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Santé et qualité de vie au travail

Bien-être et santé au travail : la logique canadienne veut s'importer en France

Dans l'Hexagone, la prise en compte de la Qualité de vie au travail (QVT) par les entreprises est encore faible. Mais une norme canadienne, qui s'est avérée financièrement très rentable au Québec, pourrait changer la donne et convaincre certains récalcitrants.

Depuis l’ère sombre des suicides chez France Telecom (2007-2009), une dynamique semble s’être engagée en France. Les entreprises ont désormais conscience de la nécessité de prendre soin de leurs salariés. Au moins pour éviter de subir d’éventuelles conséquences pénales… Toutefois, les experts s’accordent à dénoncer le retard hexagonal pris par rapport à d’autres pays. Citons notamment les pays scandinaves et l’Australie. Mais également (et surtout) le Québec, beaucoup plus avancé que nous en la matière.
Là-bas le questionnement sur la Qualité de vie au travail (QVT) a débuté il y a environ dix ans. Pas spécialement par humanisme, comme en France où le bien-être des salariés est souvent dépeint comme l’objectif ultime à atteindre. Mais plutôt par pragmatisme, avec la perspective assumée d’un bon Retour sur investissement (ROI). Et la méthode fonctionne parfois au-delà des espérances. « Les entreprises canadiennes qui ont mis en oeuvre une politique de QVT sur une période de 3 à 5 ans ont obtenu un ROI qui varie de 1,50 dollar à 3,80 dollars par dollar investi, souligne Marie-Claude Pelletier, ancienne présidente – devenue conseillère spéciale – de l’association québécoise  »Entreprises en santé ». Mais pour obtenir un tel résultat, il faut suivre le mode d’emploi. » À savoir, le BNQ 9007-800, une norme que l’association a rédigé en 2008 à la demande du gouvernement. Selon les estimations de l’ancienne présidente, au Québec, 400 entreprises ont d’ores-et-déjà franchies le pas.Mode d’emploi en français. Aujourd’hui, l’ambition de l’association est d’exporter la norme BNQ 9007-800. D’abord vers le reste du Canada puis en Europe. Rappelons que, l’an dernier, suite à un partenariat entre  »Entreprises en santé » et l’Association française de normalisation (Afnor), la norme québécoise a été publiée en France, sous la forme d’un fascicule intitulé Mise en oeuvre de la norme québécoise Entreprises en santé (46 euros – éditions Afnor). Peu distribué (quelques centaines d’exemplaires), ce texte mériterait pourtant d’être mieux connu. En effet, la logique québécoise va définitivement beaucoup plus loin que tout ce que nous avons pu imaginer dans l’Hexagone jusqu’à présent. Principalement parce qu’elle prend en compte tous les aspects du problème, même lorsque ces derniers semblent a priori très éloignés du monde de l’entreprise. « Par exemple, en France, nous nous intéressons presque exclusivement à l’environnement de travail du salarié. Alors qu’au Québec cette dimension du problème n’est qu’une sphère parmi d’autres, confirme Frédéric Mounier, consultant-formateur à l’Afnor. La BNQ 9007-800 identifie au total 4 sphères. La première s’intéresse aux habitudes de vie des salariés, la seconde s’axe sur l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, la troisième concerne l’environnement de travail, poste par poste, tandis que la quatrième cible les pratiques de management. »

Bottom-Up. Pour l’entreprise engagée dans une politique interne de QVT, il s’agit de lister de manière exhaustive les problèmes qui relèvent de ces 4 sphères. Pour cela, il est nécessaire de recueillir les doléances des salariés. La norme québécoise propose de le faire en 5 étapes. La première, c’est l’engagement formel de la direction, au travers d’une lettre ou de tout autre moyen. La seconde étape met en place un comité de pilotage associant toutes les parties-prenantes de la problématique. Par exemple, le médecin du travail, des consultants spécialisés… « Mais surtout, pour que l’initiative aboutisse, le comité doit impérativement être composé des représentants salariaux. À l’instar des instances représentatives du personnel (IST), voire du Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHST), pour les entreprises de plus de 50 salariés », indique le consultant à l’Afnor. Dans le même ordre d’idée, il faut que le chef de projet soit légitime aux yeux de tous les acteurs de l’entreprise. Une fois ces deux conditions remplies, vient la collecte des donnée (3ème étape). « Toutes les méthodes sont possibles mais le questionnaire en ligne et anonyme reste une bonne manière d’obtenir de nombreuses participations, reprend Frédéric Mounier. Mais il est vital de s’entourer d’un expert en amont pour concevoir un formulaire dénué de biais. » L’idée, c’est de dresser un diagnostic de ce qui ne va pas dans l’entreprise. En pratique, ces données devront êtres mises a jour au moins une fois tous les deux ans. La quatrième étape du processus consiste à préparer la mise en oeuvre d’actions et à mettre en place des indicateurs. Enfin, la cinquième étape vise à engager ces actions, à dresser un bilan global et à communiquer les résultats aux salariés.

Expérimentations en France. Aujourd’hui, cette vision ultra-rationnelle de la QVT est en train de convaincre les entreprises françaises. D’ailleurs, des expérimentations sont en cours. Comme par exemple en Aquitaine. Plusieurs organisations (La Poste, Veolia ou encore le Conseil général de Gironde ainsi que des syndicats) se sont engagés dans le processus et suivent le référentiel québécois à la lettre. Avec un principe innovant dit de ‘’diagnostics croisés’’. Autrement dit : chaque organisation dresse le diagnostic de l’autre.

© Guillaume Pierre

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