Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Les vêtements de travail sous le signe de la RSE

Les professionnels du Workwear font face à de nouveaux défis. Outre la pénurie de matière première et l'allongement des temps de transport, ils doivent répondre aux contraintes RSE de leurs clients. Dans cette perspective, ils nouent des partenariats afin de réaliser des solutions innovantes et moins impactantes au plan environnemental.

À l’instar des marques de prêt-à-porter, les professionnels du workwear sont confrontés à de nouveaux défis. Outre la pénurie des matières premières ainsi que la hausse et l’allongement du temps de transport, ils doivent aussi composer avec les préoccupations RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) de leurs clients. À cela s’ajoute depuis cette année le décret 2021-254 du 9 mars 2021. Faisant suite à la loi Agec n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, ce texte vise les commandes publiques effectuées par les services de l’État, collectivités territoriales et leurs groupements. Il stipule notamment que la valeur des biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées, devra représenter au minimum 20 % des dépenses annuelles consacrées à l’acquisition de vêtements professionnels et articles chaussants.

Tissu circulaire chez Lafont en 2022

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En 2022, Lafont intègrera dans ses collections des vêtements en tissu circulaire. © Cepovett

Autant de défis auxquels se préparent les fabricants de Workwear. À commencer par Cepovett. Le premier fabricant de vêtements professionnels français regroupe plusieurs marques dont Lafont qui devrait intégrer dès 2022 un tissu issu de l’économie circulaire dans ses collections. Cette solution résulte d’un projet de recherche et de développement initié en novembre 2018 entre Lafont, le centre d’innovation Ceti et TDV Industries. Les travaux se sont achevé́s en 2021. Ce partenariat porte sur la revalorisation des textiles en fin de vie afin de fabriquer un tissu circulaire, issu des déchets textiles. Ce programme a permis d’étudier le recyclage d’environ 500 kg de vêtements de travail invendus ou en fin de vie et de mettre au point un processus d’effilochage de la matière. Mélangée à 34 % de fibre de polyester recyclé issu de bouteilles en plastique, cette fibre régénérée a été ensuite tissée par TDV Industries. Ce fabricant de textiles à usage professionnel basé à Laval (Mayenne) en a fabriqué un tissu de 180 m de long et 1,50 m de large. Lafont y a confectionné des prototypes de vêtements, des vestes et des pantalons mixtes. Ce tissu circulaire devrait être intégré dès 2022 dans les collections Lafont, indique Cepovett qui présente dans la foulée Gamme Fluo Advanced haute visibilité qui intègre pour sa part des matières recyclées et bio équitables. Réalisé en tissu français composé de 30 % de coton bio équitable (labellisé Max Havelaar) et de 70 % polyester recyclé, il répond aux contraintes de sécurité, de légèreté et de robustesse, exigées par les travailleurs sur chantier. La résistance du tissu est assurée par une technique de tissage baptisée « Rip Stop » utilisant un renforcement spécial. Grâce à ses bandes rétro-réfléchissantes thermocollées, cette collection s’adresse tout particulièrement aux agents de propreté intervenant sur la voie publique. Elle a ainsi habillé 120 balayeurs et 80 rippers de la ville de Reims.

Partenariat entre Chatard et Jiaren

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Parka Hudson et pantalon Seattle de la nouvelle gamme Green Tech. © Chatard

