Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Sécurité et travail souterrain | Le bout du tunnel ?

Les travaux en sous-sol comportent de multiples dangers. A commencer par les risques d’asphyxie, de chutes ou d’intoxication qui menacent aussi bien les égoutiers que les opérateurs travaillant au percement des tunnels souterrains.

Vous les voyez rarement mais de leur travail dépend un grand nombre de nos besoins quotidiens. Creusement de tunnels autoroutiers et ferroviaires, assainissement des eaux, maintenance et construction de réseaux de métros ou bien encore extraction minière : chaque jour, des milliers d’opérateurs (ouvriers, ingénieurs, experts, sous-traitants…) sont amenés à travailler sous des tonnes de terre, de roche ou d’eau, voire à évoluer dans les labyrinthes les plus complexes, bien souvent au sein de milieux urbains denses. Autant d’environnements de travail inhospitaliers, qui exposent ces différents opérateurs à des risques divers – ou rendus plus dangereux – que leurs collègues travaillant en surface. Intoxication, accidents, chutes : si les conditions de sécurité de ces « mineurs » contemporains se sont nettement améliorées depuis Germinal, les dangers demeurent pratiquement les mêmes, voire se sont encore accentués.

Explosifs

En matière de construction de tunnels, l’arrivée des tunneliers a grandement facilité la tâche de l’être humain. Mais, l’utilisation de ces énormes et coûteuses machines qui assurent le forage, le soutènement, et la pose du revêtement définitif des tunnels est soumise à des contraintes techniques importantes, surtout lorsqu’il s’agit de creuser dans des sols de natures différentes. De sorte que les méthodes dites traditionnelles demeurent encore largement utilisées, génératrices de risques beaucoup plus importants. « Nous travaillons actuellement sur le tunnel de Violay, un bitube de 4 km », explique ainsi Loïc Thévenot, responsable du département Travaux souterrains du groupe Eiffage. « Il s’agit d’un ouvrage important, où la complexité géologique des terrains nous oblige à utiliser la méthode traditionnelle du forage à l’explosif. » Cette technique est désormais bien maîtrisée depuis l’avènement du système Morse. Il s’agit d’un procédé d’émulsion pompée consistant à mettre en contact deux réactifs inertes. Si les accidents liés à l’explosion sont désormais quasiment exclus, la méthode a son revers. Ce procédé génère un dégagement important d’ammoniac très toxique qui oblige les constructeurs à humidifier la zone, puis à retraiter les eaux usées pour éviter une pollution des sols.

Première cause, l’exiguïté

Selon Loïc Thévenot, la première cause d’accidents, c’est l’exiguïté : dans un même endroit relativement restreint, cohabitent des pelles hydrauliques de 35 à 40 tonnes, des tombereaux articulés d’une vingtaine de tonnes, ou encore des machines de forage qui sont également très lourdes et très volumineuses. Le tout manœuvrant à proximité de piétons. Et c’est dans ces conditions que l’on retrouve les accidents les plus graves.
Heurts, écrasements, chocs : en dépit des consignes de sécurité, ces accidents interviennent encore régulièrement sur les chantiers souterrains (lire encadré CNAMTS). D’où l’importance des campagnes de sensibilisation et de la formation des ouvriers entrant sur le chantier, mais aussi et surtout de l’obligation de porter des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés. Salariés et sous-traitants sont tenus de porter des combinaisons ininflammables (pour éviter les coups d’arc ou de chalumeau) avec bandes rétroréfléchissantes, des chaussures de sécurité, et bien sûr, des casques de plus en plus souvent équipés d’une visière intégrée pour protéger les yeux. Ces équipements – on retrouve les mêmes recommandations chez les autres grands constructeurs comme Vinci ou Bouygues – proviennent bien sûr de détaillants (Actipro, Groupe RG, ou Directindustry) qui se fournissent eux-même chez la plupart des fabricants du secteur comme par exemple Jalatte ou Lemaître pour les chaussures et bottes, Catterpillar ou Helly Hansen pour les combinaisons ininflammables, ou encore les casques à visière intégrée proposés par Catu, Scherer ou Testoon.

Risques d’asphyxie

Le travail souterrain est aussi générateur d’autres nuisances comme le bruit, c’est pourquoi, poursuit Loïc Thévenot, « nous avons également des dispositifs antibruit souvent individuels [bouchons, ici de marque Audilive, moulés à même l’oreille de l’opérateur, Ndlr], qui permettent de réduire les risques auditifs ». Par ailleurs, si ces mesures de sécurité individuelles et collectives se font à l’initiative des entreprises, des réglementations beaucoup plus spécifiques existent. Les constructeurs sont tenus d’équiper les sites de dispositifs spécifiques (éclairage, conditions d’accès, etc.). Ainsi la recommandation R352 de la Caisse nationale d’Assurance Maladie pour les Travailleurs Salariés (CNAMTS) impose, par exemple, qu’un système de ventilation efficace soit mis en place pour remplacer en permanence l’air ambiant. Il s’agit, en effet, d’évacuer les poussières de béton, les émanations de diesel pour les machines mobiles, et autres gaz divers sachant que dans des milieux aussi étroits, l’air pur se raréfie rapidement.
Pour prévenir ce risque, le tunnel routier de Violay est pourvu de deux gaines de ventilation de taille et de débit différents. La plus volumineuse achemine l’air frais provenant de l’extérieur avec un débit de 80m3/s tandis que la plus petite sert à aspirer l’air vicié avec un débit légèrement plus faible de 60m3/s. Avec ce genre d’installation, ses ouvriers travaillent dans un air relativement propre sans avoir à porter en permanence de masques à poussière. Le groupe de construction exige en outre que tous les véhicules diesel (l’essence étant interdite dans les travaux souterrains) soient équipés de pots catalytiques, de façon à réduire les émissions de particules. « Certains chantiers sont équipés de tapis convoyeurs. C’est-à-dire qu’au lieu d’évacuer les déblais avec des camions, les déblais passent dans un concasseur électrique, et l’ensemble est conduit à l’extérieur par un tapis électrique.

