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Risque incendie

DAAF : le compte-à-rebours est parti

On s'y attendait mais le chiffres le confirment : la France sera en retard par rapport à l'entrée en vigueur de la loi qui rend les Détecteurs avertisseurs autonomes de fumée (DAAF) obligatoires au 8 mars prochain. Pour une fois, l'Hexagone ne fait pas exception à la règle.

Chaque année, la France déplore 250.000 incendies qui provoquent 10.000 blessés et 800 décès, selon la Fédération française des métiers de l’incendie (FFMI). Des catastrophes humaines qui ont lieu principalement en habitation (90% à 95%). « Cela signifie que l’on a le moins d’équipements de détection d’incendie là où, en réalité, on en a le plus besoin, analyse Régis Cousin, président de la FFMI. D’autant que ces équipements, lorsqu’ils sont de qualité, coûtent entre 20 euros à 25 euros pour une durée de 5 à 10 ans. Soit le prix d’un malabar par mois ! » Depuis la loi du 9 mars 2010 – complétée par un décret de janvier 2011 et un arrêté de février 2013 – visant à rendre obligatoire l’installation d’au moins un Détecteur avertisseur autonome de fumée (DAAF) dans tous les lieux d’habitation, les industriels et installateurs se préparent à équiper les 32 millions de foyers français. Objectif: être fin prêts pour le 8 mars 2015, date d’entrée en vigueur du décret. A quelques jours de la date fatidique, où en sommes-nous ?
« A 43% de taux d’équipement. Ces chiffres, que nous avons remis au ministère du Logement, corroborent le sondage de l’institut BVA ainsi que les données des Pompiers, précise Romain Canler, délégué adjoint de la FFMI. Attention, il s’agit des ventes de DAAF. On peut raisonnablement considérer que les gens qui achètent des DAAF le font pour les installer dans leur logement. » Mais est-ce bien aussi sûr ? Certaines nuances se font jour. « Il y a une différence entre acheter des DAAF et les installer correctement. Sans parler de ceux qui sont retirés car soit ils se révèlent comme étant non conformes soit parce qu’ils ont été mal installés, souligne Chantal Renaud, présidente de la Fédération française des installateurs de matériel de prévention incendie domestiques (FFIMPID). D’autres se plaignent car il y a trop de fausses alarmes. Au final, à quelques jours de l’entrée en vigueur de la loi, je jauge que nous en sommes, en France, à près de 20% de logements équipés en DAAF installés. Il reste très difficile d’avoir des chiffres exacts sur le taux d’installation. »
La France traîne-t-elle de la patte ? Pas sûr. « Selon une étude FFMI-Gifsid (syndicat de la sécurité incendie domestique) publiée en 2004, les choses prennent du temps. Aux États-Unis, où le taux d’équipement a été très rapide, le taux d’équipement est parvenu à 85% au terme der la période 1975-1994. Il a fallu encore 10 ans (de 1994 à 2004) pour en arriver à un taux de 95%, reprend Chantal Renaud. En Suède, où aucune loi contraignante n’a été votée, 10 ans de communication et de sensibilisation ont été nécessaires pour atteindre 88%. En Finlande, la loi a été votée en 1994. En 2004, 66% des appartements et 75% des pavillons étaient équipés. Au final, la France semble prendre la même route ! » Mais qu’arrive-t-il si on n’installe pas ? « Rien ! Sauf de perdre la vie de vos proches dans un incendie ! Pis, si une personne étrangère au foyer décède ou se blesse dans incendie chez vous, sa famille peut porter plainte ! Dès lors qu’il y a une loi, il y a une possibilité de porter plainte », poursuit Chantal Renaud.

