Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Vols sur les chantiers : l'heure est à la mobilisation

Engins de chantier (pelleteuses, tractopelles, niveleuses, grues…), camions, voitures, outils, matériaux (métaux dont le cuivre, ciment, carrelage), éléments de construction (coffrets électriques, portes, fenêtres, serrures…)… chaque année, les déclarations de vol sur les chantiers de construction pèsent 1 à 2 milliards d’euros. Subi par les entreprises du bâtiment, ce véritable pillage représente 1% à 2% du chiffre d’affaires annuel du secteur ! Une entreprise sur deux a été victime d’au moins un vol significatif de plus de 10 000 euros dans l’année, rapporte une étude de 2008 menée par la FFB (Fédération française du bâtiment) auprès de 3 000 sociétés adhérentes. 77% avaient signalé avoir été victimes d’un ou plusieurs larcins dans l’année écoulée. Et encore, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg : « A peine 20% de nos clients s’assurent contre le vol sur chantier », reconnaît Yves Cabane, responsable adjoint aux dommages aux biens au SMABTP, le principal assureur du secteur du bâtiment et des travaux publics. Bien que difficiles à estimer, les pertes réelles seraient donc beaucoup plus élevées.

Après avoir tiré la sonnette d’alarme en 2008, la FFB a mis en place, en partenariat avec le ministère de l’Intérieur, l’opération  »Raz-le-vol » afin de lutter plus efficacement contre les vols sur chantier. Au menu du protocole : une formation à la sécurité, la mise sur pied dans chaque département de « référents sécurité » issus de la Police ou de la gendarmerie… En parallèle, la FFB a signé une convention avec FilRFID, la fédération francophone des industriels et acteurs de la RFID (puces électroniques sans contact), dont certains industriels membres ont élaboré des solutions innovantes de protection à base de technologies RFID. Résultat, une série de chantiers pilote s’apprête à tester ces prototypes en liaison avec des systèmes de vidéoprotection, des des sociétés de télésurveillance et des assureurs.

Un déficit d’assurance. Mais aujourd’hui, lorsqu’elles s’assurent, les entreprises portent leur effort en priorité (dans 70% des cas) sur les grands engins de chantiers car leur valeur est très élevée : de 10 000 pour une mini pelleteuse, 100 000 euros pour une tractopelle, 400 000 euros pour une niveleuse. En tous lieux, ces assurances couvrent tous les risques (dommages, bris de machine, panne mécanique, vol…) moyennant une prime annule de 1 800 euros à 2 500 euros par engin. « Les 30% d’engins restants, donc non assurés, sont jugés trop vieux. Les entreprises estiment que le jeu n’en vaut pas la chandelle », reprend Yves Cabane.

Des mesures de prévention simples à prendre. Reste que, dans le sillage de l’opération Raz-le-vol, il y a des mesures organisationnelles de base à prendre tout de suite pour sécuriser un chantier : désigner une personne en charge des mesures de sûreté, délimiter clairement la zone du chantier et la clôturer avec des palissades de sorte à ne pas laisser à la vue des passants les outils et matériels inutilisés, limiter et contrôler les voies d’entrée et sortie du chantier quitte, parfois, à installer un contrôle d’accès. Bien sûr, en fin de journée, il faut ranger les matériels et outils (ne pas les laisser traîner) et les stocker dans un espace de stockage sécurisé (locaux ou conteneurs fermés à clé). « Il faut aussi éviter de se faire livrer trop longtemps à l’avance ainsi que les veilles de fête ou de week-end », ajoute François Asselin, vice-président de la FFB (Fédération française du bâtiment) et président de la commission des marchés. « Ces mesures relèvent du pur bon sens. » Dans la foulée, il est recommandé de positionner les véhicules et engins coûteux de façon à rendre difficile leur enlèvement. Par exemple, en imbriquant plusieurs engins les uns dans les autres. De même, il est conseillé de ne jamais laisser les clés sur les engins, les machines et les véhicules ainsi que d’activer tous les systèmes antivol mis à disposition, d’enregistrer les marques, numéros de série et principales caractéristiques des matériels les plus coûteux et de marquer les équipements. A cet égard, la FFB propose à ses adhérents un outil d’enregistrement de leurs matériels.