Cepovett n’est pas le seul à avoir dans sa ligne de mire le décret 2021-254 du 9 mars 2021. C’est aussi le cas de Chatard, spécialiste français du vêtement technique et de protection contre les intempéries. Cette PME d’une trentaine de personnes en France pour un chiffre d’affaires prévisionnel de 11 millions d’euros pour 2021 a présenté cet été une nouvelle gamme de vêtement haute visibilité et imper-respirants. Laquelle sera disponible en stock entre cette fin d’année et début 2022. Baptisée Green Tech, cette gamme a pour particularité d’être réalisée avec des fils Jiaren, du nom de l’entreprise spécialisée dans la production de fils polyester recyclés. À la différence de ses concurrents, cette dernière emploie non pas des bouteilles en plastique mais des vêtements usagés et des chutes de textiles. Et ce, dans une proportion de 40 % à 60 %. Selon ce spécialiste des fils recyclés, le mode de production réduit de plus de 50% les émissions de CO2 et de 39 % la consommation d’énergie par rapport à des fils produits à base de pétrole. Fournisseur de grandes marques comme Adidas, Nike ou North Face, Jiaren est certifié Global Recycle Standard (GRS), Oeko Tex et Green Fiber et Blue Sign. Grâce à ces certifications, les entreprises utilisatrices peuvent tracer leur chaîne d’approvisionnement et s’assurer de l’innocuité des vêtements ainsi que de leur impact réduit sur l’environnement.

Un surcoût de 10 % à 20%  

La gamme Green Tech comporte, entre autres, un surpantalon de pluie, une parka pour les hommes et une autre pour les femmes. « Ces produits traités déperlants sont conçus, comme leur doublure, avec du polyester respirant recyclé », fait valoir Patrick Laffay, directeur général de Chatard. Selon les modèles proposés, la part des tissus en polyester recyclé représentent de 80 % à 90 % du poids total des textiles du vêtement. Appelée à s’enrichir dès l’an prochain, la gamme Green Tech a déjà suscité un très bon accueil de la part du réseau de distributeurs et de certains grands comptes. Mais reste à voir quels seront les clients qui sauteront le pas sachant que, selon les modèles, il faut compter un surcoût de 10 % à 20 % à iso-périmètre.

Box de collecte pour les produits usagés

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T2S fabrique des vêtements de protection et de haute visibilité. © DR

La loi Agec 2021 mobilise aussi T2S, une PME de 125 personnes pour un chiffre d’affaires de 39 millions d’euros de chiffre d’affaires, en progression de 7 % par rapport à 2020. « Nous travaillons au développement d’une nouvelle gamme conçue à base de produits recyclés qui sortira fin novembre », indique Jean-François Lyonnet, directeur général de T2S, fabricant de solutions pour la sécurité et la signalisation routière basé à Sorbiers (Loire). Parallèlement, l’entreprise commercialise auprès de ses clients, dont des distributeurs, industriels et entreprises de travaux public, une box pour collecter et recycler les vêtements usagés de manière à réduire leur empreinte environnementale. En effet, les produits collectés seront transformés en combustible solide de récupération (CSR) qui serviront à alimenter des chaufferies industrielles ou des cimenteries. « Cette solution intéresse les entreprises utilisatrices dans la mesure où elle constitue une alternative à l’enfouissement et apporte en outre de la traçabilité », fait valoir Jean-François Lyonnet. L’entreprise, qui se félicite d’avoir un atelier d’impression labellisé Imprim’Vert, réfléchit également à réduire son empreinte environnementale. « Une étude montre que le transport des produits est moins gourmand en énergie que le lavage des vêtements», pointe Jean-François Lyonnet du doigt. Sachant qu’un lavage à 40°C permet de réduire de 25% la consommation énergétique par rapport à un lavage à 60°C, T2S encourage ses clients à adopter cette bonne pratique.

Fibres de cellulose et de pulpe de coton  

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Rémi Lallemant est directeur export et marketing chez Maille Verte des Vosges. © DR

