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Suicides à France Télécom : premier grand procès en vue pour harcèlement moral

Le parquet de Paris vient de demander qu'Orange, (ex-France Télécom) et son ex-patron, Didier Lombard, soient jugés pour "harcèlement moral" dans l'affaire de la vague de suicides de salariés au sein de l'entreprise. Entre 2008 et 2009, 35 personnes s'étaient donné la mort.

Soupçonnés d’avoir mis en place une politique de déstabilisation des salariés en vue d’accélérer les départs volontaires au sein de l’entreprise, donc sans indemnités de licenciement, le parquet vient de déposer une demande de procès pour « harcèlement moral » de Paris contre Orange (ex-France Télécom) et Didier Lombard, ex-PDG de France Télécom. En 2008 et 2009, pas moins de trente-cinq salariés s’étaient donné la mort. Parfois sur leur lieu de travail. C’est la première fois qu’une grande entreprise du CAC 40 se voit mise en examen pour harcèlement moral à grande échelle. Deux autres dirigeants, Louis-Pierre Wenes, ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-responsable des ressources humaines, et quatre cadres sont également mis en cause pour complicité.

Management par la terreur
Dans ses réquisitions, le parquet reproche à France Télécom d’avoir mis en place, dès 2007 une politique d’entreprise qui, par des agissements répétés, a eu pour effet de déstabiliser les employés et de créer un climat professionnel anxiogène. Trente-neuf victimes sont notamment citées. Parmi elles, dix-neuf se sont suicidées, douze ont tenté de le faire et huit salariés ont subi un épisode de dépression nerveuse ou ont été en arrêt de travail. A côté de cela, trent-cinq salariés s’étaient donné la mort, selon les syndicats et la direction en 2008 et 2009. En juillet 2009, le suicide d’un technicien marseillais, qui avait évoqué un « management par la terreur », avait donné un énorme retentissement à l’affaire. D’autant que plusieurs actes similaires ont eu également lieu. Les plaignants, dont la fédération Sud-PTT, y voient la conséquence d’un « système » pour pousser les salariés au départ volontaire dans un contexte d’ouverture à la concurrence, une fois l’État devenu actionnaire minoritaire en 2004. Engagé dans le délicat virage de la privatisation et des nouvelles technologies, le groupe voulait supprimer 22.000 postes entre 2006 et 2008 et procéder à contraindre 10.000 personnes à changer de métier.

« Des départs par la fenêtre ou par la porte »
Il faut se souvenir que, en octobre 2006, Didier Lombard avait tenu devant des cadres supérieurs et dirigeants de France Télécom un discours pour le moins musclé : « En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte », avait-il lâché. Son avocat, Jean Veil, voit plutôt des « maladresses de langage » qui ont fourni l’opportunité de faire un procès fondé sur le harcèlement « qui ne repose sur aucun élément sérieux ». Face aux enquêteurs, France Télécom et certains cadres ont nié l’existence d’objectifs de réduction d’effectifs, évoquant de simples « indications ». Ils ont alors présenté la restructuration comme une opération de sauvetage, sans lien avec la dégradation du climat social. Aux yeux du ministère public, les témoignages et documents internes qui ont été passés au crible montrent le contraire. Les objectifs de mobilités et de réduction des effectifs étaient bien devenus une fin en soi. Quels qu’en furent les moyens pour y parvenir : incitations répétées au départ, mobilités forcées, surcharge ou absence de travail, réorganisations tout azimuts…

Le suicide : une mode ?
A cet égard, l’inspection du travail avait d’ailleurs souligné la brutalité des méthodes managériales pratiquées par France Télécom. Lesquelles qui « ont eu pour effet de porter atteinte à la santé physique et mentale [des salariés] », selon un rapport remis à la justice. Didier Lombard avait quitté la direction opérationnelle du groupe en mars 2010, fragilisé par le scandale et une « énorme bourde », de son propre aveu, lorsqu’il avait évoqué « une mode du suicide ».

Erick Haehnsen

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