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Risques industriels et environnementaux

Florence Froment-Meurice (avocate) : « De nouvelles obligations incomberont à l’employeur en matière de pénibilité au travail »

L'année 2013 a été marquée par une série d’événements législatifs et juridiques avec, entre autres, la création d'une instance de coordination des CHSCT, les signatures d’accords nationaux interprofessionnels pour prévenir les risques psycho-sociaux des fonctionnaires ou pour améliorer la qualité de vie au travail... Florence Froment-Meurice, avocate associée au cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral, spécialisée en droit social, apporte son éclairage sur ces événements qui ont fait l’actualité l’an dernier.

En matière de prévention des risques et santé au travail, que retenez-vous de l’actualité législative et juridique de 2013 ?
À la différence des années précédentes, l’actualité législative en matière de santé au travail a été peu chargée cette année. On retiendra toutefois la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi qui a créé l’instance de coordination des CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), utile pour les entreprises à structure complexe. Celle-ci permet de réunir dans une seule instance des membres désignés par les CHSCT, de la consulter sur un projet commun à plusieurs établissements et de recourir à une expertise unique. Néanmoins, elle ne se substitue pas aux CHSCT et chacun devra ensuite exprimer son avis sur le projet. Ce pourrait cependant être le premier jalon vers la mise en place d’un CHSCT central.

La Cour de cassation en a admis le principe puisqu’elle considère qu’en présence d’une expertise indépendante réalisée à la demande du CHSCT « national » institué conventionnellement au niveau de l’entreprise, qui portait sur les conséquences de la mise en place, dans toute l’entreprise, d’un même système informatique d’aide à la conduite des trains, la seconde mesure d’expertise demandé par un CHSCT « local » n’était pas nécessaire (Cass. soc. 4 décembre 2013 n°13-60169).

La Cour de Cassation a réaffirmé, dans un arrêt du 30 octobre 2013, l’obligation de sécurité de résultat incombant à l’employeur. Quelles sont les conséquences pour les entreprises ?

Cette obligation de sécurité de résultat oblige l’employeur à prévenir tout risque qui pourrait peser sur la santé physique et mentale des salariés. L’arrêt rendu le 30 octobre 2013 par la chambre sociale de la Cour de cassation n’est qu’une illustration de plus de l’obligation qui pèse sur l’employeur rappelant que celui-ci doit anticiper tout accident, alors même qu’il est parfois impossible de le prévoir. Comme l’illustre cette décision, si une altercation violente se produit sur le lieu de travail, les salariés victimes sont légitimes à quitter leur travail et à prendre acte de la rupture de leur contrat. Cette rupture pourra alors être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, donc prononcé aux torts de l’employeur.

Le 22 octobre dernier, un protocole d’accord cadre a été signé par les collectivités publiques pour la prévention des risques psychosociaux (RPS). Qu’est ce que ce texte va changer pour les fonctionnaires ?

Ce protocole d’accord cadre est important car il oblige les collectivités et les employeurs publics à élaborer un plan d’évaluation et de prévention afin de prévenir, éliminer ou de réduire le stress au travail et les risques psycho-sociaux. Par ailleurs, le Conseil d’Etat pourra enfin établir une jurisprudence en matière de RPS face aux tribunaux administratifs. Cet accord clôt un premier cycle de concertation dans l’attente d’un futur accord sur la qualité de vie au travail actuellement en cours de négociation.

Un autre Accord national interprofessionnel (ANI) a été signé le 19 juin dernier afin d’adopter une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle. De quoi s’agit-il ?

L’objet principal de cet accord est de préserver la qualité de vie au travail. Avec ce texte, on constate une nette évolution des mentalités, il ne s’agit plus uniquement d’assurer la sécurité et de prévenir les risques professionnels mais aussi de préserver la santé des travailleurs et d’assurer leur bien être au travail. L’ANI définit la notion de qualité de vie au travail et propose de regrouper dans une négociation unique celles qui, parmi les différentes négociations obligatoires, participent à l’amélioration de la qualité de vie au travail. Différents thèmes pourront être abordés lors de cette négociation : l’organisation du travail, l’impact de la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) et ses conséquences sur la frontière entre vie privée et vie professionnelle. On sent, d’ailleurs, que les entreprises sont moins sur la défensive et sont prêtes à entamer un dialogue avec leurs partenaires sociaux sur ces questions. Cet accord revêt un caractère expérimental, car il n’a été conclu que pour une durée déterminée de 3 ans. Néanmoins, le 29 octobre 2013, il a fait l’objet d’un avis d’extension dans le journal officiel. Si la procédure d’extension est menée à son terme, l’ANI sera alors obligatoire pour toutes les entreprises comprises dans son champ. Cette procédure marque la volonté du ministre du Travail de donner une réelle portée à cet ANI.

Concernant la pénibilité au travail, les employeurs devront faire face à de nouvelles obligations. Lesquelles ?

Dans la continuité de la réforme des retraites opérée par la loi du 9 novembre 2010, la loi garantissant l’avenir et la justice du système des retraites a définitivement été adoptée le 18 décembre 2013 et a été publiée au journal officiel du 21 janvier 2014. De nouvelles obligations incomberont à l’employeur en matière de pénibilité au travail, notamment la déclaration d’exposition aux risques auprès des organismes compétents, qui alimentera le « compte personnel de pénibilité », à compter du 1er janvier 2015. Ce compte permettra à tout salarié exposé à des conditions de travail pénibles d’accumuler des points proportionnels à l’exposition aux risques. Ces points pourront être utilisés par le salarié, et ce jusqu’à son départ à la retraite, pour financer des stages de formation, compléter une rémunération en cas de passage à temps partiel, ou encore, financer une majoration de durée d’assurance pour partir plus tôt à la retraite. Les modalités d’application de ce compte personnel, ainsi que d’autres dispositions de cette loi seront précisées par un décret qui n’est pas encore paru.

Comment fonctionnera ce compte personnel de pénibilité ?

L’ouverture de ce compte et son alimentation en points seront associées à la fiche pénibilité appelée  »Fiche de prévention d’expositions à certains facteurs de risques professionnels ». La loi prévoit que ce document sera obligatoire dès lors que le salarié est exposé à certains risques et à certains seuils d’exposition dont la liste va être dressée par décret. Jusqu’à présent, la mise en place de cette fiche était du ressort de l’employeur. Le financement de ce compte de pénibilité sera assuré par deux nouvelles cotisations patronales payées à l’Urssaf, dont les taux seront déterminés ultérieurement par décret.

Propos recueillis par Eliane Kan

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