Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Mains : à protéger de toute urgence

Les accidents de la main sont encore très nombreux. En cause, des processus pas toujours bien adaptés mais aussi des gants parfois trop négligés.

Avec 126.000 accidents du travail et 8.000 nouvelles incapacités permanentes dans l’année, la main est – avec le dos et les membres inférieurs – l’un des endroits du corps où les lésions sont les plus fréquentes mais surtout, celui donnant lieu à le plus d’incapacités permanentes, selon les statistiques 2013 de l’assurance maladie. Et, de fait, la main se trouve particulièrement exposée puisque, dans le travail, elle est bien souvent mise à contribution en première ligne.
« Ecrasements, coupures, cisaillements, sectionnements, entraînements, happements, enroulements, piqûres, perforations, frottements, abrasions, injections de fluides sous haute pression, coups… la main court de nombreux risques expliquant qu’elle soit blessée dans 60% des accidents sur les machines » , détaille Séverine Demasy, expert assistante-conseil en équipements du travail à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), spécialiste des risques mécaniques. « Chez Akzo Nobel, c’est à la main que nous avons jadis enregistré les accidents les plus graves même si la situation s’est grandement améliorée », constate Eric Choplin, responsable HSE de l’unité « Powder Coating » (peintures en poudre) chez le chimiste Akzo Nobel. Mais les risques sont aussi chimiques : projection de produits chimiques, immersion dans des liquides agressifs, manipulations d’objets potentiellement dangereux. La main peut enfin être un agent de contamination, vers ou à partir de son propriétaire, notamment dans les industries agroalimentaire ou chimique.

Rationaliser les processus. Protéger les mains n’est pas une mince affaire. Bien entendu, les machines sont de plus en plus équipées et intègrent des protections adéquates pour que les mains ne puissent atteindre les parties mobiles, notamment grâce aux directives européennes dites « machines » dont la dernière en date a été transposée en décembre 2009.
Limiter les risques suppose aussi de scruter les processus de fabrication. Chez Akzo Nobel, on a ainsi limité l’usage du cutter mais aussi celui des colles – remplacées par des adhésifs -, et parfois des fixations à tournevis – auxquelles on a préféré des attaches rapides. Dans le même état d’esprit, et pour limiter les risques liés à la manipulation de fûts potentiellement glissants car stockés en extérieur, on a changé le type de fûts pour pouvoir les stocker en intérieur.
Des machines de qualité, adaptées à la fabrication et des processus revus constituent une première étape. « Mais certains outils et machines resteront par nature toujours à risque », constate Séverine Demasy. Comme les scies à ruban utilisées dans l’industrie agroalimentaire pour découper la viande.

