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J-C. Le Huec (CHU de Bordeaux) : « Il est faux de penser que le travail use la colonne vertébrale »

Contrairement aux idées reçues, l'usure de la colonne vertébrale est due à 70% à la dégénérescence des disques. Surpoids et pénibilité du travail restent des facteurs aggravants. Interview du professeur Jean-Charles Le Huec, chirurgien orthopédiste, spécialisé dans le traitement des pathologies de la colonne vertébrale et de l'épaule, chef de service d'orthopédie du CHU de Bordeaux.

Chaque année en France, près de 100.000 lombalgies sont déclarées comme accidents du travail avec arrêt et 2.500 sont reconnues comme maladies professionnelles. Quelles sont les véritables causes de ces pathologies ? 

La plupart des gens pensent que le travail use la colonne vertébrale. C’est faux. Les lombalgies sont liées dans 70% des cas à la dégénérescence des disques lombaires [coussins amortisseurs situés entre les vertèbres servant à absorber les chocs lors de la marche, NDLR] . Les 30% restants sont dus à des facteurs de risque aggravant comme le surpoids, l’exerce de métiers très physiques comme celui de maçon, plâtrier, bûcheron, etc…

Concrètement, comment apparaît ce phénomène ? 

Avec la dégénérescence des disques, la colonne vertébrale perd progressivement sa lordose (cambrure naturelle) par l’affaissement des disques qui se déshydratent. Du coup, nous compensons ce déséquilibre en utilisant les muscles postérieurs. Cela contribue à diminuer le diamètre du canal rachidien en entraînant une compression des nerfs et une augmentation de la pression sur les facettes articulaires postérieures. Ce qui a pour effet de créer des douleurs intenses au niveau du dos et parfois dans les jambes.

Comment détecter cette dégénérescence de la colonne vertébrale? 

D’abord, il est important que le patient soit interrogé puis examiné avant de procéder à des examens complémentaires. En matière d’imagerie médicale orthopédique, le CHU de Bordeaux a d’ailleurs été le premier établissement dans le monde à installer le système Eos, développé sur la base des travaux de Georges Charpak, le prix Nobel de physique.

Quels sont les avantages de ce système d’imagerie orthopédique ? 

Contrairement au système d’imagerie traditionnel, ce système offre une vision des tissus osseux de la colonne vertébrale et de tout le squelette, de la tête au pieds, dans son intégralité. En outre, le patient se tient debout, ce qui est intéressant car c’est la position qui génère le plus de douleur et on peut ainsi mieux détecter les anomalies. Autre avantage d’Eos, la dose de rayonnement est 10 fois inférieure à une seule radio et 1.000 fois moins qu’un scanner. Il existe une centaine d’équipement dans le monde dont une quinzaine en France.

Quelles sont les solutions pour traiter les lombalgies chroniques ? 

Il existe différents moyens. A commencer par la prise d’antalgique pour limiter la douleur et la rééducation musculaire qui permet de compenser le déséquilibre de la colonne vertébrale. Si cela s’avère insuffisant, il reste l’intervention qui consistera à redonner de la hauteur au disque usé à l’aide d’une petite cale ou à le remplacer par une prothèse. En général, les taux de succès de la chirurgie orthopédique sont très élevés lorsque les indications sont bien posées comme dans les recommandations du groupe de travail SFCR/SOFCOT/HAS* qui vient d’être mis en ligne.

Propos recueillis par Eliane Kan 

* SFCR : Société française de chirurgie rachidienne
– SOFCOT : Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique
– HAS : Haute autorité de la santé

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