Systématiser la protection. Pour les chantiers à plus haut risque, outre la clôture de palissades et les barrières fermées avec des chaînes et des cadenas, la FFB préconise éclairage général la nuit qui se déclenche par un détecteur de présence ainsi qu’une centrale d’anti-intruson avec alarme sonore ou lumineuse, voire un système de vidéoprotection en collaboration avec une société de télésurveillance associée et, le cas échéant, avec une société de sécurité privée de gardiennage. L’içdée, fait fait son chemin : lors d’une récente réunion organisée par la FFB, le 4 septembre dernier, la profession a mis en évidence l’intérêt d’organiser de façon systématique la démarche de mise en sûreté des chantier. L’idée est simple : durant les réunions de préparation du chantier, le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et les principaux sous-traitants en profiteraient pour établir un diagnostic de sûreté. « Aujourd’hui, on parle très peu de sûreté dans ces réunions. Mais que nous voudrions que ce soit systématisé. Il y a parfois des choses très simples à mettre en œuvre de façon collective », résume François Asselin. « Si la sûreté s’annonce plus complexe, le référent sécurité du département sera susceptible de venir en appui de l’équipe du chantier afin d’apporter son conseil. »

La RFID veut sécuriser les chantiers. Reste que, pour l’heure il est difficile de sécuriser les chantiers avec des systèmes électronique conçus pour des bâtiments fixes. D’où l’idée de sécuriser les objets (engins, équipements, outils, matériaux, éléments de construction…) grâce à des  »tags » électroniques, appelés aussi  »marqueurs » qui communiquent avec une centrale de sécurité. « L’artisan fixe un tag sur un objet. Dès que celui-ci bouge ou dès qu’il est arraché, il transmet un signal à la centrale mobile qui communique par GPRS vers un télésurveilleur, l’artisan ou le chef de chantier », explique Bernard Jeanne-Beylot, consultant spécialisé en traçabilité et identification automatique chez JB Thèque. Au sein du FilRFID, plusieurs industriels ont décidé de relever le défi. A commencer par Lagassée Technologies qui a sorti une offre en 2010. Mais après sa liquidation judiciaire et sa reprise cette année par Eolan, cette société n’est plus – pour l’instant dans la course – dans la course. Deux autres fabricants, KBS et Servtel, s’apprêtent à sortir cette année des offres similaires sous la forme d’une valise contenant la centrale mobile communicante et une quinzaine de tags. Ces derniers sont qualifiés de tags actifs car ils sont dotés d’une batterie, offrant une autonomie de 1 à 3 ans selon les conditions climatiques, ainsi des capteurs pour mesurer la pression, la température, les chocs, les déplacements, les mouvements… « Outre le modem GPRS pour dialoguer avec la société de télésurveillance, la centrale mobile dispose de son propre GPS pour qu’elle soit localisée en temps réel sur le chantier et d’un scanner de tags actifs qui scrute en permanence la présence des tags et leurs éventuels mouvements », détaille Jean-Philippe Verger du FilRFID. « Si on déplace la centrale, si on essaie de la brouiller ou de la détruire, le processus de dialogue contant avec le télésurveilleur génère une alarme. »

Autre progrès intéressant, réalisé sous la houlette du FilRFID, le développement d’un protocole de communication qui permet de passer de l’univers de la RFID à l’univers IP (Internet Protocol). « Ce protocole sera utilisé par tous les futurs fabricants de valises. Il est très précieux car il remonte les alarmes de terrain, provenant des tags RFID, vers tous les logiciels de télésurveillance », se réjouit Didier Hulot, chargé du développement commercial chez le télésurveilleur Afone quio fait partie d’un chantier test devant démarrer cet automne à Bondy, en région parisienne, avec KBS et Servtel. « En revanche, la valise ne peut pas encore déclencher les caméras de télésurveillance pour faciliter la levée de doute permettant de dépêcher les équipes des forces de l’ordre sur le chantier. »

© Erick Haehnsen / TCA-innov24

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