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Risques industriels et environnementaux

Cinq ans après Fukushima, Genève porte plainte contre la centrale nucléaire française du Bugey

Alors que le Japon vient de commémorer le 5ème anniversaire de la catastrophe de Fukushima, la ville et le canton de Genève ont déposé une plainte contre la centrale nucléaire française du Bugey (Ain). Laquelle a connu, en 2015, 49 incidents dont 5 anomalies graves.

Cinq ans après Fukushima et ses 20.000 morts, Genève craint à son tour pour la santé publique et sa sûreté. Après l’échec de longues procédures administratives, la ville et le canton helvètes haussent le ton et portent plainte contre X pour mise en danger d’autrui et pollution des eaux début mars contre la centrale du Bugey (Ain) auprès de du Procureur du pôle Santé et Environnement de Paris. Il faut dire que cette centrale est située à seulement 70 kilomètres à l’ouest de Genève. Son âge pose également problème : mise en service en 1972, les 4 réacteurs de la centrale sont les plus anciens réacteurs nucléaires du parc nucléaire français encore en service, avec ceux de Fessenheim Certes, la ville et le canton connaissent de longue date « la situation de l’installation sur une zone sismique et inondable, à très forte densité urbaine et à proximité de cinq sites industriels présentant des risques accidentels majeurs », comme le détaille leur communiqué de presse conjoint. Mais aujourd’hui, elles pointent du doigt les 49 incidents signalés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dont 5 anomalies de niveau 1 (celui qui porte atteinte à la sûreté) sur l’année 2015.
Ce n’est pas la première fois qu’une centrale nucléaire française est attaquée en justice par Genève. En 1990, la centrale de Creys-Malville, située à 30km du Bugey, était également ciblée par une procédure judiciaire. A l’époque, Me Corinne Lepage représentait certaines des associations antinucléaires suisses. A la fin de la même année, cette centrale a subi l’effondrement d’une partie du toit de la salle des turbines. Devenue inopérante, elle a dû être fermée pendant trois ans et demi pour travaux de réhabilitation. Néanmoins, elle a été brièvement ré-ouverte en 1994, avant un autre incident majeur : une fuite d’argon dans un échangeur de chaleur à l’intérieur de la cuve du réacteur. En 1995, sa réouverture définitive est vigoureusement combattue par… Corinne Lepage, devenue ministre de l’Environnement. Après une décision du Conseil d’Etat qui retarda encore plus la réouverture du site, en 1997, Lionel Jospin finit par ordonner la fermeture définitive de Creys-Malville. A présent, la ville et le Canton de Genève réclament la même chose : la fermeture de la centrale du Bugey.

Ces actions mettent en cause la sacro-sainte sécurité du parc nucléaire français. Lequel semblent se fissurer. En témoigne Bruno Chareyron, directeur de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) sur France Info le 11 mars : « Beaucoup de personnes, y compris au niveau de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), reconnaissent que la catastrophe nucléaire est possible chez nous [en France]. C’est extrêmement important car c’est une réalité. Il faut que les Français s’y préparent. » De sont côté, Madeleine Chatard Léculier, présidente de l’antenne du Bugey de l’association Sortir du nucléaire, créée en 2011 en réaction à la catastrophe de Fukushima, regrette : « L’ASN est censée examiner les centrales mais elle n’en a pas les moyens. » Ce que dément, sur France Inter, Isabelle Jouet, porte-parole pour la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) : « Les gens qui travaillent dans les centrales nucléaires, respectent leur outil et savent dans quoi ils travaillent. L’ASN dispose d’un droit d’entrée permanent sur les centrales nucléaires. »

Reste que la procédure de Genève donne de l’eau au moulin des associations antinucléaires locales. « Nous avons les mêmes inquiétudes que le canton et la ville, par rapport à la centrale et les risques qu’elle présente » explique Madeleine Chatard Léculier. De plus, certains membres de l’association se sont portés partie civile dans cette plainte, indépendamment de l’association. Par ailleurs, Sortir du nucléaire Bugey et la ville de Genève se sont associées à plusieurs reprises dans d’autres recours administratifs contre la centrale. Notamment au sujet de l’installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés (Iceda) qui concentre les déchets de 9 centrales nucléaires dont celle du Bugey. Jusqu’ici, tous ces recours administratifs ont échoué. Il faut savoir que Me Corinne Lepage a été choisie pour représenter la ville et le canton de Genève. Quel pouvoir auront ses mots ?

Benjamin Alcaïde

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