Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Jean-François Trogrlic (OIT) : « Le risque chimique est le plus intrusif »

Interview du directeur en France du bureau de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui organise chaque année une journée mondiale consacrée à la sécurité et la santé au travail. Thème 2014 : les risques chimiques.

Pourquoi se mobiliser sur la santé et la sécurité au travail ?

La catastrophe qui s’est produite au Bangladesh montre que la question de la sécurité au travail est toujours d’actualité. Chaque jour 6.300 personnes perdent la vie en raison d’un accident du travail ou d’une maladie liée au travail. Ce qui représente plus de 2,3 millions de décès par an. En outre, la plupart des 317 millions d’accidents qui se produisent chaque année entraînent des absences prolongées du travail.

Quelle est la part du risque chimique ?

Dans ce contexte, la chimie est le risque le plus intrusif car il concerne aussi bien la vie des salariés que celle des populations vivant à proximité des usines. On se souvient tous de l’explosion de l’usine de Bhopal en Inde qui a fait des milliers de victimes ou de celle d’AZF à Toulouse qui est due à la combinaison des produits chimiques incompatibles entre eux mais entreposés sur le même lieu. Il existe 84 millions de produits chimiques qui peuvent entrer en interaction les uns avec les autres.

Que préconise l’OIT ?

Ce risque nécessite d’identifier les produits les plus dangereux avec un étiquetage de mise en garde, de porter des équipements de protection collectif ou des équipements de protection individuels. Mais aussi de remplacer les produits chimiques les plus dangereux par des produits moins nocifs. Car entre le moment de l’exposition à la substance nocive et l’apparition d’une maladie professionnelle ou d’un cancer il se produit un laps de temps plus ou moins long. L’exemple le plus évident étant celui de l’amiante où il a fallu du temps pour mettre au jour ses effets sur la santé des salariés. Chaque année, l’amiante provoque encore 107.000 décès dans le monde. Ce risque touche les ouvriers qui sont en contact direct avec le matériau. Mais aussi ceux qui sont en charge de la déconstruction des navires où l’amiante était utilisé comme matériau d’isolation. Le problème du désamiantage est encore trop souvent mal traité.

Outre les usines de production de produits chimiques, quelles sont les activités les plus directement touchées par ces risques ?

On considère que les 2/3 des salariés de la construction sont exposés du fait de la manipulation quotidienne de produits tels que le ciment, la colle, le mastic ou la peinture. Sont aussi concernés, la moitié des agriculteurs qui utilisent des engrais et pesticides, le tiers des salariés du tertiaire travaillant dans le secteur du nettoyage ou du médical. Sans compter les employés du commerce et des services. Entre autres, les professionnels de la grande distribution de la logistique. En ouvrant des cartons contenant des produits d’importation, ils sont susceptibles de se trouver confrontés à des agents de conservation qui peuvent être nuisibles.

Existe-t-il de nouvelles normes sur les produits chimiques ?

Pas récemment à l’OIT. Mais chaque année, une liste des produits potentiellement dangereux est mise à jour en Europe dans le cadre de la réglementation européenne Reach qui a été très difficile à mettre en œuvre car il y avait des enjeux économiques importants. En outre, au plan mondial, il existe un programme inter-organisations pour la gestion rationnelle des produits chimiques (IOMC) qui est mobilisé sur ce sujet et dont l’OIT fait partie.

Qu’avez-vous prévu d’organiser en cette journée mondiale de la santé au travail ?

Nous organisons avec l’INRS une rencontre-débat aujourd’hui à 17 h au Musée des Arts et Métiers à Paris, en présence des acteurs publics, du monde politique ou socio-économique. Elle sera animée par des auditeurs de la chaire Hygiène et Sécurité du Conservatoire national des arts et métiers.

Propos recueillis par Eliane Kan

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