Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Les EPI prennent de la hauteur

Multinorme et multifonction, ces équipements de protection bénéficient d’une fertilisation croisée entre le monde du travail et celui des loisirs en montagne.

Ces professionnels côtoient les nuages, travaillent au sommet des buildings, sur des piles de viaducs inaccessibles, ou dans les cimes des arbres. Suspendus dans le vide, ou travaillant sur des toitures aux arrêtes périlleuses, leur vie ne tient, au sens propre comme au figuré, qu’à un fil. Mais aussi et surtout à un matériel de protection spécifique et de plus en plus pointu qui leurs permet de se protéger de tout danger de chute. Des équipements de protection individuels (EPI) de catégorie III (danger mortel ; lire l’encadré) qui nécessitent une parfaite maîtrise technique de la part des utilisateurs. Camp, Petzl, ou encore le géant Honeywell (ex-Sperian) figurent parmi les principaux fabricants qui se partagent ce marché de niche très particulier : les EPI pour le travail en hauteur. D’autres marques, comme Néofeu, Innotech, Froment, ou encore Béal Pro ont également su gagner des parts de marché non négligeables dans ce secteur, grâce à des produits innovants pouvant souvent convenir à différentes activités.

Multinorme et ergonomie

« Nous avons mis au point un système antichute multinorme, que nous allons sortir dans peu de temps, explique ainsi Guillaume Tournier, ingénieur commercial chez Innotech. Le “Shark” est un cordage homologué pour les arrêtes vives, avec un coulisseau, destiné aux conditions extrêmes de travaux, que ce soit sur le béton ou l’acier. » Extrêmement résistant, « il pourra servir de ligne de vie temporaire, de système antichute traditionnel, ou encore de longe de retenue ». Innotech a ainsi développé des matériels avec lesquels « l’utilisateur peut faire beaucoup de choses, sans avoir à se poser trop de questions ». De la même manière l’entreprise a aussi développé un « harnais qui va essayer de convenir à un maximum d’utilisation. Le “String” équipé de boucles automatiques, est facile à porter, sa durée de vie a été prolongée grâce à des sangles spécifiques ».

Les ingénieurs de Froment (groupe Delta Plus) ont suivi la même démarche et développé un nouvel antichute révolutionnaire qui, selon Damien de Lapeyrière, directeur commercial « a connu depuis son lancement un certain succès ».

 Le « Caméléon » – nommé ainsi pour sa capacité à travailler dans des positions verticales et horizontales est, à la base, un antichute sur corde qui répond à la fois aux normes antichute coulissant de type ouvrant (NF EN 353-2), tendeur pour longe de positionnement au travail (NF EN 358) et bloqueur sur corde (NF EN 12841). « Le Caméléon permet ainsi de ceinturer un poteau lorsqu’on travaille en hauteur, et de pouvoir ainsi libérer ses mains pour travailler. »

Les principaux types d’EPI antichute.
La chute est la seconde cause d’accident mortel dans le monde du travail. C’est pourquoi la législation prévoit une utilisation exceptionnelle du travail en hauteur. Ce n’est que lorsqu’il y a impossibilité technique de mettre en œuvre des protections collectives, que le recours à des EPI contre les chutes de hauteur peut être envisagé (article R. 4323-61 du code du travail). Ces EPI de catégorie III (danger mortel) nécessitent une formation obligatoire et se catégorisent en trois types de systèmes soumis à des normes strictes :
> Les systèmes antichutes proprement dit, constitués d’un point d’ancrage (répondant à la norme NF EN 795), d’un harnais (NF EN 361) et d’un élément de liaison comportant une fonction d’absorption d’énergie. Ce dernier est généralement composé d’une longe (NF EN 354) équipée d’un ou plusieurs connecteurs (NF EN 362), ainsi que d’un absorbeur d’énergie (NF EN 355). Ces systèmes de liaison peuvent également comporter un antichute à rappel automatique (NF EN 360) ou un antichute mobile sur support d’assurage vertical.
> Les systèmes de retenue : destiné à limiter les mouvements de l’utilisateur afin de l’empêcher d’atteindre des zones où une chute pourrait se produire, il est composé d’un système de préhension du corps de type harnais ou ceinture (NF EN 358), et d’une longe dont la longueur doit être choisie pour rendre la chute impossible
> Le système de maintien au poste de travail : il permet à celui qui en est équipé de travailler en appuis ou en suspension, sans glisser ou tomber. Là encore, le système de préhension du corps est un harnais (NF EN 361).
Source : INRS.fr