Un marché plus assaini. A côté de cela, les pouvoirs publics se sont saisis du problème de non-conformité de plusieurs produits mis sur le marché ces dernières années, et qui avaient été relevés par l’Institut national de la consommation (INC) et la revue Que Choisir ? Rien de pis, en effet, pour la sécurité, mais aussi pour les industriels sérieux, que la prolifération de détecteurs non fiables ! A cet égard, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCFR) effectue des contrôles réguliers depuis 2012. « Chaque prélèvement de DAAF dont le rapport d’analyses du laboratoire conclut à une non-conformité et une dangerosité du lot testé fait l’objet d’un communiqué de presse transmis à l’AFP », explique l’administration. En 2013, près de 75.000 unités , issues de 5 lots de 4 marques différentes, ont ainsi fait l’objet de mesures de retraits ou de rappels, volontaires ou imposés par arrêtés préfectoraux. Rappelons que les DAAF doivent tous être conformes à la norme européenne EN 14604 pour entrer sur le territoire européen. Mais, pour le marché français, les DAAF doivent aussi respecter la norme Afnor NF 292.

Entretien nécessaire. La loi Alur (publiée au Journal Officiel en date du 26 mars 2014) oblige les occupants de logement à veiller à l’entretien et au bon fonctionnement du DAAF. Une contrainte que lèvent les nouvelles générations de détecteurs de fumée connectés. Cobject, une entreprise créée dans le Haut-Rhin, donne le ton avec un détecteur de fumée connecté qui dispose de fonctions de prévention et d’assistance.  »Smockeo », du nom de ce système, fonctionne indépendamment du réseau Wifi, Bluetooth ou de tout opérateur de téléphonie. En cas d’alerte (dégagement de fumée, niveau de batterie faible, etc), le propriétaire recevra en temps réel les alertes par SMS, appel vocal, email ou notification sachant qu’un abonnement de 2 ans lui sera offert lors de l’achat du détecteur. « Le propriétaire bénéficie également d’un accès à un certificat de mise en conformité ou à une déclaration de sinistre à destination de sa compagnie d’assurance », explique Thibaut Bialek, dirigeant et fondateur de l’entreprise.
Bénéficiant d’une autonomie de 5 ans, et facile à installer, ce DAAF a pour originalité d’envoyer ses données sur un réseau dédié à l’Internet des objets. Il s’agit en l’occurrence du réseau du français Sigfox qui est indépendant des opérateurs téléphoniques. Seul bémol, il ne couvre pas encore l’intégralité du territoire. A charge pour le propriétaire du logement de vérifier sur le site Smockeo.com que sa localité bénéficie bien d’une couverture Sigfox. Cobject prévoit la commercialisation de son détecteur avant cet été. Pour l’heure, le produit est en cours de certification pour les normes CE et NF DAAF et EN 14604. Lors de son lancement, il sera fourni avec une application pour Smartphone également conçue et co-développé par Cobject en partenariat avec une société française spécialisée dans la sécurité incendie. Le détecteur sera disponible auprès de partenaires nationaux et d’un réseau de revendeurs en domotique, électricien et chauffagiste dont les adresses seront disponibles sur le site Smockeo.com.

Smockeo se connecte au réseau déployé
par Sigfox pour transmettre ses alarmes.
© Cobject
Smockeo se connecte au réseau déployé
par Sigfox pour transmettre ses alarmes.
© Cobject

Ne pas oublier l’esthétique. Aussi performants soit il, dans un logement à la décoration soignée, le détecteur de fumées fait souvent figure d’une grosse verrue plantée au plafond. D’où l’idée de la société Avissur de proposer des DAAF particulièrement branchés design. Dôté d’un look  »archiect’,  »kiddies »,  »Ado »… ces équipement sont bien sûr conformes aux normes CE et NF DAAF et EN 14604. Mais surtout, leur esthétique fait oublier leur fonction strictement utilitaire pour rejoindre un univers plus enclin au plaisir. De son côté, le français Bell & Wyson ; une entreprise créée l’an dernier, cherche aussi à cacher le capteur de fumée… mais dans une belle ampoule Led. Facile à installer puisqu’elle se substitue aux ampoules existantes, cet objet, designé par Thomas de Lussac, vient d’ailleurs d’être primé au concours du Janus de l’industrie 2015. En plus d’embarquer un détecteur de fumée (certifié CE et norme EN 14604), l’ampoule  »BW1.1 » se connecte par Wifi à un Smartphone Apple ou Android. Ce qui lui confère un double avantage. D’abord, en cas d’alerte, la lampe émet un signal sonore et transmet simultanément un message à son propriétaire. Si ce dernier est en congé, le DAAF peut programmer l’éclairage et l’allumage de l’ampoule afin de faire de la simulation de présence à des fins de sécurité. Autre avantage, le détecteur est alimenté à la fois par le secteur mais aussi par une pile de 3 V. L’ampoule BW1.1 est distribuée chez Boulanger et devrait être disponible dans d’autres enseignes.

