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Dispositifs « anti-Covid-19 » : l’INRS tire la sonnette d’alarme

Si l’on peut douter de certains procédés comme les revêtements biocides, d’autres, comme la désinfection par ozone gazeux s’avèrent même dangereux. Conscient de cela, l’INRS vient de publier un document dans lequel il souhaite alerter les entreprises contre ces produits dits innovants.

Revêtements biocides, purificateurs d’air, lampes à UV germicides, désinfection par ozone gazeux… Depuis le début de la pandémie du Covid-19, les procédés « anti-Covid-19 » affluent sur le marché. Alors que les promotions fleurissent, difficile de ne pas résister à la tentation de s’en procurer. Or, vu la taille des enjeux sanitaires… peut-on vraiment se fier sans garanties à leur efficacité ? Du côté de l’Inrs (1), mieux vaut se méfier. Récemment, l’institut a lancé une mise en garde pour les entreprises et des salariés. Dans une brochure, il révèle que certains dispositifs, loin de réduire le risque de transmission du virus, en engendrent de nouveaux.

Les biocides inefficaces contre le virus ? 

A commencer par les revêtements biocides, considérés comme sans intérêt par l’INRS. Concrètement, ces dispositifs se présentent sous la forme de membrane, de films adhésifs. Ou de vernis à poser sur les surfaces. Le but étant de générer un effet désinfectant contre les micro-organismes comme le coronavirus… À supposer que le biocide en question présente un effet réel sur le virus SARS-CoV-2. Ce qui n’est pas garanti selon les chercheurs.

La nécessité d’un nettoyage fréquent

« Rappelons que la désinfection ne s’envisage que pour les surfaces présentant un fort risque de contamination. C’est-à-dire approchées et touchées par de nombreuses personnes. Rapidement recouvertes de squames, de graisse et autres salissures, ces surfaces nécessitent un nettoyage très fréquent pour que le revêtement biocide continue d’agir », indique l’INRS dans un communiqué. En d’autres termes, l’utilisation des revêtements biocides requiert des opérations de nettoyage assidu.

Un nettoyage régulier suffisant

Or, en tout état de cause, ces opérations sont déjà de rigueur dans le contexte sanitaire actuel. Et ce, avec ou sans revêtement biocide. Ce qui revient à utiliser un produit pour ne pas avoir à nettoyer une surface. Laquelle doit faire, dans tous les cas, l’objet d’un nettoyage pour que le produit fonctionne ! Et de fait, « les tensio-actifs présents dans les produits de nettoyage classiques détruisent l’enveloppe lipidique des coronavirus et permettent déjà de les inactiver », précisent les experts.

Seuls les purificateurs à filtre HEPA efficaces

En ce qui concerne les purificateurs d’air intérieur, le rapport se montre plus indulgent. Ces solutions consistent à filtrer l’air d’un lieu de travail. Elles l’aspirant, l’assainit puis le rejettent. Pour que ce procédé fonctionne, le rapport ne laisse place à aucun doute : «Seuls les dispositifs équipés de filtres HEPA de classe minimale H13 selon la norme EN 1822-1 et installés de manière parfaitement étanche permettent d’arrêter efficacement les aérosols susceptibles de véhiculer le virus. »

Un complément à l’aération

Par ailleurs, si ces filtres HEPA (filtres à air à haute efficacité) diminuent la concentration de virus potentiellement présents dans l’air, ils « ne peuvent en aucun cas se substituer aux apports d’air extérieur définis par le code du travail », estime le rapport. « Qu’ils fonctionnent en mode continu ou en mode séquentiel, ces dispositifs ne doivent donc être utilisés que comme compléments aux systèmes de ventilation. » Par conséquent, même si c’est désagréable, il faut laisser les fenêtres ouvertes suffisamment longtemps en hiver…

Attention aux appareils de traitement physico-chimique de l’air

Autre sujet plus inquiétant, l’INRS met en garde contre les appareils utilisant un traitement physico-chimique de l’air. C’est-à-dire par catalyse, photocatalyse, plasma, ozonation ou encore par charbons actifs. Ici, le constat est sans appel : «Non seulement leur efficacité vis-à-vis des virus n’est pas prouvée mais suite à une dégradation de polluants parfois incomplète, ils peuvent impacter négativement la qualité de l’air intérieur par la formation de composés potentiellement dangereux pour la santé. Y compris part des agents chimiques CMR ». C’est-à-dire des agents aux effets cancérogènes mutagènes, ou toxiques pour la reproduction.

Les lampes germicides efficaces dans les bonnes conditions

Du côté des lampes de désinfection par UV, leur usage s’est déjà largement démocratisé dans le milieu hospitalier, dans les laboratoires, pour le traitement de l’air et de l’eau. Ou encore dans l’industrie agro-alimentaire. Dites germicides, ces lampes à rayonnement UV-C réclament toutefois quelques précautions d’usage. « S’agissant de la désinfection des locaux, ce système nécessite que toutes les surfaces soient exposées au rayonnement direct et nettoyées préalablement (le virus pouvant être protégé des rayons par les salissures) », rappelle l’Institut.

Gare aux produits chlorés exposés aux lampes UV-C

Autre aspect plus inquiétant, « certains produits de désinfection comme les produits chlorés peuvent se décomposer sous l’action des UV en produits secondaires susceptibles d’être nocifs pour la santé », indique le rapport. Pour les personnels exposés au rayonnement UV-C, les risques pour la santé peuvent être importants : au niveau de la peau avec des « coups de soleil pouvant allant du simple érythème à des lésions plus graves ainsi qu’au niveau des yeux avec inflammation de la cornée et conjonctive. »

La désinfection par l’ozone gazeux proscrites

Enfin, l’INRS met en garde contre la désinfection des surfaces par l’ozone gazeux. Outre le manque de preuves de son efficacité contre le covid-19, ce type de procédé présente de nombreux risques pour la santé. « Rappelons que l’ozone est un gaz irritant pour la peau et surtout les yeux et les muqueuses. Suivant la dose inhalée, des troubles, allant d’une légère irritation des muqueuses et d’une sécheresse buccale à des lésions pulmonaires, peuvent apparaître, détaille le rapport. Ils peuvent également s’accompagner d’atteintes neurologiques (maux de têtes, fatigue, troubles de coordination…) ». Et c’est sans compter les risques d’explosion…

Des utilisations abusives

Malgré cela, les experts déplorent le fait que de nombreuses entreprises ont recours à des générateurs d’ozone pour la désodorisation et la désinfection des locaux. « D’après la documentation mise à disposition par ces sociétés, les équipements proposés génèrent des concentrations en ozone jusqu’à plus de 100 fois supérieures à la VLEP journalière. »

Un risque chimique élevé

Dans de telles conditions, le protocole de traitement des locaux par l’ozone gazeux impose une prise en compte du risque chimique. Avec des mesures draconiennes comme l’absence de personnes et de fuites de gaz vers les locaux adjacents. Il faut également apporter une surveillance constante de la concentration résiduelle en ozone. Et ce, avant d’autoriser quiconque à entrer à nouveau dans les locaux après la phase d’assainissement. Au vu du danger encouru, est-il vraiment nécessaire de substituer le risque de contamination au covid-19 à un tel traitement ?

Ségolène Kahn

(1) Institut national de recherche et de sécurité

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