Approche multifonction

« Nous voyons se généraliser la multifonction, résume ainsi Jean-Luc D’Anna, directeur export et opérationnel chez Néofeu. Même si chaque métier est différent – un pyloniste ne va pas travailler de la même manière qu’une personne qui intervient sur une toiture –, les professionnels utilisent, de plus, des produits qui répondent désormais à plusieurs normes et faciles à utiliser. »
Ainsi l’entreprise vient de sortir un « antichute à rappel automatique, le “Horizon”, qui permet une utilisation à la fois à l’horizontale et à la verticale ». Néofeu a aussi connu récemment un succès commercial avec son Eagle, « un antichute très compact et très léger » et doit sortir prochainement un baudrier d’élagage, l’ “Arbo”, dont le confort, les systèmes de réglage et le design ont été améliorés, avec des systèmes de suspension un peu plus évolués. »
Certains métiers, comme l’élagage, justement, nécessitent tout de même des produits bien spécifiques.
« Il s’agit d’un métier très spécifique, avec une formation propre et des techniques particulières, précise Adrien Nonglaton, responsable commercial chez Camp. Nous allons sortir prochainement un nouveau harnais d’élagage le “Tree access’’ ».
Confort, ergonomie, légèreté, sont effectivement des demandes de plus en plus fréquentes de la part de la clientèle. Adrien Nonglaton met ainsi en avant le Quantum et l’Orbital, deux harnais « pour lesquels nous avons voulu privilégier le confort et la mise en place ». Mais ici, l’ergonomie se conjugue avec la performance, et les deux harnais résistent parfaitement à la norme antichute (lire l’encadré). L’Orbital, harnais multifonction répond en outre à celle du « maintien au travail ». Enfin, précise Adrien Nonglaton, « ces harnais sont très légers, moins de 1kg chacun. Miller (groupe Honeywell) privilégie également le confort et la visibilité en proposant des harnais-veste.
Un type d’innovation, rappelle Damien de La Peyrière, dont Froment est « précurseur, grâce aux synergies développées avec les équipes R&D du groupe Delta ».
Le fait que certains gros fabricants du secteur soient également des professionnels de la montagne est aussi un élément qui aboutit à une évolution du matériel. « Nous avons deux bureaux d’études qui travaillent dans les deux domaines, souligne Adrien Nonglaton. Ce qui fait qu’on retrouve aujourd’hui les notions de design ou la recherche de la légèreté dans l’esprit des produits industriels. » La couleur et les formes attrayantes font donc leur apparition dans le matériel industriel.

Formation

Didier Souche, patron d’Altitech, entreprise de travail en hauteur est cependant peu sensible à ces innovations technologiques. S’il admet qu’« en matière de sécurité, la question du prix est anecdotique », il n’est pas prêt à se lancer dans une course aux armements technologiques. Fidèle client de Petzl, il estime en effet que « le matériel est assez sophistiqué à l’heure actuelle sans qu’on essaye d’inventer d’autres choses, plus compliquées et plus contraignantes ». Un point de vue qui n’est guère partagé par François Bouvier, formateur et spécialiste en gestion des risques chez Altius. Son entreprise située à Annecy, gère à la fois des chantiers de travail en hauteur mais propose également des services de sécurisation des postes de travail aux autres entreprises. Pour lui, « ces efforts en matière d’ergonomie et en praticabilité sont au contraire très importants pour que l’EPI soit bien porté ».
Mais les deux professionnels de la hauteur se rejoignent sur un point : les EPI doivent impérativement – et c’est d’ailleurs une obligation légale – être utilisés par des gens formés. « Nous ne travaillons qu’avec des gens certifiés », précise Didier Souche, et « nous nous rendons bien sûr aux formations de travail en hauteur » délivrées par les centres habilités (comme DPG Training par exemple). Elles ont pour but d’harmoniser et professionnaliser les bonnes pratiques des formations sur les travaux en hauteur. Mais pour François Bouvier, « si ces formations sont importantes, elles doivent être accompagnées d’un effort de compréhension en amont, par ceux qui organisent le chantier, pour utiliser ces EPI à bon escient ».
© Gael Grilhot/TCA/innov24

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