dans la protection antibruit, qui propose un filtre permettant au salarié de distinguer la voix d’une personne proche dans une atmosphère bruyante.

Les équipements destinés à la protection de l’ouïe ne représentent qu’une part infime des ventes d’EPI (5 %), selon les dernières estimations du Synamap (Syndicat national des acteurs du marché de la prévention et de la protection). Le marché global qui a augmenté de 8,5 % sur la période 2004- 2007 passant de 745,1 millions d’euros à 808,4  millions d’euros est dominé par les ventes de vêtements de protection (31,6%), suivies par la protection des mains (25,2 %) et celle des pieds (18,8 %). Dans ce secteur, les fabricants ont fait effectivement de gros efforts pour alléger les chaussures de sécurité avec des embouts et des semelles en composites.

« Les salariés y gagnent en protection magnétique et en poids : 20 % par rapport à des modèles équivalents en acier », avance Pierre Goutaland, directeur technique et certification de Delta Plus, concepteur et fabricant d’EPI. Comme son concurrent, France Protect propose, en plus de son offre EPI, un contrat d’entretien qui permet de garantir la fiabilité des équipements et d’avertir leur propriétaire des changements à effectuer. « Nous nous assurons ainsi que le client est en conformité avec la réglementation », ajoute Magali Chevallier, directrice générale de France Protect. « La vérification des harnais, des sangles et autres produits antichute réclame un véritable savoir faire », prévient Bernard Cuny, directeur général de Gamesystem, spécialiste de la prévention des chutes. « Il faut savoir lire l’usure des sangles, des coutures de résistance et de maintien. Nous nous en occupons mais nous donnons aussi la possibilité aux utilisateurs de bien se former en leur fournissant la méthodologie », enchaîne Bernard Cuny, également président du Synamap. Lequel réfléchit à des actions de sensibilisation au niveau de l’éducation nationale afin de sensibiliser les jeunes au port des EPI. Des efforts qui vont de pair avec ceux des fabricants qui s’orientent vers des fibres plus souples et plus confortables, tout en répondant aux contraintes de sécurité des utilisateurs.

Autre tendance forte, celle des vêtements homologués multirisques. Quoique vendus en moyenne 40% plus cher que les vêtements de base, ces produits connaissent une progression du nombre des ventes de plus de 15%. C’est du moins ce que rapporte Jacques Catinaud, directeur général de Muzelle Dulac-Hasson, un autre fournisseur d’EPI. « Le multirisque protège l’utilisateur contre les risques thermiques, chimiques, antistatiques, voire contre les arcs électriques et procure parfois même de la haute visibilité », signale ce dirigeant. Comme tous les autres EPI, ces vêtements sont soumis à des contraintes réglementaires. L’employeur doit fournir gratuitement les équipements mais aussi s’assurer de leur bon fonctionnement par un entretien approprié. En cas de litige, il devra, notamment, apporter la preuve que le nombre de lavage a bien été respecté. Idem pour la température. Or cette traçabilité est difficile à fournir si le produit est lavé sur site. Un argument que brandissent les entreprises de location-entretien d’articles textiles…

En France, le marché est dominé par Elis, Initial et RLD. La première y dénombre 11 100 collaborateurs répartis sur 109 centres de service et production. Avec 60 sites disséminés dans l’Hexagone, le groupe Initial (3.900 collaborateurs) filiale du groupe Rentokil, dessert 67 000 clients sur 91 000 points de ramasse et de livraison. Enfin, RLD compte 2 100 collaborateurs opérant sur 29 implantations en France. Tous trois incluent dans leur prestation la fourniture et l’entretien des EPI aux mensurations de chaque personne. « Nous nous substituons complètement au client pour gérer et faire évoluer le stock d’articles nécessaires », fait savoir Philippe Eugene, directeur ventes et marketing de RLD. Comme ses concurrents, il garantit une traçabilité des articles grâce à la lecture systématique des codes barres apposés sur chaque vêtement. Quant aux clients, ils peuvent suivre sur le site Internet d’Initial le bon déroulement de la prestation. « Ils peuvent aussi passer commande de nouveaux vêtements, donner des consignes de réparation ou demander le transfert des articles sur un autre site en cas de mutation d’un salarié », relève de son côté Nathalie Hanard, responsable des ventes en région Est chez Initial.

Priorité à la prévention collective

La loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 transposant la directive européenne sur la santé et la sécurité au travail recommande de prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

On sous-traite de plus en plus la gestion des stocks d’EPI

Bien que soumis à un ralentissement du marché, l’entretien et la location d’EPI de catégorie 2 et 3 promet de se développer pour des raisons non seulement réglementaires mais aussi économiques. La gestion du parc EPI peut être chronophage et coûteuse pour les entreprises occupant différentes professions. En s’abonnant à un service, l’entreprise se libère du coût d’achat des vêtements ainsi que des frais liés à la gestion du stock (approvisionnement, personnel, espace) et à l’entretien. « Enfin, l’image de l’entreprise diffusée par les salariés est relayée par des vêtements propres », souligne  Adeline Fradet, chef de marché EPI chez Elis. Lequel équipe chacun des articles d’une puce RFID qui va assurer la traçabilité des lavages effectués.

