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Sûreté et sécurité

William Eldin (XXII) : « Nous voulons devenir le leader mondial de l’IA appliquée à la vision par ordinateur »

Créée en 2015, la start-up parisienne XXII s’illustre dans l’intelligence artificielle (IA) appliquée à la vision par ordinateur. Elle vient de réaliser la plus grande levée de fonds en Europe sur ce secteur. Soit 22 millions d’euros en série A. Interview de William Eldin, son PDG fondateur.

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William Eldin, PDG fondateur de XXII. © XXII

Comment s’est déroulée cette spectaculaire levée de fonds ?

Cela fait douze mois que nous travaillons à ce projet ! En dehors des start-ups du quantique, aucune start-up européenne des DeepTech (technologies profondes) en Europe n’a autant levé que nous. Cette levée de 22 millions d’euros a été menée par le Fonds Innovation Défense (FID) géré par Bpifrance, aux côtés de 574 Invest (Fonds d’investissement du Groupe SNCF), CIB Développement (groupe Colas), Techmind, Kima Ventures, de Business Angels et du Groupe Duval, notre investisseur historique. Elle intervient après une levée en amorçage de 1,5 million d’euros en 2020, un dépôt de brevet en août 2021 et une nomination comme lauréat DeepNum20 de la FrenchTech en octobre 2022. Cette levée nous fait sortir du bois et nous confère de la capacité d’exécution sur 24 mois avec l’objectif clair de réaliser pour 10 millions d’euros d’abonnements fin 2024. Aujourd’hui, nous réalisons 2,7 millions d’euros de chiffre d’affaires avec nos abonnements et 5 millions sont déjà engagés dans le ‘‘pipe’’.

Quelle est votre vision à moyen et long terme ?

Nous avons l’ambition de faire de XXII le leader mondial de l’IA appliquée à la vision par ordinateur en IA. Nous avons deux choix possibles. Soit devenir rentables fin 2024. Soit prendre des parts de marché pour devenir ce fameux leader mondial et procéder à une nouvelle levée de fonds afin de décupler nos ventes. Pour y parvenir, nous devrons structurer la mise à l’échelle de l’entreprise et phosphorer dès à présent sur les objectifs d’innovation à cinq ans.

Quelle est la hauteur de l’investissement du FID ? Que vient faire l’Armée dedans ? Quel en est intérêt ?

Le FID a investi 6 millions dans XXII via Bpifrance. En fait, nous travaillions déjà depuis longtemps pour les ministères de l’Intérieur et des Armées sur des sujets qui ne sont pas liés à l’armement. Seul le secteur militaire est capable d’investir dans les DeepTech liées à nos sujets. Résultat, le ministère des Armées soutient donc des PME comme la nôtre pour voir notre agilité à nous positionner sur de nouveaux marchés, quitte à ce que nous collaborions avec de très gros acteurs comme Thales, CS Group ou Cap Gemini qui sont capables de gérer de très gros déploiements. Chose que nous ne pouvons pas faire par nous-mêmes.

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Sans formation préalable, l’IA détecte ce que l’homme n’a pas le temps de voir. © XXII

En dehors de la sécurité-sûreté et de l’incendie, dans quels autres domaines allez-vous vous développer ?

Aujourd’hui la sécurité-sûreté et l’incendie pèsent 50 % de nos revenus. Dont 20 % en sûreté publique et 30 % auprès du secteur privé. Le reste des ventes se déroule sur le terrain de l’excellence opérationnelle. L’idée consiste à fournir aux managers l’information en temps réel sur des choses qu’ils ne voient pas mais dont ils ont besoin pour assurer la qualité de leur prestation. Par exemple, dans un fast-food, nous allons analyser les flux des 30 caméras déjà installées pour vérifier que les commandes sont remplies avec les produits attendus, que les tables sont bien débarrassées et que la file d’attente des clients n’est pas trop longue. A côté de cela, en logistique, l’excellence opérationnelle porte, par exemple, sur le tracking des produits à grande valeur ajoutée ainsi que sur la sécurité des opérateurs afin qu’ils n’entrent pas en collision avec les chariots élévateurs.

A son tour, l’excellence opérationnelle vient-elle renforcer la sécurité-sûreté ?

Oui. Plus on maîtrise le tracking des produits, moins il y a de vols.

Pour devenir leader mondial de l’IA en vision par ordinateur, sur quelle avance technologique vous appuyez-vous ? En quoi est-ce une rupture sur la scène internationale ?

Notre technologie crée une rupture sur le marché et nous allons donc plus vite que la concurrence grâce à notre capacité à générer de la donnée de synthèse. En effet, notre technologie permet de créer en 3D des objets à détecter par nos algorithmes d’analyse vidéo. Ce qui nous évite de devoir filmer dans la rue les objets à reconnaître via l’apprentissage machine. Nous créons nos propres jeux de données qui servent à entraîner nos IA. Du coup, nous accélérons considérablement cet apprentissage machine. Par ailleurs, à chaque mise à jour de nos licences clients, nous rajoutons d’énormes quantités d’objets à détecter automatiquement. Par exemple, nous sommes en mesure de détecter même des armes. Ensuite, notre infrastructure est scalable en Cloud ou en local. On peut supporter de très fortes augmentations de charge que ce soit dans le Cloud ou en local. Enfin, sur le plan ergonomique, nous faisons en sorte que n’importe quel utilisateur puisse s’approprier le logiciel sans formation. Ainsi va-t-il configurer lui-même les règles de détection sur chaque flux vidéo qu’il n’a pas le temps de regarder, grâce aux moteurs de règles que nous avons développés pour nos IA.

Par exemple ?

Dans un centre de supervision urbain (CSU), l’opérateur remarque que les voitures roulent trop vite devant une école. Il peut décider d’appliquer une règle qui va faire passer le feu tricolore au rouge dès qu’une voiture dépasse 30 km/h. Automatiquement.

Bénéficiez-vous d’un desserrement réglementaire à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ?

C’est encore en discussion au Parlement avant adoption, mais il est question de pouvoir utiliser, à titre expérimental, des IA en sécurité-sûreté pendant les JOP Paris 2024. XXII fait partie des entreprises retenues pour les expérimentations. Nous allons donc démontrer que nous respectons les règles et l’éthique, dont le Règlement général sur la protection des données à caractère personnel en Europe (RGPD). Et nous espérons contribuer à repousser ce cadre expérimental en application pérenne grâce à l’excellence opérationnelle que nous allons apporter.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

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