Aussi pour les sourds et malentendants. Bien-sûr, le marché français des Daaf aiguise l’appétit des compagnies étrangères. A l’image de l’irlandais Ei Electronics qui a décidé de renforcer cette année ses positions en France. Pour les spécialistes, ce fabricant n’est pas un novice puisqu’il affiche 40 ans d’existence et figure parmi les leaders européens dans la fabrication de détecteurs de fumées (il en produit 10 millions par an). Surtout présent en Allemagne, en Irlande, dans les pays nordiques et en Australie, Ei Electronics vient de créer une entité française qui sera en charge notamment de faire connaître un nouveau modèle prévu pour la mi-2015. « Le DAAF Ei 650 embarquera une puce qui limitera les fausses alertes dues à un encrassement de l’appareil », annonce Paul Howley, directeur commercial et marketing d’Ei Electronics France. Par ailleurs, à l’instar du « EI 605 » sorti l’an dernier, il disposera d’une cavité pour loger un module radio fréquence (RF). Ce boîtier sert à synchroniser les DAAF déployés dans les grands logements. Avantage, si une alarme est émise, elle sera relayée par les autres appareils. Par ailleurs, ces derniers peuvent être connectés en RF à des détecteurs de monoxydes de carbone, à des télécommandes pour tester à distance les DAAF ou encore à des systèmes d’alertes destinés aux sourds et malentendants. « Il s’agit d’un flash stroboscopique qu’on pose près du lit et qui est connecté à un coussin vibreur qui se place sous l’oreiller », indique Paul Howley. Ce dernier prévoit également la sortie d’un autre modèle, le EI 650i qui disposera d’une fonction d’aide à la maintenance pour les professionnels. A l’aide de leur smartphone, ils pourront interroger le DAAF sans passer par un opérateur téléphonique et sans le Wifi. « Notre système Radio Link fait communiquer en mode local le DAAF avec les smartphones Android et iOs (Apple), fait savoir le directeur commercial. L’installateur pourra consulter sur son écran l’état de santé de la pile, le nombre de déclenchements d’alarme ou de tests effectués, le statut des capteurs, etc ». Un outil qui sera sûrement salué par les installateurs en charge de la maintenance des équipements.

CO en ligne de mire. Pour sa part, Nest, la filiale de Google se distingue de ses concurrents avec un produit à la fois communicant, intelligent et multifonctions. Cet appareil a d’ailleurs séduit l’assureur Allianz France. Mi décembre 2014, la compagnie a signé un accord avec Nest afin de l’offrir en cadeau à ses 2.500 premiers clients qui souscriraient sur Internet un contrat d’assurance habitation. Et pour cause, ce DAAF fait la différence entre la fumée d’un grille pain et celui d’un début d’incendie. Mieux encore, il sait flairer le monoxyde de carbone, un gaz toxique et inodore qui fait chaque année 6.000 victimes en France dont plusieurs dizaines de morts. En cas de danger, Nest Protect, du nom de ce détecteur, vous indique par sa synthèse vocale quelle est la nature du danger et le localise. Il va même jusqu’à vous envoyer un message si vous êtes absents. Par ailleurs, le détecteur procède à des tests automatiques tous les soirs et diffuse pendant un court instant une lumière verte pour vous indiquer que tout fonctionne correctement.

Eliane Kan et Erick Haehnsen

Le DAAF de Google prend en compte
le monoxyde de carbone. © Nest
Le DAAF de Google prend en compte
le monoxyde de carbone. © Nest

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