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Sûreté et sécurité

Métiers de la sécurité : Concevoir des produits sécurisés réclame de la pluridisciplinarité

Électronique, logiciels, intégration logicielle, gestion de la donnée, cybersécurité... Les fabricants français de produits de sécurité électronique doivent cumuler un nombre grandissant de compétences.

Dans la compétition internationale, les fabricants français de systèmes de sécurité ont fort à faire. Et, face aux GAFAM et aux BATX, certains trouvent néanmoins le moyen de concevoir des produits capables de trouver leur marché. Leur secret : maîtriser leurs processus de conception en s’appuyant sur des compétences pluridisciplinaires.

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Pascale et Jean Delmartini, le duo de choc de la startup Sensivic. © Sensivic

Miser sur un profil d’exception

En témoigne la startup Sensivic, créée fin 2015 pour « donner des oreilles aux caméras de vidéosurveillance et de vidéoprotection ». Pour y parvenir, la jeune pousse bénéficie des lumières de Jean Demartini. Lequel a été professeur en électronique, traitement du signal, informatique embarquée et IA à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis. Un profil d’exception qui concentre la majeure partie des compétences nécessaires.

« Il a développé tout seul notre gamme de détecteurs acoustiques de haut niveau. Tout se fait à l’intérieur du boîtier. À savoir le processus d’analyse des données sonores. L’intérêt étant de n’envoyer que les alertes de bruits anormaux au PC de sécurité ou au un centre de télésurveillance. Voire à un autre équipement de sécurité interopérable : une caméra, une centrale d’alarme ou un VMS, indique Pascale Demartini, sa femme, cofondatrice et dirigeante de Sensivic, en charge du commercial. Concernant les compétences en acoustique, il s’est auto-formé. »

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Le détecteur acoustique Sound-scanner, produit phare de Sensivic. © Sensivic

S’entourer de nouveaux profils pour grandir

Particularité du détecteur : Il ne requiert pas de sons préenregistrés. En effet, par apprentissage, il dresse une carte sonore de son environnement afin d’en extraire les anormalités. De quoi faire zoomer la caméra vers la source problématique et alerter qui de droit. En outre, la société mise sur un microprocesseur générique, un ASIC (1) de chez STMicroelectronics, pour y implémenter ses algorithmes. De fait, elle a aussi conçu la carte électronique qui l’accueille ainsi que le boîtier dont la fabrication est sous-traitée à Angers.

Rendre les solutions interopébales avec celles du marché

D’emblée, Sensivic génère des recettes avec ses détecteurs dont la carte électronique est fabriquée par un prestataire. Cependant, pour passer à la vitesse supérieure, les époux Demartini quittent la région PACA et s’installent en juillet 2019 à Orléans. La région Centre-Val-de-Loire octroie alors une subvention de 300 000 euros sur plusieurs années. De quoi embaucher un ingénieur réseau. Objectif : rendre la solution interopérable avec les VMS du marché (CASD, Genetec, Hymatom, Milestone, Prism, Two-i…). « Nous venons aussi d’intégrer un élève ingénieur en électronique de l’école ESEO d’Angers et envisageons de recruter un docteur en acoustique », poursuit la dirigeante. Une solide base pour envisager de certifier ses produits notamment auprès de l’ANSSI (2) et du CNPP (3).

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Vincent Zahm, responsable des développements embarqués chez Elsylog.
© D.R.

La force des certifications

Une étape qu’a franchie Elsylog en juin dernier. Son contrôle d’accès a décroché la certification CSPN (4) auprès de l’ANSSI. « La cybersécurité devient une préoccupation prépondérante chez les directeurs sécurité-sûreté. Il nous a fallu près d’un an pour recevoir la certification de l’ANSSI », indique Vincent Zahm, responsable des développements embarqués qui, fort d’une équipe de trois développeurs, a géré le dossier. À cet égard, il avait, avec un de ses collègues, suivi une formation à la certification CISSP (5). Un point fort qui a permis de renforcer la cybersécurité de ce système électronique de sécurité grâce à la cryptographie. « Nous n’avons pas passé la certification CISSP car l’urgence était surtout de décrocher la CSPN », poursuit-il.

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La carte électronique de Syrius, premier produit d’Elsylog certifié CSPN par l’ANSSI. © Elsylog

Vers le DevOps et le logiciel libre

Dans le sillage de la cybersécurité, les compétences en conception de produits chez Elsylog pourraient s’orienter vers le DevOps. À savoir vers l’intégration continue des développements logiciels (Dev) dans les infrastructures d’exploitation (Ops). Ainsi que vers le logiciel libre (Open Source Software) afin de renforcer la sécurité des systèmes en s’affranchissant des technologies propriétaires étrangères. Et pour cause, ces dernières sont susceptibles de cacher des portes dérobées (Back Doors). Dans la foulée, la société veut décrocher la certification CSPN de nouveaux produits courant 2021.

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Simon Laurent, cofondateur de la startup Havr avec Guillaume Duprez en 2017, a été diplômé de l’UTC en décembre 2019. © Havr

Répartir les rôles

De son côté, Simon Laurent a cofondé avec Guillaume Duprez la startup Havr en 2017 alors qu’ils étaient encore élèves-ingénieurs à l’UTC (6). Leur idée : piloter des serrures motorisées à l’aide d’une app utilisant la lumière du smartphone. En lieu et place du WiFi ou du Bluetooth, ce moyen de transmission des données unidirectionnel est très sûr. En effet, il empêche toute interception du signal par un pirate. « Ce n’était pas facile de déterminer toutes les compétences nécessaires au projet. À dire vrai, nous n’avions pas d’expérience. À 20 ans d’âge, nous étions candides. Il a fallu avancer pas à pas. Mon associé a pris la direction de la production et, moi, la direction produit », reprend Simon Laurent qui n’a été diplômé qu’en décembre 2019.

Recruter aux quatre coins du monde

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Havr sécurise le pilotage des serrures électromécaniques avec la lumière du smartphone. © Havr

Le plus difficile a consisté à recruter les bonnes personnes et à constituer une équipe solide. « Nous avions levé plusieurs millions d’euros. Cependant, le projet nécessitait de compléter nos compétences propres en embauchant des ingénieurs en mécanique, électronique, applications mobiles, réseaux et cybersécurité. Depuis le début, nous avons recruté aux quatre coins du monde. En Iran, Afrique du sud, Nouvelle-Zélande… 50 % de l’équipe est d’origine étrangère, poursuit Simon Laurent. Avec un effectif de 25 salariés dont 70 % d’ingénieurs, nous sommes proches de notre vitesse de croisière. Reste que nous recruterons encore des ingénieurs produits. Mais aussi en intégration de logiciels et en gestion de la donnée. En parallèle, nous travaillons avec le CEA (7) sur la fusion de données issues des capteurs afin d’améliorer la qualité des produits. »

Erick Haehnsen

(1) Application Specific Integrated Circuit

(2) Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

(3) Centre national de prévention et de protection

(4) Certification de sécurité de premier niveau (CSPN)

(5) Certified Information Systems Security Professional

(6) Université technologique de Compiègne

(7) Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

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