Pas d’accalmie pour les artisans du bâtiment et des travaux publics (BTP) ! Au contraire même. Malgré les mesures qui ont été prises par le Compte pénibilité, leurs conditions de travail continueraient à se dégrader sévèrement. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : 60% des artisans du BTP travaillent plus de 50 heures par semaine. A l’origine de ce constat, la 3ème édition du baromètre ARTI Santé BTP, publiée ce 9 mars par la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Chambre nationale des artisans des travaux publics, des paysagistes (CNATP) et le pôle d’innovation de l’artisanat et des petites entreprises (Iris-ST).
Entre rythme de travail exténuant et stress
Premier facteur préoccupant, les artisans sont soumis à des rythmes de travail qui peuvent difficilement se concilier à une vie paisible. D’ailleurs, sur les 2.336 interrogés, 59% se voient obligés de travailler durant le week-end, contre 55% en 2014. En résulte un stress intense et beaucoup de fatigue, surtout pour ces petites entreprises qui peinent à acquérir de la visibilité sur l’avenir pour 47% des interrogés. Quant à la possibilité de passer du temps en famille, les moments se raréfient : 87% déplorent le fait que leur vie professionnelle déborde sur leur vie personnelle, tandis que 79% considèrent que leur activité ne leur permet pas de fréquenter leur entourage autant qu’ils le souhaiteraient. Ce rythme de travail soutenu s’explique par une progression de l’activité pour 51 % des sondés en 2016. Une bonne nouvelle, certes, toutefois, cela « ne suffit à pas compenser les effets d’un stress persistant », remarque l’étude. Sachant que les chefs d’entreprise artisanale sont 58% à déclarer qu’ils sont souvent, voire très souvent stressés (contre 53% en 2015). En cause, des charges administratives pesantes et laborieuses, pour ne pas dire incompréhensibles pour 52% d’entre eux mais aussi des charges de travail accablantes pour 48% des sondés.
L’isolement progressif
Au fur et à mesure que la charge de travail s’alourdit, émerge un sentiment de solitude prégnant. Un artisan sur deux sent d’ailleurs avoir besoin de plus de soutien. Sentiment d’isolement, stress, fatigue, manque de visibilité, culpabilisation… en 2016, 36% des interrogés se sont sentis à la limite du burn-out ! « L’artisan est un chef d’entreprise qui se doit d’être rassurant auprès de ses salariés, clients, fournisseurs, partenaires, banquiers, assureurs… Cette responsabilité constante devient facteur de stress alors que [l’artisan] vit constamment dans l’incertitude : problèmes de trésorerie, manque de visibilité sur l’activité, pression administrative, rythme soutenu du travail. Il en découle un état de fatigue physique et psychique qui, pour certains, conduit au burn-out. Pour d’autres, cela engendre des problèmes qui ont une répercussion sur leur vie personnelle et familiale, ce qui est encore accentué quand on travaille en famille », commente Françoise Despret, présidente de la CNATP.
Déclin de l’état de santé
Autre facteur qui a de quoi noircir encore plus le tableau, l’étude dénonce « une dégradation inquiétante de l’état de santé aggravée par un suivi médical inexistant ». Si 71 % estiment être en bonne santé (fierté exige !), ce chiffre représente tout de même une baisse de 9 points par rapport à la précédente étude publiée il y a deux ans. D’ailleurs, 70% d’entre eux souffrent tout de même de douleurs musculaires ou articulaires, tandis que 56% présentent les signes d’une fatigue importante et 74% de troubles du sommeil. Autre phénomène, 52% ne consultent un médecin qu’en de très rares occasions. Par manque de temps pour 51% mais aussi par un manque de vigilance, une méconnaissance de son propre corps. « Le premier enseignement que je perçois de cette étude est le faible suivi médical des chefs d’entreprises artisanales. Il nous faut accompagner en cela le dirigeant qui, pris par le temps et par l’activité de son entreprise, oublie de prendre soin de lui, tandis que des pathologies non détectées prospèrent », rappelle Patrick Liébus, président de la Capeb.
Ségolène Kahn
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