R352 | Une bouffée d’air pour les travailleurs souterrains
Adoptée en juillet 1990, la recommandation R352 de la CNAMTS, intitulée
« Travaux de creusement en souterrain de galeries, de puits ou de grandes
excavations » est destinée à toutes les entreprises relevant du Comité technique
national des batiments et des travaux publics. Ce texte recense toutes
les sources de pollution pouvant affecter la santé des opérateurs travaillant dans
un tunnel et impose de mettre en œuvre des dispositifs de ventilation mécanique.
La recommandation indique avec précision les quantités d’air nécessaires
à apporter, en fonction du type d’ouvrage. Elle précise en outre les conditions
d’utilisation des engins mobiles fonctionnant au diesel, ou encore la façon
de traiter une zone après un tir d’explosif. De son côté, la Caisse régionale
d’Assurance Maladie d’Ile-de-France (CRAMIF) a publié une recommandation
en 2000 sur les chantiers dits « autres que galeries linéaires ». Il s’agit
notamment des gares, parkings ou centres commerciaux souterrains. Le texte
préconise de « supprimer la production d’aérosols de béton en utilisant
les techniques de construction les moins polluantes, telles que les parois
moulées, coffrages, etc. »

Atmosphère confinée

Moins spectaculaires que le percement de tunnel, les travaux en sous-sol comportent eux aussi de nombreux dangers. A commencer par les risques d’intoxication qu’encourent les opérateurs en charge d’inspecter, d’entretenir ou de réparer les égouts, cuves ou vides sanitaires. Un accident survenu en 2006 a coûté la vie à quatre égoutiers victimes d’une intoxication à l’hydrogène sulfuré. Ce qui a incité l’INRS et la Cnamts à proposer des nouvelles procédures aux professionnels du secteur. « Avant cet accident, nous comptions entre deux et huit morts par intoxication ou asphyxie chaque année, lors de missions (maintenance ou réparations) en milieu confiné », se souvient Roland Werlé, expert auprès de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Parmi ces procédures recommandées – et généralement suivies – figure notamment la mise en place d’une ventilation forcée, la ventilation naturelle étant souvent insuffisante, voire aléatoire (dépendant par exemple du climat). « Nous préconisons également le port systématique d’un masque autosauveteur à recirculation d’air – et non à simple filtrage que l’on utilise immédiatement en cas d’alerte (émanations de monoxyde de carbone ou d’hydrogène sulfuré, surtout) », précise Roland Werlé. Pour le reste des EPI, les travailleurs en milieux confinés sont surtout équipés de vêtements de protection standard, qui dépendent de leurs fonctions. Les ouvriers travaillant en milieu humide et sale sont par exemple équipés de cuissardes (de marque Dunlop, Sad Plastiques, ou Etché Sécurité, par exemple) ou de lampes frontales (Kaya, PETZL, etc.).
Outre le port des EPI, la prévention des risques passe notamment par le respect de certaines procédures comme la présence d’un « surveillant de surface ». En contact permanent avec l’équipe d’opérateurs, il permet de les prévenir d’un danger imminent (orage en approche, accident de la circulation a proximité d’une bouche d’égout…) et a contrario, de pouvoir faire le relais en cas d’incident survenu sous terre. Il est à noter que certains de ces métiers peuvent également comporter des risques importants de contamination par des maladies de type Tétanos, Hépatites diverses, Leptospirose (transmise par les rats)… et nécessitent par conséquent que les opérateurs soient vaccinés et suivis médicalement. Les travaux d’égouts sont d’ailleurs interdits aux moins de 18 ans.

Formation

Enfin, l’extrême dangerosité de ces travaux en espaces confinés a incité l’INRS, le CNAMTS, et différents professionnels à monter une formation spécifique. Il s’agirait d’un certificat d’aptitude de travail en milieu confiné qui garantira à l’employeur que les personnes formées auront le moment venu le comportement adéquat pour limiter les conséquences d’un accident. L’occasion de se préparer à faire d’étranges rencontres. A l’instar de ces tortues exotiques que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les égouts ou de ce crocodile de 83 cm de long capturé par une équipe des égouts de Paris en 1984. Aux dernières nouvelles, Eleanore mesurerait plus de 3 m de long, et vit paisiblement dans un aquarium à Vannes, en Bretagne.
© Gaël Grilhot/Agence TCA

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