Choisir l’EPI vraiment adapté. Dans de tels cas, la seule protection efficace reste les gants. Mais encore s’agit-il de choisir les « bons » gants. Des gants de protection, il en existe en effet des dizaines de types différents. La normalisation les classe selon le risque dont ils protègent (abrasion, piqûre, projection de produit, etc.) et le degré de protection assuré. Mais choisir le gant adéquat n’est malgré tout pas toujours simple.
« Par exemple, nous avons besoin, entre autres,- de gants utilisables en manutention, protégeant des coupures que peuvent occasionner les cartons mais permettant aussi de coller des étiquettes et donc, laissant une bonne sensation de toucher », explique Eric Choplin. Si le gant empêche d’avoir une bonne dextérité, il ne sera pas porté ! A d’autres étapes du processus de fabrication, c’est de la chaleur ou des machines que les gants doivent protéger. Le responsable HSE d’Akzo Nobel a, du coup, redéfini les étapes du processus pour que les opérateurs n’aient pas à manier trop de types de gants différents. Sous peine d’augmenter le risque qu’ils se trompent ou ne prennent pas le bon EPI.
Car l’erreur peut être fatale. « Lorsque l’on utilise une scie à ruban, porter un gant en côte de maille destiné à protéger la main des bouchers des piqûres risque de rendre les blessures encore plus graves ! », prévient ainsi Séverine Demasy de l’INRS. De la même façon, un gant trop grand peut se coincer dans une machine et entraîner la main. « Selon les statistiques de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (Osha), dans 70% des accidents de la main, les victimes ne portaient pas de gants. Dans les 30% restants, le gant était inadapté, d’un type inapproprié ou abîmé », renchérit Frédérique Pinot, responsable marketing chez Kimberly Clark, fabricant de produits d’hygiène et de protection pour les mains.
Limiter les erreurs suppose aussi de rationaliser les approvisionnements. « A une époque, nous avions trois gants différents simplement pour l’étape de broyage », confie Eric Choplin d’Akzo Nobel. Désormais, trois gants différents protègent de trois familles de risques précises sur tout le site. Malgré tous les efforts de rationalisation, il faut parfois, dans l’industrie médicale par exemple, prévoir un double gantage pour protéger de deux types de risques chimiques différents. Lorsque la procédure concerne la tâche principale du salarié, alors bien conscient des risques, la contrainte est bien suivie.
En revanche, tel n’est pas le cas lorsque le gantage est rendu nécessaire par une tâche considérée comme accessoire. « Comme poser quelques points de colle », témoigne Sabrina Todesco, responsable QSSE de Parkeon, fabricant d’horodateurs à Besançon. Dans cette usine où le risque principal est mécanique, il est plus facile de sensibiliser aux risques de coupure ou d’écrasement.

Des gants de plus en plus techniques. Bref, le gant universel n’existe pas ! « Au contraire, le gant doit correspondre exactement au travail qu’il permet d’effectuer sinon la protection ne serait pas bien assurée et elle en serait impactée », explique Frédérique Pinot. PDG de l’entreprise familiale éponyme, Stéphane Rostaing travaille, lui-aussi, vers toujours plus de technicité dans les protections de la main. Il multiplie ainsi les recherches sur les matériaux : polyéthylène haute ténacité, para-aramides très résistants, fibre de verre, fibres métalliques… « Notre cellule de R&D compte environ 8 personnes », explique-t-il. Son but : concevoir des EPI toujours plus spécifiques, destinés aux secteurs où les risques sont les plus élevés. Comme la sidérurgie, la métallurgie, l’industrie verrière, les fonderies, l’automobile. L’entreprise vient de sortir des gants équipés de mousse de Poron,très résistante aux chocs, destinés à la police dans ses interventions anti-émeutes !

Mais plus de technicité doit rimer aussi avec plus de confort d’utilisation. Ces deux fabricants en sont conscients : ils doivent d’abord écouter les besoins de leurs utilisateurs. Kimberly Clark a ainsi mis en place, au niveau international, un service sur l’efficience et la productivité au travail. Ses experts proposent à leurs clients des visites de site pour les aider à évaluer précisément leurs besoins. « C’est ainsi que nous avons développé le gant pour solvant, Jackson Safety G29, qui s’est basé sur les observations réalisées plus spécifiquement dans l’industrie aérospatiale », explique Frédérique Pinot. On y utilise beaucoup de solvants utilisés pour dégraisser les pièces métalliques, parfois très agressifs pour la peau. Une problématique que l’on retrouve également dans l’automobile et la métallurgie. Les gants en nitrile généralement utilisés permettent une protection efficace mais limitée à 15 minutes. Le nouveau gant a quadruplé la durée de protection ! Parfois, les améliorations semblent banales, et pourtant, importantes : « Ainsi nous avons équipés nos gants à manchettes anti-coupure de lanières scratch afin qu’elles ne tombent pas du bras », précise Frédérique Pinot.

Vers des gants intelligents

Autre tendance : la haute technologie qui s’invite aussi désormais dans les gants. Devrait par exemple être bientôt commercialisé le gant Proglove (de la société du même nom) équipé d’étiquettes communicantes, de capteurs, de processeurs, et qui permettra, par exemple, de scanner automatiquement les articles, mais aussi de communiquer avec les outils, ou d’informer son porteur des erreurs de manipulation qu’il commet..

Catherine Bernard

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