 

Dernier argument qui plaide en faveur de l’externalisation, le ramassage  hebdomadaire des vêtements est une affaire complexe pour les entreprises et collectivités ayant des sites distants. C’est l’une des raisons qui a poussé le Syndicat mixte de la Vallée de l’Oise (SMVO) à recourir à un prestataire, en l’occurrence Initial pour habiller ses 54 agents répartis sur ses 21 déchetteries. Pantalons, vestes et polos haute visibilité avec bande réfléchissante sont renouvelés une fois par semaine. Le contrat stipule que si un article est déchiré ou tâché, il doit être remplacé car l’accueil du public requiert des vêtements propres et présentables. « C’est primordial », confie Philippe Palomar, l’agent chargé de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité du SVMO.

Le travail en déchetterie occasionne différents types de risques liés au travail en hauteur et à la manipulation de l’amiante et des déchets dangereux des ménages. Lesquels nécessitent le port obligatoire des chaussures de sécurité, des lunettes pour se protéger des projections ou des bris de verre et des gants en caoutchouc pour mettre les peintures et autres liquides dangereux dans les contenants appropriés. Quant à l’amiante, elle requiert le port d’articles jetables (combinaison, gants, surchaussures et masque à cartouche ). « Les déchets amiantés et les EPI jetables sont stockés dans des sacs séparés puis emportés par le personnel du prestataire pour être enfouis dans des sites techniques », décrit Philippe Palomar qui veille à protéger le mieux possible ses salariés dans un maximum de confort.

Philippe Palomar, chargé de la mise en œuvre des règles d'hygiène et de sécurité du SVMO : « Chez nous, un EPI déchiré doit être remplacé car l'accueil du public requiert des vêtements propres et présentables».
Philippe Palomar, chargé de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurité du SVMO : « Chez nous, un EPI déchiré doit être remplacé car l’accueil du public requiert des vêtements propres et présentables».

Privilégier les protections collectives

La loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 transposant les directives européennes relatives à la santé et à la sécurité au travail préconise de combattre les risques à la source. Si le risque subsiste, le législateur recommande de prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle. « En choisissant des solutions collectives, on évite contraintes et réticences pour les salariés au profit de l’efficacité », insiste Yannick Jarlaud, directeur d’Andéléa, département Prévention d’Alma Consulting Group. C’est d’ailleurs ce que privilégie Henri Orengo, responsable HSE (Hygiène, sécurité environnement) chez Tenesol, producteur et installateur de panneaux solaires depuis plus de 26 ans. La filiale commune de Total et d’EDF compte 1 000 collaborateurs qui interviennent pour le compte d’entreprises, de collectivités et de particuliers. Contrairement aux Dom-Tom où le personnel installe les panneaux solaires, les chantiers en métropole sont confiés à des intervenants encadrés par les conducteurs de travaux de Tenesol. Historiquement, la profession utilisait des harnais, casques et chaussures de sécurité.

« Maintenant nous essayons de mettre l’accent sur la protection collective en installant des gardes corps en périphérie de la toiture », témoigne le responsable HSE. Ce qui ne dispense pas son personnel ni celui des sous traitants de porter des casques et chaussures. « Nos conducteurs font la chasse à l’absence d’EPI. Dans ce cas, le sous traitant est passible d’une pénalité ou d’un arrêt du chantier », dévoile  Henri Orengo. « La sécurité est une de nos priorités car le BTP est très ‘‘accidentogène’’. » Le spécialiste du photovoltaique a parallèlement institué deux niveaux de maintenance des EPI. Une fois par an, l’Apave passe en revue l’état des équipements. En outre, « chaque personne doit vérifier l’état de son matériel (chaussures, gants, harnais). S’il est usé ou tâché d’un liquide chimique, il doit le signaler », fait savoir le responsable sécurité. Des consignes qui sont expliquées lors de chacune des formations travail en hauteur qui sont dispensées aux salariés de Tenesol.

Informer les salariés du bon usage des EPI grâce à des actions de formation et de communication reste indispensable pour leur sécurité. « Il faut expliquer aux salariés quels sont les risques auxquels ils sont exposés et pourquoi il est donc nécessaire de respecter le port des EPI » , martelle Yannick Jarlaud. Enfin, pour que ces derniers soient effectivement portés, il est important que l’ensemble des acteurs soit associé au choix. Les opérateurs concernés doivent tester la faisabilité et le confort de l’EPI, l’encadrement doit attester de son efficacité au regard des spécificités de l’activité. A charge pour le médecin du travail de se prononcer sur la fiabilité technique de la protection par rapport à la santé de l’opérateur. Sans oublier le CHSCT qui peut être animateur et force de proposition.

