Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Watchfrog utilise des tétards afin de détecter in vivo les perturbateurs endocriniens

Pour contrôler la qualité des eaux de surface ou des rejets industriels, cette entreprise française commercialise la « Frogbox ». Ce dispositif innovant contient des larves d'amphibiens ou de poissons qui deviennent fluorescents au contact des polluants.

« Les résidus plastiques, cosmétiques, pharmaceutiques mais aussi certaines substances chimiques ou naturelles sont susceptibles de dérégler le système hormonal des êtres vivants », soulève Grégory Lemkine, PDG de Watchfrog, une entreprise de biotechnologies spécialisée dans la détection des perturbateurs endocriniens. Ces polluants sont présents dans les eaux et les boues mais aussi dans l’alimentation et autres produits de consommation. « Leur présence est préoccupante car on sait, depuis Claude Bernard, que les hormones contrôlent bon nombre de fonctions physiologiques comme les dépenses énergétiques, la croissance, et le système de reproduction », rappelle le dirigeant de Watchfrog.

Basée à Evry (Essonne), Watchfrog a été cofondée en 2005 par ce biologiste avec Barbara Demeneix, professeure au Muséum national d’histoire naturelle. La chercheuse y dirige le département Régulations, développement et diversité moléculaire ainsi que le laboratoire dans lequel Grégory Lemkine a travaillé avant qu’ils ne créent leur entreprise. Le tandem fait aujourd’hui l’actualité avec le lancement de la «Frogbox ».

Manipulation génétique. Il s’agit d’une boîte connectée dans laquelle vivent des larves de poissons ou de grenouilles ayant fait l’objet d’une manipulation génétique. L’objectif étant que ces « sentinelles » s’allument automatiquement, par fluorescence, en présence de polluants. Mieux encore, plus elles sont perturbées, plus elles deviennent lumineuses. Quelques heures suffisent pour évaluer la qualité environnementale d’une eau ou d’un produit car la mesure de la fluorescence est traduite en échelle de perturbation aisément lisible pour les opérateurs.

« L’autre avantage de notre solution, c’est son caractère éthique car elle évite le recours à des animaux de laboratoire pour réaliser ces tests », souligne le cofontateur de Watchfrog qui exploite un brevet déposé par le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle. « Notre Frogbox constitue une innovation mondiale, c’est le premier dispositif capable d’identifier et de mesurer sur site et en continu la présence de perturbateurs endocriniens. Nous l’avons développé avec le soutien notamment de BPIFrance et nous l’industrialisons en partenariat avec Veolia », indique Grégory Lemkine qui emploie une dizaine de personnes dont 3 chercheurs.

La PME promet de s’agrandir rapidement car elle vient de lever 1,5 million d’euros (soit sa deuxième levée de fonds depuis 2009) auprès de Chevrillon et de Cap Décisif Management. Ce qui lui permettra de commercialiser la Frogbox en France et à l’étranger grâce à des partenaires basés aux Etats-Unis et au Japon. « Notre offre s’adresse aux industriels et aux collectivités auxquels nous proposons la Frogbox sous la forme d’un abonnement d’une durée de trois semaines à 12 mois », précise le dirigeant. Ce dernier a mené plusieurs campagnes d’essais au Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) qui retraite l’eau utilisée par près de 9 millions de Franciliens.

Norme Afnor. « Nous avons pu démontrer que nos mesures étaient en corrélation avec la somme de micropolluants présents dans l’eau », se félicite le dirigeant qui équipe aujourd’hui une station d’épuration à Bruxelles (Belgique). Autre point fort, la technique de détection des perturbateurs endocriniens développée par Watchfrog a contribué à l’élaboration d’une norme Afnor qui permet d’évaluer les risques environnementaux de leurs rejets dans un cadre normatif, faute de réglementation existante.

Trois ans de travail ont été nécessaires pour élaborer cette norme. Non contente d’identifier les polluants, la Frogbox va permettre aux industriels de suivre à distance l’efficacité de leur station d’épuration – c’est déjà possible sur une iWatch, mais aussi d’évaluer la performance de leur filière de traitement. L’objectif étant de piloter au plus juste le coût du traitement en délivrant par exemple la juste quantité d’énergie nécessaire pour traiter les eaux.

Eliane Kan

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