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Santé et qualité de vie au travail

Les managers de proximité sont les premiers touchés par les RPS

Pris entre le marteau et l’enclume, ces cadres manquent souvent de formation et de moyens pour faire face à leur fonction. Faute de soutien réel de la direction, les managers les plus fragiles risquent de s’enfoncer dans le stress et autres risques psychosociaux (RPS).

Un manager stressé tient un téléphone à chaque oreille.

Le stress touche davantage les managers de proximité.
@TCA

Épuisés par leur charge de travail et la pression hiérarchique, les cadres et assimilés (techniciens, ingénieurs, agents de maîtrise) sont les plus touchés par la pénibilité psychique, l’épuisement professionnel et autres risques psychosociaux (RPS).

A commencer par les managers de proximité. Ces derniers représentent près d’un quart de la population des cadres d’après l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).

En majorité, les managers de proximité ont accès à ce statut, non pas à leur propre demande mais à celle de l’employeur, suite à une expérience concluante sur le terrain et des prédispositions à encadrer des équipes, rapporte une enquête de Cadreo*, un site consacré à l’emploi. Or les aptitudes ne sont pas suffisantes pour être un bon manager.

C’est du moins ce que montre l’étude qui a été menée du 24 avril au 15 mai 2019 auprès de 2.930 salariés en France. Les résultats montrent que seules 35 % des personnes interrogées jugent que leur manager de proximité est un bon manager.

Portrait de Jehanne Essa

Pour Jehanne Essa, le manager est pris entre le marteau et l’enclume.
 © DR

4 managers sur 10 manquent de formation

La faute revient sûrement au manque d’outils de management. 4 managers sur 10 n’auraient pas suivi de formation au management selon l’enquête de Cadreo.

« Or c’est à eux que revient la charge de donner à leur équipe du sens au travail, de mettre de l’huile dans les rouages et de réguler certaines tensions », soulève Jehanne Essa, préventrice et enseignante vacataire en innovation sociale à l’Université de Bordeaux.

Chargé d’amortir les dysfonctionnements de l’organisation du travail qui n’a pas été forcément bien pensée en amont, le manager de proximité souffre d’autant plus qu’il ne retire ni bénéfice pécuniaire ni avantage important de sa fonction.

Pis, alors qu’il lui revient d’améliorer les conditions de travail et le bien-être de son équipe, il ne dispose pas des moyens nécessaires pour y parvenir.

Pris entre le marteau et l’enclume, les managers de proximité connaissent un niveau de stress plus élevé que celui des dirigeants et des cadres supérieurs.

« A la différence du manager de proximité, ces derniers disposent d’un degré d’autonomie et de contrôle plus important qui compense la pression des objectifs, des horaires et du temps hachés », estime Arnaud Constancias, coach et directeur général de Souriez Vous Managez, un cabinet de conseil en néo-management.

Poser un diagnostic sur toute la chaîne

L’apparition des RPS chez les managers de proximité n’est pas une fatalité. Outre les outils de formation, l’entreprise dispose du levier de l’organisation du travail. Pour que cette démarche réussisse, elle réclame un engagement de la direction générale.

« II lui faudra veiller à ce qu’elle soit menée jusqu’au bout de son processus par des tiers intervenants dans l’organisation et qu’elle respecte la confidentialité des échanges », recommande Jehanne Essa.

L’objectif est de dresser un état des lieux et de poser un diagnostic sur le manager, son équipe et son supérieur hiérarchique afin d’agir sur l’ensemble de la chaîne.

C’est aussi l’avis de Béatrice Grimaldi, médecin du travail du Service aux entreprises pour la santé au travail (SEST) Île-de-France qui nous a accordé précédemment  à Infoprotection.fr un entretien sur le stress des cadres et plus particulièrement sur celui des managers de proximité.

Ce praticien invite à réfléchir à l’organisation du travail, partager les règles du métier et discuter davantage des gestes et de la réalité des tâches sachant qu’il existe un écart entre le travail prescrit avec des objectifs et le travail réel .

« En abordant ces sujets avec confiance et solidarité, on évite les conflits interpersonnels. C’est la meilleure façon de prévenir le stress du manager », avance Béatrice Grimaldi.

Former à la communication non violente

Pour organiser et conduire des réunions et écouter leur équipe, la formation des managers de proximité en communication est stratégique.

« Ils doivent être aussi formés à la communication non violente, à savoir mettre un terme à un conflit entre deux personnes, faire respecter des règles sans que l’auditoire le perçoive de manière agressive ou encore être exigent sans qu’il y ait de l’affect », conseille Jehanne Essa.

La préventrice recommande aussi d’organiser des échanges entre managers de proximité ou avec d’autres managers intermédiaires, à l’instar des dirigeants et des cadres supérieurs qui ont l’habitude de partager leurs expériences.

Miser sur le coaching

Portrait d'Arnaud Constancias

Selon Arnaud Constancias, le coaching permet de faire la part des choses entre le stress imposé et les causes endogènes. © DR

Outre la formation, d’autres solutions sont susceptibles d’apporter une aide aux managers de proximité. Certains outils peuvent les aider à faire un premier diagnostic, apprendre et délimiter les contours et les limites de leur action.

Mais lorsque le manager est submergé, qu’il s’isole soudainement de son équipe ou qu’il ne parle plus en réunion et enchaîne les arrêts maladies, le coaching individuel devient nécessaire.

« Le rôle du coach va consister à l’aider à faire la part des choses entre le stress imposé par la réduction des coûts, le sous-effectif, les conditions de travail etc, et les causes endogènes inhérentes à l’éducation et au caractère », explique Arnaud Constancias.

L’enjeu étant qu’il se répare, se ressource, reprenne goût au travail en équilibrant vie professionnelle et vie privée et qu’il reprenne ainsi les rênes de son parcours professionnel et humain.

Eliane Kan

 

* 22 % le sont devenus avec moins de 3 ans d’expérience, 54 % après 4 à 10 ans d’expérience, 15 % après 10 à 15 ans d’expérience et un peu moins de 10 % après plus de 15 ans d’expérience.

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