Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Un salarié en bonne santé, à qui l'on fait attention, sera davantage motivé, donc plus performant

Interview croisée avec Mylène Obringer, responsable santé, sécurité et environnement du groupe Socomec, et Jérôme Bernasconi, responsable des méthodes du site de Benfeld (67) qui fabrique des équipements électriques pour la performance énergétique des installations basse tension. A l'occasion de l'Atelier des Préventeurs (5 octobre à Paris), ils partageront leur retour d'expérience sur le thème « Les opérateurs de terrain : de l'implication à l'application ».

Pourquoi l’implication des opérateurs de terrain vous paraît-elle importante ?

Mylène Obringer : Nous cherchons à développer une véritable démarche de prévention 100% participative. Cela fait maintenant deux ans que nous associons systématiquement les collaborateurs de l’entreprise à des démarches de conception et re-conception aussi bien des postes de travail que des outils.
Comment vous y êtes-vous pris ?

Jérôme Bernasconi : Tout d’abord, nous avons bénéficié du soutien de notre direction générale qui a affirmé sa volonté et sa stratégie de pérenniser l’emploi, ici, à Benfeld (67) en Alsace. Pour ce faire, il faut accroître la performance économique de l’entreprise et améliorer les conditions de travail.

Mylène Obringer : Ensuite, l’amélioration des conditions de travail crée les conditions pour le maintien dans l’emploi en bonne santé. C’est aussi ce qui conduit à la performance économique. Un salarié en bonne santé, à qui l’on fait attention, sera davantage motivé, donc plus performant.
Quelles ont été vos premières étapes ?

Mylène Obringer : Le service méthodes, le service HSE [Health, Safety & Environment ; Santé, sécurité et environnement] et la production ont réalisé un audit des postes de travail de différentes filières établies sur plusieurs lignes de fabrication. Nous avons alors créé en interne un référentiel commun qui se base sur un grand nombre de normes françaises et internationales en termes d’ergonomie et de sécurité mais également un grand nombre d’outils du Lean Management adaptés à notre activité.

Jérôme Bernasconi : Nous dégageons des objectifs chiffrés qui sont croisés entre amélioration des conditions de travail et performance économique. Pour ce faire, nous suivons plusieurs indicateurs.

Mylène Obringer : Côté sécurité et santé au travail (SST), nous surveillons, entre autres, le taux d’absentéisme, le climat social et les accidents du travail.

Jérôme Bernasconi : Concernant les indicateurs économiques de l’entreprise, nous prenons en compte la qualité des produits ainsi que la qualité de service (capacité à répondre au contrat passé avec le client), la productivité, les surfaces de production à économiser, les coûts indirects…
Pourquoi est-ce important d’associer les collaborateurs de l’entreprise aux démarches de conception et re-conception des postes de travail ?

Mylène Obringer : Parce que chacun doit être acteur de nos démarches de conception et de prévention. Dans certaine mesure, chacun doit aussi être responsable de sa zone de travail et de son activité de travail en matière de SST, d’environnement et performance économique. Certes, ils ne sont pas les seuls responsables des conditions dans lesquelles ils travaillent. Les équipes support ont un rôle important à jouer. Mais ils restent les mieux placés pour savoir ce qu’il faut concevoir.

Jérôme Bernasconi : Et, pour passer de l’implication à l’application, comment les salariés pourraient-ils améliorer leurs conditions de travail s’ils ne sont pas formés à cette démarche ?

Mylène Obringer : En effet, on ne peut demander à un salarié d’être responsable de ses conditions de travail s’il n’en a pas la maîtrise.

Jérôme Bernasconi : C’est en lui permettant d’acquérir cette maîtrise que l’on passe du curatif au préventif. Lorsque le salarié n’est pas formé, on détecte les problèmes qu’après coup car on n’aura pas eu les bons réflexes en amont.
Comment l’approche systémique de la prévention dans votre entreprise se construit-elle au niveau des opérateurs de terrain ?

Mylène Obringer : Dans ce contexte, la phase de définition des référentiels et d’outils communs a été décisive. Bien sûr, nous avons dû les créer car ils n’existaient pas. En même temps, c’est avec cette approche systémique,que nous avons commencé par trouver le chemin qui nous a permis de partager les deux cultures, celle de la SST et celle des méthodes, et de définir un objectif commun.

Jérôme Bernasconi : Cela n’a pas été facile mais cela a été indispensable. D’ailleurs, les projets que nous avons voulu mener avant d’avoir ces référentiels n’avaient pas remplis les objectifs escomptés. Nous ne nous comprenions pas. Nous avions vraiment besoin d’un langage commun.
Vous évoquiez le passage de l’implication à l’application. Comment avez-vous procédé ?

Jérôme Bernasconi : Grâce au mode chantier. Pendant des journées complètes, nous travaillons avec le personnel de production sur des sujets comme la conception ergonomique d’une ligne de production qui doit être améliorée. Nous les formons ainsi aux outils nécessaires que nous utilisons : qu’est-ce qu’une zone rouge (dangereux), orange (moyennement dangereux) ou verte (pas de danger) en termes de distance d’accès, de poids, de fréquence de tâche… L’idée, c’est de conduire ainsi la re-conception vers un excellent niveau d’ergonomie, de sécurité, de productivité et de qualité. Par exemple, il s’agit de repérer où il faudrait chasser la surcharge mentale, les mauvaises postures et le gaspillage de tous type.

Mylène Obringer : Pour y parvenir, il faut former toutes les équipes à notre langage commun et à nos outils de sorte que chacun sache comment contribuer à la conception de sa future ligne de production.

Jérôme Bernasconi : De cette manière, le projet devient l’objectif de tout un groupe. Lorsqu’on y arrive, on gagne la partie ! Ce n’est pas facile pour autant car les enjeux sont humains avant d’être techniques.
Quels sont les pièges à éviter ?

Jérôme Bernasconi : Le premier piège, c’est de croire que l’on peut mener des projets alors qu’on n’a pas le soutien de la direction.

Mylène Obringer : Le second piège concerne les fausses promesses : faire croire que l’on consulte les collaborateurs alors que tout a déjà été décidé. Les collaborateurs ne seront pas dupes. Enfin, il faut rester réaliste dans ses promesses. Y compris auprès des instances représentatives du personnel.
Et quelles sont les meilleurs conseils à donner ?

Mylène Obringer : Donner du sens à la démarche et au travail, à l’activité des collaborateurs.

Jérôme Bernasconi : J’ajouterai qu’il faut ne pas se précipiter – sauf en cas de situation dangereuse -, éviter le  »tout à tout prix, tout de suite ». Laisser mûrir les choses a du bon.

Mylène Obringer : N’oublions pas non plus de promouvoir les réussites.
Qu’attendez-vous de l’Atelier des Préventeurs ?

Mylène Obringer : J’ai envie de partager non seulement nos expériences mais aussi en apprendre davantage sur celles des autres. Ce sera aussi l’occasion de parler du Lean Management qui, aujourd’hui, constitue une méthode qui a su se structurer et devenir plus efficace qu’auparavant avec un prérequis : mettre en œuvre en prenant en compte les collaborateurs et leurs conditions de travail. Le Lean Management peut convenir à la sécurité et la santé au travail à partir du moment il est instauré de façon bienveillante.

Jérôme Bernasconi : En effet, l’amélioration des conditions de travail a été le premier enjeu de la mise en place du Lean Management dans notre entreprise, devant le gain économique. A présent, nous sommes dans un système de perpétuelle amélioration. J’espère que notre expérience sera utile à d’autres personnes.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

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