Une des alternatives pour réduire les émissions de carbone est proposée par le fabricant autrichien Lenzig célèbre pour sa fibre Tencel issue de la cellulose de bois. Ce dernier a lancé l’an dernier sa technologie Refibra qui consiste à transformer sous forme de pulpe de coton les chutes de tissus issues de la production de vêtements. Cette nouvelle matière est ensuite combinée, jusqu’à un tiers, aux fibres de Tencel. Ce qui permet de relever le défi du Workwear circulaire et de la neutralité carbone. De quoi intéresser les clients dont font partie les confectionneurs mais aussi les fabricants de tissus et de mailles. Parmi lesquels Maille Verte des Vosges, une PME d’une trentaine de personnes qui fabrique des mailles pour les confectionneurs de Workwear français et étrangers à hauteur de 50 % de son chiffre d’affaires qui s’élèvera à 5,7 millions d’euros pour 2021 contre 4,7 millions d’euros en 2020. Basée à Saint-Nabord dans les Vosges, l’entreprise intègre trois métiers : le tricotage circulaire, l’ennoblissement (blanchiment et teinture) et la finition. « Depuis une dizaine d’années, nous fournissons aux confectionneurs des rouleaux de textiles en maille qui servent à la fabrication de sweat-shirt, polos, gilets et autres vêtements de travail ou d’image », explique Rémi Lallemant, le directeur export et marketing.

Tissu double face

Depuis quatre ou cinq ans, l’entreprise est régulièrement auditée par ses clients soucieux de la politique RSE de leurs fournisseurs.  Leurs référentiels portent notamment sur les rejets et le recyclage. « À cet égard, nos clients nous demandent d’intégrer une part de produits recyclés dans la production », rapporte le directeur export et marketing de l’entreprise. Pour y répondre, l’entreprise propose depuis un an des textiles double face en fil polyester recyclé et en coton bio. Ce dernier absorbe l’humidité et procure une sensation de confort tandis que le premier permet de réaliser des EPI haute visibilité. Ce qui serait impossible à faire avec du coton. « Cette maille écoresponsable intéresse la confection d’EPI pour les opérateurs travaillant en usine, sur les chantiers et les loueurs de vêtements », indique Rémi Lallemant dont l’entreprise travaille aujourd’hui sur le développement d’une solution visant à utiliser du Tencel pour remplacer le coton, gros consommateur d’eau.

Mulliez-Flory parie sur les fibres issues du recyclage

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Ces Tshirts ont été fabriqués à partir de pantalons usagés pour Norauto. © Mulliez-Flory

D’où l’intérêt de remplacer les fibres vierges de coton par des fibres issues du recyclage des vêtements professionnels usagés. « Ce gisement représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes », estime Clément d’Audiffret, directeur de la stratégie industrielle et RSE chez Mulliez-Flory, le spécialiste du vêtement de travail (220 personnes principalement près de Cholet dans le Maine-et-Loire). Pleinement engagée dans une démarche de recyclage et d’écoconception, l’entreprise vient de créer une Joint Venture avec deux autres PME, en l’occurrence TDV Industries et Tissages de Charlieu (développeur de l’Indispensac recourant à des fibres effilochées). Leur JV a donné naissance à Renaissance Textile, une entreprise à mission. Appartenant au secteur de l’économie sociale et solidaire, elle a pour vocation d’être la première plateforme française de recyclage de textiles usagés en France. À charge pour elle de récupérer les vêtements usagés et de les effilocher sur une machine fournie par le français Laroche. « Grâce à des filateurs partenaires, les fibres de coton obtenues seront associées, à hauteur de 20 % à 30 %, avec du fil polyester recyclé pour être tissées ou tricotées », déclare Clément d’Audiffret.

6 millions d’euros déjà investis

L’entreprise n’en est pas à son coup d’essai puisqu’en 2019, elle a déjà transformé pour le garagiste Norauto 4 tonnes de pantalons usagés en 15 000 T-Shirt. Pour démarrer, Renaissance Textile a l’ambition de produire plusieurs milliers de tonnes. « Il s’agit d’un projet ouvert aux autres entreprises qui veulent s’engager dans le recyclage des vêtements usagés », explique Clément d’Audiffret. Renaissance Textile, qui a déjà investi six millions d’euros principalement dans l’acquisition de la machine et du bâtiment, compte sortir d’ici juin 2022 les premiers fils issus du recyclage de vêtement. Quant aux vêtements, ils sont attendus pour le deuxième semestre 2022 et concerneront notamment le secteur de la santé. De quoi séduire les acheteurs qui veulent concilier économie circulaire et Made in France.

Eliane Kan

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