Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

La prévention des TMS au cœur du 2e Atelier des Préventeurs

Pour sa seconde édition, l'événement dédié aux professionnels de la prévention et santé au travail s'est focalisé sur les troubles musculosquelettiques (TMS), avec les témoignages de Carrefour et FM Logistic. Par ailleurs, les préventeurs présents ont participé à des travaux pratiques afin de réfléchir sur des problématiques liées à la lutte contre les TMS.

Première maladie professionnelle (MP) reconnue en France, les troubles musculosquelettiques ne sont pourtant pas une fatalité. Une légère baisse (-4,1%) a même été enregistrée entre 2015 et 2016. Cette amélioration est due en partie à une meilleure sensibilisation des entreprises, notamment au travers du programme TMS Pro de l’Assurance Maladie – Risques Professionnels (AM-RP), qui s’est articulé en deux phases.

La première (2014-2017) a ciblé 8 000 entreprises représentant à elles seules un tiers des TMS en France. Sur les 7 000 entreprises environ qui se sont engagées dans la démarche, près de la moitié ont concrétisé un plan d’actions. La seconde phase du programme TMS Pro (2018-2022) visera également 8 000 entreprises, parmi lesquelles « au moins 500 établissements d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD) seront concernés », a indiqué Hervé Laubertie, responsable du département prévention des risques professionnels à la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) lors de la 2e édition de l’Atelier des Préventeurs.

Organisée le 6 juin à Paris par le salon Expoprotection en partenariat avec l’AM-RP et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), la manifestation était placée cette année sous le thème « Prévenir les TMS : comment construire un projet d’entreprise ». L’occasion de découvrir les stratégies mises en place par deux entreprises : le groupe de distribution Carrefour et FM Logistic, une entreprise de transport et de logistique créée en 1967.

Taux de fréquence presque divisé par deux chez FM Logistic

Présent dans 13 pays, le groupe FM Logistic compte aujourd’hui 23 300 collaborateurs (contre 18 730 en 2014). Alors que ses effectifs ont fortement augmenté, l’entreprise a presque divisé par deux son accidentologie en France, où elle recense 5 700 collaborateurs. Le taux de fréquence des accidents du travail (AT) est passé de 71 en 2013 à 44 pour 2017, tandis que le nombre des AT est passé de 349 à 242 sur la même période.

Cette amélioration est le fruit des actions menées par FM Logistic qui, suite à un accident grave survenu il y a plusieurs années, a décidé de positionner la santé au plus haut niveau de ses priorités. L’entreprise vient d’ailleurs d’adopter la norme de sécurité et santé au travail ISO 45001, publiée en mars dernier. « La santé est un axe stratégique de l’entreprise », a fait valoir Lydie Raveleau-Richet, directeur Qualité hygiène sécurité environnement (QHSE). Laquelle était accompagnée de Samya Bellhari-Trahin, psychologue du travail et ergonome.

Recrutée en 2014 pour intégrer la direction QHSE, cette dernière a mis en place une mallette ludo-éducative pour dépoussiérer le module de formation « Gestes et postures » et former à cette thématique tous les collaborateurs de FM Logistic d’ici fin 2019.

Pour renforcer son action visant à réduire les TMS dus à la manipulation de charges lourdes, la direction QHSE a également acquis des dispositifs de suppléance auprès de fournisseurs d’ergosquelettes. Faute d’en être pleinement satisfait, le groupe FM Logistic a décidé de développer son propre exosquelette en partenariat avec l’Université technologique de Compiègne (UTC) en recourant à la technologie de « Motion Capture » (capture de mouvements en français) de sorte à comprendre ce qu’il se passe dans le corps humain.

Cette démarche a d’ailleurs été saluée par Jean-Jacques Atain-Kouadio, expert d’assistance et ergonome à l’INRS. Dans le cadre de son intervention à l’Atelier des Préventeurs, il a présenté un guide intitulé « 10 idées reçues sur les exosquelettes ». Illustrée par des dessins humoristiques, cette brochure fait le point sur l’état actuel des connaissances et sur les croyances liées à ces dispositifs.

A noter que l’INRS met à la disposition des entreprises souhaitant en faire l’acquisition une brochure sur les six principaux points de vigilance. Une vidéo est également disponible pour aider à la mise en place des exosquelettes, qui doivent faire l’objet d’une vraie démarche en amont.

