Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Chasse aux TMS dans l'industrie de la boucherie-charcuterie

Le métier de la boucherie-charcuterie figure parmi les activités les plus exposées aux accidents du travail et maladies professionnelles. Cependant, la plupart des opérations qui exposent à des risques élevés (coupures, amputations, glissades, brûlures) nous font oublier le risque très important de TMS dans ce métier. Un sujet que la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (Fict) compte bien traiter dans son nouveau guide de prévention.

Fleuron de l’industrie alimentaire française, l’industrie de la boucherie-charcuterie fait partie intégrante de notre patrimoine. Pourtant, elle figure aussi parmi les activités les plus contraignantes et dangereuses pour ses salariés. Dans ses métiers, les opérations de transformation de la viande exigent une certaine dextérité afin de manipuler des outils tranchants ou des machines dangereuses. Mais elles réclament aussi de la force physique pour transporter des charges lourdes telles que les palettes ou les carcasses de viande. De même, elles imposent d’effectuer des quantités de gestes répétitifs ou de travailler en chambre froide. De fait, les accidents du travail sont nombreux et peuvent survenir à n’importe quel moment. Ainsi le taux de ces accidents et leur fréquence figurent-ils parmi les plus élevés, toutes professions confondues. Outre les accidents du travail, les troubles musculosquelettiques (TMS) ont représenté en 2014 près de 94% des cas de maladies professionnelles (MP), selon la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam-TS). Avec plus de 100.000 jours d’interruption temporaire de travail pour les entreprises de préparation industrielle de la viande !
Parmi les accidents les plus graves, les coupures, les blessures et les amputations menacent le travailleur chaque fois qu’il manipule un instrument tranchant (couteau, trancheuse, machine à brochettes, hachoir, éplucheuse, découenneuse, dénerveuse…). C’est sans compter le risque de piqûres avec des fragments d’os susceptibles de s’infecter et de provoquer un panaris. Ou encore les chutes de plain-pied par glissade, du fait que les sols revêtus de carrelage sont souvent humides et rendus glissants à la suite de salissures (graisse, sang). Viennent ensuite les risques thermiques. Les charcutiers ayant à opérer dans des chambre froides subissent une exposition quotidienne au froid et à l’humidité. Propices au développement d’affections ORL et broncho-pulmonaires, les installations frigorifiques affectent aussi la dextérité manuelle et la vigilance mentale.
Outre ces dangers, les bouchers-charcutiers figurent parmi les métiers les plus concernés par les TMS qui sont souvent négligés dans ce domaine : port des carcasses lors de la réception et de l’utilisation, manipulation des pièces de viande sur le billot, disposition et réapprovisionnement de l’étal, port de marmites, plats, suspensions aux esses (les fameux crochets de boucher) des grappes de saucisses et autres pièces… Bref, les manutentions manuelles et les déplacements de charges lourdes sont nombreux et extrêmement pénibles. Sans compter les manipulations répétitives avec un rythme soutenu lors des opérations de transformation de la viande (saucisses, saucissons, jambons, boudins …), des postures contraignantes (station debout prolongée avec piétinements, position penchée en avant avec bras tendus, flexions, torsions…).
A l’instar d’un accord engagé en mai 2015 avec la Confédération nationale des charcutiers-traiteurs (CNCT) visant à diminuer le taux d’AT/MP dans le secteur, la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viandes (Fict) vient de réaliser un guide de prévention contre les accidents du travail en mettant l’accent sur les risques de TMS liés aux manutentions et à la conception des équipements. Selon la Cnam-TS, cette démarche engagée depuis dix ans aurait déjà contribué à réduire de 25% l’indice de fréquence des accidents avec arrêt. Ce guide est le résultat d’une série de diagnostics qui a été effectuée de 2014 à 2015 sur six entreprises volontaires, et de concert avec de nombreux acteurs (opérateurs qualifiés, responsables de production et service prévention, RH, membres du CHSCT, etc). Avec pour objectif de réaliser un film pédagogique et un guide de prévention sur les bonnes pratiques. Une expérimentation qui a déjà bénéficié du Prix 2014 de la Fondation du pôle alimentaire de la mutuelle d’assurance AG2R-La Mondiale sur la thématique Agir pour l’emploi dans l’alimentaire.
Au programme, certaines situations récurrentes du métier et présentant des risques de TMS élevés ont été mises en évidence afin de développer des solutions. A commencer par le travail de tri et de décrochage de saucissons sur des balancelles qui nécessite la manipulation de charges lourdes (de 235 à 275 kg) et en hauteur. Citons également la palettisation sous contrainte de cadences élevées en atelier de conditionnement ainsi que la mise en cartons dont les sollicitations articulaires des doigts, poignets et épaules sont multiples et contraignantes (il s’agit de former un carton toutes les 5 secondes !). Viennent ensuite le stockage de produits sur chariot en sortie de ligne, le choix d’un siège assis-debout qui présente une pénibilité du travail statique et du piétinement. Ou encore l’impact du froid sur la performance et la santé des opérateurs, les contraintes posturales et le geste professionnel lors d’un projet de mécanisation.
Parmi les solutions existantes afin d’éviter les TMS, il s’agit, par exemple, d’équiper les postes de travail d’aide à la manutention (transpalettes, chariots roulants, diables, poignées de préhension, rails pour les pièces de viande volumineuses …). Il est aussi possible d’équiper de roulettes les présentoirs et les étals de glissières. Tous ces conditionnements permettent de limiter les charges lourdes qu’ont à manipuler les travailleurs et ainsi de réduire les risques dorsolombaires. Ajoutons des sièges et des plans de travail dont on peut faire varier la mise à hauteur pour améliorer l’ergonomie du poste de travail. Enfin, n’oublions pas que la meilleure solution face aux problèmes de TMS reste dans l’apprentissage des gestes professionnels corrects. Par exemple en pliant les jambes plutôt que le dos lorsqu’il s’agit de soulever une charge lourde. Ou en effectuant des pauses régulièrement et des exercices afin de détendre les muscles et les articulations.

Ségolène Kahn

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