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Sûreté et sécurité

Un tiers des radicalisés fichés présenterait des troubles psychiatriques

Selon le ministre de l'Intérieur, des mesures doivent être prises pour que les personnes souffrant de troubles psychiatriques ne puissent pas commettre d'attentat. Tollé chez les professionnels de la santé psychique.

« Dans le FSPRT [fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation] nous considérons qu’à peu près un tiers des personnes présente des troubles psychologiques », a déclaré ce mardi matin le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV. Selon RTL, 217 personnes sont revenues de Syrie et neuf attentats ont été déjoués depuis le début de l’année. En juillet, ce décompte était encore à sept. « La menace est grande », a-t-il ajouté. Il faut dire que les récents événements ont plaidé dans ce sens. Notamment le drame en Seine-et-Marne au cours duquel un homme avait foncé avec sa voiture dans une pizzeria, tuant une adolescente et faisant 12 blessés le 14 août. Ce lundi 21 août, un autre homme a blessé une femme et tué une autre dans des abribus à Marseille avec sa voiture.

Mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres

Dans cette interview, Gérard Collomb a fait part de sa volonté de mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres « pour identifier les profils qui peuvent passer à l’acte […]. Il est clair que le secret médical, c’est quelque chose de sacré, mais en même temps, il faut trouver le moyen pour qu’un certain nombre d’individus, qui effectivement souffrent de troubles graves, ne puissent pas commettre des attentats, a insisté le ministre de l’Intérieur pour qui « un individu qui a fait deux fois de la prison, qui est resté le reste de son temps dans des cliniques ou hôpitaux psychiatriques, peut passer à l’acte et donc tuer. »

Réactions en chaîne

Cette déclaration n’a pas laissé de marbre certains professionnels de la santé psychique. En témoigne Cédric Mas, membre d’Action Résilience joint par RTL.fr, qui estime que ce n’est pas une solution que d’aller chercher les radicalisés parmi les malades. « Chercher à expliquer la radicalisation par la psychiatrie, c’est être à côté de la plaque, c’est ridicule d’en être encore là », critique le spécialiste de la question terroriste Romain Caillet à RTL.fr. Tout comme Jacques Raillane, connu aussi sous le pseudonyme Abou Djaffar, observateur aguerri de la question terroriste, qui juge cette idée « débile », voire « absurde ». De son côté, Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français, dénonce des propos « imprécis » de la part du ministre, avec une probable confusion entre « troubles psychologiques » (qui relèvent des psychologues) et « troubles psychiatriques » (qui relèvent des psychiatres).

Dans la foulée, Jean-Marie Faroudja, président de la section « éthique et déontologique » au Conseil national de l’Ordre des médecins, est en désaccord total avec le ministre : « Nous nous sommes récemment penchés sur la question de la radicalisation, du terrorisme et du secret médical, et notre position, énoncée dans un rapport datant de février 2017, est très claire : le secret médical est général, absolu et nous le défendrons toujours. S’il n’y a pas de secret, il n’y a pas de confiance, et sans confiance, il n’y pas d’action médicale possible. Si un médecin a connaissance d’un danger imminent, c’est son devoir citoyen d’en informer la police. Puis il pourra éventuellement en répondre devant la profession pour violation du secret médical. Mais n’oublions pas que tous les « psychopathes » ne sont pas terroristes et vice-versa. »

Redéfinir l’opération Sentinelle

Dans la foulée, Gérard Collomb est revenu sur le fonctionnement de l’opération Sentinelle, récemment visée dans une attaque à Levallois-Perret (92) et au cours de laquelle six militaires avaient été blessés. « Nous allons redéfinir le dispositif de manière à le rendre plus mobile », a-t-il affirmé, précisant que des agents pourraient être mobilisés sur des manifestations particulières « comme la grande braderie de Lille. » Pour y parvenir, le ministre de l’Intérieur a fait savoir que Sentinelle ne sera plus « simplement un dispositif de 7.000 personnes » sur des postes fixes, mais « peut-être 3.500 dans des postes définis et 3.500 dans des postes plus souples ». Un sujet qui devrait être abordé lors du prochain conseil de défense.

Erick Haehnsen

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