Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Vers un traité mondial juridiquement contraignant pour éliminer les plastiques

La résolution de l’ONU du 2 mars 2022 a été adoptée par 170 pays. Dans son sillage, une quarantaine de nations phosphorent à Paris, du 27 mai au 2 juin, sur la deuxième session de négociations (sur cinq) . Objectif : élaborer d’ici 2024 un traité international juridiquement contraignant pour interdire les plastiques à usage unique d’ici 2040.

Dans le sillage de l’adoption de la résolution par l’Organisation des nations unies (ONU) avec l’accord de Nairobi du 2 mars 2022, près de 170 pays, dont la France, se sont engagés sur le principe d’élaborer un traité international juridiquement contraignant d’ici fin 2024 pour mettre fin à ce fléau. Après un premier round de négociations clos le 2 décembre 2022 à Punta del Este (Uruguay), Paris accueille du 27 mai au 2 juin à l’Unesco la deuxième session sur les cinq prévues au total. « Si nous n’agissons pas, la pollution plastique mondiale triplera dans les 40 prochaines années […]. Des milliards de tonnes [de plastique] ont été déversées depuis 75 ans et détruisent notre habitat, menacent les océans et la biodiversité », estime Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Nous disposons de deux ans seulement pour négocier et adopter ce traité que nous voulons juridiquement contraignant. »

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Le traité sur lequel une quarantaine de pays planchent à l’Unesco devrait aboutir en 2024. CC Michel Ravassard

Donner une impulsion politique aux débats

Jusqu’à présent, seules les questions de gouvernance ont animé les discussions. Cependant, les cinq autres journées de débats devraient esquisser les grandes orientations du futur traité. Lesquelles nourrissent l’ambition non seulement de mettre un terme à cette pollution massive mais aussi, plus largement, d’instaurer les circuits d’une économie circulaire couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques, conformément à la logique des objectifs de développement durable. Dans cette perspective, Catherine Colonna et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, ont reçu samedi dernier une quarantaine de représentants d’Etats du monde entier pour tenter de donner une impulsion politique aux débats. Lesquels n’ont démarré que ce lundi 29 mai entre des nations aux ambitions divergentes et soumises aux pressions opposées des industriels et des ONG. En parallèle, la Coalition de la haute ambition pour mettre fin à la pollution plastique (Hacepp), soit une quarantaine de pays, souhaite éliminer d’ici 2040 les plastiques à usage unique.

Constats alarmants

Chaque année, près de 460 millions de tonnes de plastiques sont fabriquées dans le monde, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dont 353 millions de tonnes deviennent des déchets, soit 35 000 fois le poids de la tour Eiffel. Derrière le ciment et l’acier, le plastique est le troisième matériau le plus fabriqué au monde. Toutes les minutes, pas moins de 15 tonnes de plastique sont ainsi rejetées dans l’océan. 81 % des produits fabriqués en plastique finissent en déchets en moins d’un an, indique le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Résultat, les débris de plastiques constituent 85 % des matériaux polluants en mer. Si l’on continue sur cette lancée, il pourrait y avoir plus de plastique que de poissons dans l’océan d’ici 2050. Pis, moins de 10 % des déchets de plastique sont recyclés.

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Selon le Cese, 81 % des produits fabriqués en plastique finissent en déchets en moins d’un an. © Dustan Woodhouse / Unsplash

Perturbateurs endocriniens

Avant même de finir en déchet, le plastique impacte négativement la santé humaine. De fait, l’extraction, le transport et le raffinage des matières premières nécessaires à sa fabrication entraînent l’émission de nombreux polluants, de même que la production de plastique elle-même. L’utilisation de produits en matière plastique, notamment pour les contenants alimentaires, expose également les consommateurs à des substances toxiques. Citons les bisphénols ou les phtalates qui sont des perturbateurs endocriniens. Des déchets de toutes tailles se retrouvent dans les océans, la banquise, l’estomac des oiseaux et même au sommet des montagnes. Des microplastiques ont même été détectés dans le sang, le lait maternel ou le placenta. Le plastique pose aussi problème pour son rôle dans le réchauffement climatique. A ce titre, il représentait 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre en 2019, soit 3,4% des émissions mondiales, selon l’OCDE.

Intérêts divergents

Les pays les plus ambitieux (54 pays conduits par le Rwanda et la Norvège, l’Union européenne, le Canada, le Mexique, l’Australie et, depuis vendredi, le Japon) souhaitent désormais une réduction de l’usage et de la production de plastique. Sur ce terrain, l’ambition de la France est assez forte puisque « Christophe Béchu ne semble pas tomber dans le mirage du recyclage », estime notre confère Reporterre et, au contraire, « défend l’interdiction de mise sur le marché de certains produits, l’instauration de dispositifs pollueurs-payeurs, l’obligation de transparence et de traçabilité ou encore la prévention des rejets de microplastiques dans l’environnement. » D’autres pays, en particulier en Asie, ou comme les Etats-Unis pourraient se montrer plus timorés et insister sur la nécessité de recycler et de lutter contre les déchets abandonnés. Ces pays voudraient aussi laisser la possibilité aux Etats de décliner à leur guise les obligations. Ce qui, évidemment, réduirait la portée juridique du texte mais aussi sa force. On d’en doute, les producteurs de polychlorure de vinyle (PVC), de polyéthylène (PE) ou de polypropylène (PP), c’est-à-dire les plastiques les plus utilisés dans le monde, ne l’entendent pas non plus de cette oreille. Selon Libération, ils misent, au contraire, sur une production mondiale exponentielle, qui avait déjà doublé entre 2000 et 2019, amenée cette fois-ci à tripler d’ici à 2060.

Erick Haehnsen

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