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Alain Bobbio (Andeva) : « Faire de la prévention une priorité est clairement un pas en avant dans l’éradication de l’amiante »

Le Comité de suivi « amiante », créé en 2013 au Sénat, vient de publier un rapport faisant part de ses 28 propositions pour « faire de la prévention du risque amiante une grande cause nationale ». Interview d’Alain Bobbio, secrétaire général de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva).

Que pensez-vous de ce rapport ? 

Faire de la prévention une priorité est clairement un pas en avant. L’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) a été auditionnée deux fois et les recommandations évoquées sont intéressantes. Le rapport préconise par exemple une stratégie pluriannuelle de désamiantage. Cette proposition rejoint la demande de notre association d’un plan d’éradication décliné nationalement et par région. Il y a aujourd’hui plus de 20 millions de tonnes de matériaux contenant de l’amiante, disséminés dans des établissements scolaires, des hôpitaux… partout! Ces matériaux se dégradent au fil du temps. Il faut les enlever dans de bonnes conditions de sécurité.

Quelles autres propositions retenez-vous ? 

Le Comité de suivi reprend une proposition de 1998 de Claude Got de créer une base de données sur internet où seraient mis en ligne les Dossiers Technique Amiante (DTA). Techniquement, tout le monde pourrait la consulter afin de savoir s’il y a de l’amiante et à quel endroit. Cette recommandation, refusée par les gouvernements successifs depuis 15 ans, serait une avancée considérable pour la prévention du risque amiante. Les professionnels pourraient se renseigner sur les bâtiments dans lesquels ils évoluent mais aussi les parents d’élèves, dans le cas d’une école par exemple.

Le rapport estime que « la communication en matière de risque d’amiante constitue aujourd’hui un point faible évident ». Quel est votre avis ? 

C’est vrai. L’information est éclatée entre plusieurs sites peu pédagogiques et inadaptés aux besoins des différents publics. Le Comité de suivi propose de créer une plate-forme internet unique, en déclinant les informations selon l’identité de l’utilisateur : particuliers, maîtres d’ouvrage public ou privé, donneur d’ordres, entreprises de désamiantage, etc. Elle permettrait à tous d’accéder rapidement à des informations mises à jour régulièrement. 

Quelle est votre opinion sur la prise de position du Haut conseil de santé publique (HCSP) sur l’abaissement du seuil de gestion de l’amiante ? 

Le HCSP soutient qu’un abaissement de ce seuil en 2015 serait « illusoire » voire « contreproductif » et pourrait même avoir un « bilan sanitaire négatif ». Il recommande au législateur d’attendre 2020 pour passer de 5 fibres à 2 fibres d’amiante par litre d’air. Ce seuil détermine le déclenchement de travaux de confinement ou de retrait de l’amiante. Il a été défini dans les années 1970, par des mesures de fonds de pollution urbaine, quand l’amiante n’était pas encore interdit et que le taux d’empoussièrement était 10 fois supérieur à celui d’aujourd’hui. Ce sont des valeurs obsolètes qu’il faut abaisser au plus vite. Ce refus par le HCSP d’une mesure de prévention dont la mise en œuvre immédiate ne présente aucune difficulté technique est manifestement dicté par des considérations économiques et politiques étrangères à la protection de la Santé publique. Le HCSP prend ainsi le contrepied des recommandations de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) datant déjà de 2009 et du Comité de suivi « amiante » du Sénat.

Propos recueillis par Caroline Albenois

Rapport disponible ici

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