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Sûreté et sécurité

Clément Vuibert (GPMSE) : « L’intelligence artificielle ne se rentabilise pas sur le dos des agents de sécurité »

Administrateur au Groupement professionnel des métiers de la sécurité électronique (GPMSE), Clément Vuibert pose la question : « Sécurité Optimisée & Budgets maîtrisés : l’intelligence artificielle va-t-elle supprimer les agents de sécurité ? » Un thème qui sera débattu lors d’une conférence sur Expoprotection Sécurité.

Pourquoi le GPMSE s’empare-t-il de la question de l’intelligence artificielle (IA) au regard de l’emploi et de la maîtrise des budgets de sécurité-sûreté ?

Le GPMSE est le syndicat professionnel de la sécurité électronique (alarme, vidéosurveillance, contrôle d’accès, télésurveillance…). Depuis deux ans, la pandémie a porté des coups sévères aux budgets sécurité-sûreté des entreprises. Elles ont alors réduit leurs dépenses en surveillance humaine. Les fournisseurs et installateurs de systèmes de sécurité électroniques (SSE) ainsi que les télésurveilleurs ont alors construit des offres qui remplacent partiellement les agents de sécurité.

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Clément Vuibert est administrateur au GPMSE. © Procebo

De quelle manière ?

À la place d’un agent de sécurité seul sur un site industriel ou logistique sans activité la nuit et le week-end, qui surveille des écrans et effectue deux ou trois rondes, les entreprises de sécurité électronique proposent des solutions de détection intelligentes et d’analyse d’image. Ces installations vont détecter l’intrusion pendant les horaires de fermeture du site. Du coup, l’agent traditionnel n’a plus de raison d’être sur le site car le périmètre de détection ainsi créé est étanche. C’est le télésurveilleur qui reçoit les alertes, effectue la levée de doute. Et, en cas de besoin, il fait appel aux forces de l’ordre ou à des équipes locales de sécurité.

À quel moment intervient l’IA ?

Dans l’analyse d’image car l’important, c’est d’assurer la fiabilité de l’interprétation. Le retour sur investissement (ROI) sur ce poste est très rapide. En sécurité publique, les opérateurs des centres de sécurité urbains (CSU) n’ont pas la capacité à regarder l’ensemble centaines ou milliers de caméras de vidéoprotection disséminées dans la ville. Il faut donc leur remonter les alertes pertinentes. À cet égard, la détection sonore constitue un précieux complément aux caméras de vidéoprotection car elle analyse le bruit ambiant. Ces systèmes embarquent des sons pré-enregistrés (freinage, tôle froissée, verre brisé…) qui sont comparés à ce qu’il se passe. Surtout, ces systèmes ont une capacité d’auto-apprentissage afin de remonter les anormalités.

Outre l’IA embarquée dans des systèmes électroniques afin de renforcer la précision de la détection, l’IA s’étend-elle aux emplois en sécurité humaine ?

Dans les entreprises, l’IA remplace déjà l’humain dans les tâches qui nécessitent une attention permanente : analyse comportementale, analyse d’image et analyse de données. Par ailleurs, beaucoup de membres du GPMSE effectuent aussi des rondes virtuelles. Toutes les dix secondes, le système d’analyse va recourir au Deep Learning pour détecter les situations anormales. Ces systèmes intéressent, par exemple, les bailleurs sociaux qui luttent contre le squat, le trafic de drogue et les agressions dans les halls d’immeubles. Au lieu de demander aux télésurveilleurs de regarder les écrans pendant des heures, l’IA analyse le nombre de personnes, la position statique ou l’activité fébrile… et ne transmet que l’alerte sur les écrans concernés. C’est un gain énorme de productivité car les bailleurs sociaux gèrent de très grands ensembles immobiliers avec plusieurs centaines de halls à contrôler.

Quel est le ROI (retour sur investissement) de l’IA ?

Sur un site industriel ou logistique, le remplacement d’un agent de sécurité la nuit et le week-end permet d’amortir le système d’IA en dix mois. Dans les halls d’immeubles de logements sociaux, qui sont généralement équipés de caméras, la sécurité électronique à base d’IA revient 80 fois moins cher que les agents de sécurité îlotiers. Surtout, 98 % des incivilités sont détectées quasiment en temps réel.

Qu’en est-il des fournisseurs d’IA ?

Les caméras et les systèmes de détection d’intrusion peuvent bien être asiatiques ou américains. Cela n’empêche pas d’y implémenter des algorithmes français. À cet égard, promouvoir les startups françaises et PME française fait partie des missions du GPMSE.

Reste que le remplacement des agents de sécurité par l’IA n’est pas forcément une bonne nouvelle pour l’emploi…

À moyen terme, nous savons qu’il va manquer en France près de 50 000 agents de sécurité pour les JO de 2024. Certes, le secteur de la sécurité humaine recrute mais il est en pénurie de main d’œuvre. Les employeurs du secteur sont donc favorables à la montée en compétence et à l’augmentation des rémunérations des agents et vigiles. L’idée, c’est de les employer pour des missions à plus grande valeur ajoutée. Sur ce terrain, le GPMSE a été l’initiateur, il y a cinq ans, de la formation et du titre professionnel de niveau 4 d’Opérateur en traitement d’information de sécurité à distance (OSTISD). Aujourd’hui, 400 personnes ont été formées, diplômées et immédiatement embauchées. La montée en compétence est vraiment la voie à prendre !

Propos recueillis par Erick Haehnsen

 

Clément Vuibert animera la conférence : « Sécurité Optimisée & Budgets maîtrisés : l’intelligence artificielle va-t-elle supprimer les agents de sécurité ? » lors d’Expoprotection Sécurité – le salon se déroulera du 28 au 30 septembre 2021. Pour assister à cette conférence et aux 40 autres conférences et ateliers, inscrivez-vous.

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