Les préventeurs présents ont pu profiter du retour d'expérience de FM Logistic. @ Reed Expositions
Les préventeurs présents ont pu profiter du retour d’expérience de FM Logistic. @ Reed Expositions

Près de 800 personnes formées à la prévention chez Carrefour

Limiter la pénibilité du port de charge est aussi l’une des priorités de Carrefour, qui compte 115 000 collaborateurs en France. « En 2012, après avoir constaté une hausse de la sinistralité, j’ai créé la direction de la santé au travail », se souvient Christophe Labattut, qui en a le pilotage. Cet ancien directeur d’hypermarché connaît bien les contraintes physiques auxquelles sont soumis les personnels des magasins.

C’est donc à lui qu’est revenu le soin de bâtir la culture de prévention de Carrefour France. L’enjeu étant d’adopter une démarche pérenne de prévention des TMS. De quoi limiter les pertes. « Il faut savoir que lorsqu’une personne en charge de la mise en rayon est en arrêt de travail, l’absence de produits en rayons impacte directement le chiffre d’affaires du magasin », rapportait le directeur santé au travail de Carrefour France. Ce dernier s’est donc attelé à construire une véritable culture de la prévention.

Dans cette perspective, il a signé avec la Cramif (Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France) une convention visant à créer un module de formation spécifique, de sorte que le groupe soit autonome en termes de santé et sécurité au travail. En quatre ans, environ 800 personnes dont 300 préventeurs, ont ainsi été formées en interne de manière à industrialiser la démarche. Et le mouvement continue à un rythme soutenu. « Depuis le début de l’année, une soixantaine de préventeurs ont été formés », indique Christophe Labattut, estimant que le plus compliqué est de convaincre les directions intermédiaires. Lesquelles ont l’œil rivé sur la rentabilité de leur magasin avant tout.

Depuis un an, Christophe Labattut cumule son poste avec celui de directeur des achats/investissements et de la maintenance, afin d’être encore plus efficace dans son action en agissant en amont. « J’intègre dans le cahier des charges des appels d’offres des règles d’ergonomie pour tous les nouveaux mobiliers tels que les rayonnages ou les meubles destinés à présenter les fruits et légumes », indique Christophe Labattut, qui a notamment contribué à faire évoluer les nouveaux postes d’encaissement permettant au personnel d’avoir tous les périphériques à portée de main.

Des ateliers pratiques pour co-construire les démarches de prévention

Ces exemples concrets ont suscité un vif intérêt chez les préventeurs présents lors de l’événement. Ces derniers ont d’ailleurs été invités à participer à des ateliers pratiques animés par des consultants experts en TMS. L’idée étant de les amener à réfléchir sur trois problématiques différentes liées aux modalités de mise en œuvre de la démarche de prévention.

A commencer par le thème « Comment poser le bon diagnostic ? ». Un consensus s’est créé autour de l’idée de construire une démarche participative impliquant tous les acteurs de l’entreprise. L’enjeu est d’amener les collaborateurs à faire part de leur ressenti sur les risques encourus en se basant, par exemple, sur les images de leur activité et en expliquant également en quoi consiste la partie invisible de leur travail. Les préventeurs se sont aussi accordés sur le principe de se faire accompagner par un consultant afin de structurer cette démarche.

Un second thème a été abordé : « Comment mobiliser les salariés et la hiérarchie ? ». La majorité des préventeurs se sont entendus sur la nécessité de définir une politique de prévention claire et réaliste, d’assurer une formation et une sensibilisation des salariés à tous les niveaux de l’entreprise, en impliquant aussi bien le top management que les managers de proximité.

La mobilisation des salariés peut d’ailleurs s’effectuer au travers d’événements ludiques tels que des campagnes de type « Vis ma vie », forums de découverte des métiers de l’entreprise ou encore des jeux concours. Autant d’exemples d’animation à organiser de manière récurrente sur tous les sites, de sorte à favoriser les prises de conscience et maintenir une action prolongée dans le temps.

Une fois les salariés et la hiérarchie mobilisés, la question s’est posée de savoir « Comment engager l’entreprise dans un vrai projet de maîtrise des risques ? ». Pour ce troisième thème, les préventeurs ont jugé qu’il était indispensable que l’entreprise place l’homme au sein de ses préoccupations. Cette problématique doit même revêtir la même importance que la production, la qualité des produits ou la rentabilité financière.

L’entreprise doit s’approprier le sujet en adoptant une démarche d’amélioration continue structurée en mode projet et accompagnée d’outils d’évaluation RH. Les animateurs en charge des ateliers ont aussi souligné l’intérêt de mener un plan d’action sur le long terme de sorte à passer d’une démarche de prévention à une réelle culture du risque. Cette dernière doit s’appuyer sur des indicateurs clés afin de mesurer, par exemple, l’absentéisme, le nombre d’accidents du travail, le climat social, etc. Le but étant d’en partager les résultats de manière à motiver salariés et managers.

Eliane Kan

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