Yannick Jarlaud, directeur d'Andéléa, département Prévention d'Alma Consulting Group : « En choisissant des solutions collectives, on évite contraintes et réticences pour les salariés au profit de l'efficacité ».
Yannick Jarlaud, directeur d’Andéléa, département Prévention d’Alma Consulting Group : « En choisissant des solutions collectives, on évite contraintes et réticences pour les salariés au profit de l’efficacité ».

Choisir sur catalogue

Chez Métalux, fabricant de serrures (105 personnes dont 65 opérateurs), c’est d’ailleurs le CHSCT qui gère le stock de gants neufs en échange des articles usés, sachant que les opérateurs ont toute latitude pour échanger leurs EPI au gré de leurs besoins. En échange, ils doivent signer un formulaire. Une procédure qui permet d’établir des statistiques sur les consommations d’EPI par secteur d’activité. « La protection des opérateurs concerne principalement les risques de coupures et les TMS », résume Pascal Serrurier, responsable sécurité, en charge de l’amélioration des conditions de travail dans l’usine. Situé en Haute-Marne, l’établissement regroupe différentes activités : découpage des pièces sur presse, usinage, fraisage, soudage par résistance, perçage, feutrage, polissage…

A chaque machine correspond une fiche de poste indiquant la nature des EPI requis : lunettes, chaussures de sécurité et type de gants requis. Le soudage par résistance réclame en effet des gants en textile suffisamment fin pour faciliter la préhension des pièces tandis que le découpage sur presse se fait avec des gants en cuir. « Depuis l’an dernier, les opérateurs peuvent choisir leurs chaussures de sécurité sur catalogue », sourit Pascal Serrurier. Chaque salarié fait l’objet d’un suivi individualisé qui porte notamment sur la taille des chaussures et des vêtements de protection, sur les lunettes, gants et bouchons d’oreilles requis. Ces derniers sont fournis par le laboratoire Cotral qui met à la disposition sur son site Internet les informations liées aux protections auditives acquises et les dates de renouvellement. De quoi faciliter leur gestion ».

Tester et comparer les échantillons avant de passer commande fait aussi partie des bonnes pratiques à adopter. Philippe Palomar confie ainsi aux salariés les plus pointilleux le soin de faire des essais sur deux à trois modèles de chaussures. « Ce qui m’importe, c’est qu’ils soient le mieux protégés et qu’ils bénéficient d’un maximum de confort », revendique l’agent du SMVO.

« La durée des tests doit être adaptée à la variabilité des tâches de l’opérateur selon qu’elle dure une journée ou s’étend sur le mois », recommande Yannick Jarlaud. Surtout, il est important de former les salariés aux règles de port des EPI. Par exemple, comment installer les bouchons à oreilles pour qu’ils soient efficaces et confortables ? Maîtriser ce geste est d’autant plus important que les problèmes de surdité comptent parmi les cinq premières pathologies professionnelles en Europe. Néanmoins, comme le rappelle l’INRS, les EPI ne permettent pas, seuls, d’éviter des accidents. Dans le meilleur des cas, ils peuvent en limiter les effets. L’accident, lorsqu’il survient est toujours dû à un ensemble de facteurs dans lequel la place de l’EPI est à la marge. Ce qui est déterminant, c’est la démarche de prévention.

La certification des EPI, gage de qualité et de sécurité

« La directive 89/686/CEE impose aux fabricants de faire tester et approuver auprès d’un organisme notifié les équipements de protection individuelle classés en catégorie 2 et 3 correspondant, respectivement, à des risques graves et mortels », rappelle Vincent Maillocheau, responsable à l’Apave du centre d’essais et de Certification de Fontaine. Cet organisme est le seul acteur français habilité à certifier les EPI contre les chutes de hauteur (un millier de produits sont certifiés annuellement par ses soins) et la protection des voies respiratoires. « Nous intervenons à la conception du produit, et en contrôle annuel de production quand il s’agit d’EPI entrant en catégorie 3 », explique le responsable à l’Apave. « Les EPI de catégorie 3 concernent le plus souvent les appareils de protection respiratoires (masques filtrants et isolants) et les équipements antichute (harnais, mousquetons, etc). Tandis que les EPI de catégorie 2 regroupent plus généralement les chaussures, gants, vêtements sauf lorsque ces derniers doivent prévenir du risque électrique.

Vincent Maillocheau, responsable à l'Apave du centre d'essais et de Certification de Fontaine.
Vincent Maillocheau, responsable à l’Apave du centre d’essais et de Certification de Fontaine.

 

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