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Sûreté et sécurité

Vincent Luchez (CJCS) : « Loi sur l'armement des agents de sécurité privée : une avancée qui mérite des éclaircissements »

Interview de Vincent Luchez, avocat, directeur des études au Club des jeunes cadres en sûreté (CJCS) qui, à l'occasion du salon APS (26-28 septembre, à la porte de Versailles), donnera une conférence sur les enjeux de l'armement des agents de sécurité privée, suite à la loi du 28 février 2017.

On parle d’armer les agents de sécurité privée mais quel est le contexte réglementaire ? 

Cette année, il y a eu une grande actualité concernant cette question : l’adoption de la loi n°2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2018. Cette loi a bousculé des serpents de mer. Tout d’abord parce qu’elle crée un nouvelle catégorie d’agents de sécurité, à savoir les  »agents de sécurité renforcée ». Lesquels pourraient être dotés d’armes à feu dans l’exercice de leurs fonctions. Ensuite, la loi autorise également les gardes du corps à être dotés d’armes à feu sur le territoire français. Désormais, les sociétés privées de sécurité pourront déposer des dossier de demande d’armes.

Comment cela va-t-il se passer ?

Personne ne le sait ! La loi ne sera véritablement applicable que si les décrets d’applications sont écrits et publiés.

Quelle est l’importance de cette loi ?

La loi du 28 février 2017 a bousculé ce qui était figé de longue date. Bien sûr, ce sont les attentats de Charlie Hebdo et du Bataclan en 2015 qui ont relancé le débat à la fois pour les agents de sécurité renforcée et pour les agents de protection physique des personnes, autrement dit les gardes du corps.

Quel est l’agenda le plus prévisible ?

Personne n’en sait rien car, aujourd’hui, personne ne sait ce que veut l’État. En ce qui concerne la sécurité privée, la réforme portait sur l’armement des gardes du corps mais elle ne parlait pas des agents de sécurité renforcée avant l’adoption d’un amendement sénatorial. Une chose est sûre : les exigences seront fixées dans les décrets : formation, procédures, critères de moralité,… Des questions vont se poser : qui stockera l’arme entre le client, la société de sécurité privée ou l’agent ?

Il y avait pourtant eu de telles initiatives, semble-t-il… 

En principe, il était déjà possible d’armer des agents de sécurité. D’ailleurs, c’est dans ce cadre que des agents de sécurité privée ont pu être armés pour protéger Charlie Hebdo. Même chose pour Eurodisney. Mais la loi était mal écrite et la pratique n’a jamais pu se développer.

Notre pays serait-il plus sûr en armant les agents de sécurité privée armés ?

Les sociétés privées de sécurité ne vont pas distribuer des armes à leurs 170.000 agents. Vraisemblablement, elles vont créer des filiales spécialisées. De même, des sociétés vont se créer spécifiquement sur ce créneau. En tous cas, l’armement ne sera pas massif. D’ailleurs, les grandes organisations patronales, comme l’Union des entreprises de sécurité privée (USP) et le Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes), se montrent très prudentes sur la question.

Pour quelles raisons ?

Elles ne sont pas certaines que les clients accepteront de payer plus cher pour la formation des agents armés. Ensuite, pour elles, la priorité est peut-être à accorder au développement d’une culture de la sécurité : systèmes d’alarme, détection périmétrique, contrôle d’accès, vidéosurveillance… Avec l’organisation humaine qui va de paire. Donc avant de penser aux gardes armés, il faudrait être plus sûrs dans notre culture de la sécurité et de sûreté. Sur ce terrain, Israël est souvent cité en exemple.

À quels changements pourrait-on s’attendre ?

La loi a été adoptée mais sa mise en application est encore floue. Les choses devraient s’éclaircir à l’avenir.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

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