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Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Smart & Safe City : les avancées et les blocages

La ville intelligente sera sûre ou ne sera pas. Dans le cadre des Université de l’AN2V (22 et 23 janvier à Lyon), experts et élus ont témoigné de leurs expériences sur le terrain de la vidéoprotection et de l’intelligence artificielle. Sans oublier le respect de l’homme et du citoyen.

Avec l’essor du Big Data et de l’Intelligence artificielle (IA), il apparaît de plus en plus clairement que « Smart City » doit rimer avec « Safe City ». Tel a été, du moins, le constat dressé par les élus et experts de la conférence « Smart City & Safe City : quelles nouvelles perspectives ? » qui s’est déroulée lors de la cinquième édition des Universités de l’AN2V (Association nationale de la vidéoprotection) qui se sont tenues ces 22 et 23 janvier à Lyon. En introduction, Georges Fénech, député honoraire et ancien magistrat, président de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015, a donné le ton : « La meilleure des préventions reste la certitude de la répression. » Pour sa part, Laurent Rochette, directeur des opérations du syndicat mixte ouvert Yvelines numériques estime que « la Smart City ne peut être dissociée de la Safe City . » En clair, il convient de fusionner les deux concepts et de parler de Smart & Safe City.Marseille met la ville sûre au cœur de la ville intelligente
Reste que la Smart & Safe City se base sur la technologie. Et les élus le comprennent bien. « J’ai demandé de faire du Big Data et de l’Intelligence artificielle pour que « la ville sûre » soit au cœur de la « ville intelligente », témoigne Caroline Pozmentier-Sportich, adjointe au maire de Marseille, déléguée à la sécurité et à la prévention de la délinquance et vice-présidente de la région PACA qui a fait installer 1 000 caméras de vidéoprotection et développer un centre de supervision urbain de dernière génération avec, entre autres, Snef, Orange et Numericable. Trop longtemps, les problématiques locales de sécurité ont été vues depuis Paris. À présent, nous menons des expérimentations, par exemple, avec la SNCF et les écoles pour traiter les images vidéo. » 
Bref, la Smart & Safe City est une affaire de politique locale. « En matière de sécurité, les maires sont en première ligne. Ils doivent mettre en place des solutions sur trois ans qui auront des effets sur vingt ans. Cela passe par de l’audace, des partenariats et des investissements, reprend Caroline Pozmentier-Sportich. Notamment en demandant des financements auprès du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) ainsi que des fonds européens, notamment pour financer les applications de Big Data dans la sécurité. » Baptisé « Big Data de la tranquillité publique », le projet marseillais porte sur la prévention de la délinquance grâce aux technologies prédictives de l’IA.

Caroline Pozmentier-Sportich, adjointe au maire de Marseille, déléguée à la sécurité et à la prévention de la délinquance
et vice-présidente de la région PACA. © TCA-innov24
Caroline Pozmentier-Sportich, adjointe au maire de Marseille, déléguée à la sécurité et à la prévention de la délinquance
et vice-présidente de la région PACA. © TCA-innov24

S’appuyer d’abord sur un réseau très haut débit
Une chose est sûre : chaque projet doit s’adapter à son territoire et réclame de développer une co-intelligence avec partenaires et institutions. Avec 12,4 million d’habitants et 262 communes, le département des Yvelines est disparate : urbain au nord-est et rural au centre et à l’ouest. « Nous développons des projets de plates-formes de services numériques mutualisées pour l’éducation, la vidéoprotection et l’Internet des Objets (IoT), précise Laurent Rochette d’Yvelines numériques. Mais rien ne serait possible sans le réseau d’infrastructure très haut débit (THD) en fibre optique qui relie 68 zones d’activités, 3.000 entreprises et près de 400 sites publics locaux. » Soit 500.000 prises dans les zones denses (104 communes) et 100.000 prises dans les zones peu denses ou rurales (158 communes). Par ailleurs, les images près de 1 000 caméras, en cours d’installation dans les bâtiments publics, seront traitées, notamment avec de l’intelligence artificielle, dans un centre départemental de vidéoprotection. 

L’avantage des petites villes
« La Smart & Safe City a besoin de coordonner l’énergie, mobilité, logistique de distribution urbaine, gestion des déchets, sécurité, souligne Thierry Vinçon, chargé de mission à la Délégation ministérielle aux industries de sécurité et à la lutte contre les cybermenaces (DMISC) et élu de Saint-Amand-Monrond (Cher), une commune de 10.000 habitants. Il ne se passe grand-chose chez nous. Et nos « clients » sont toujours les mêmes. Lorsqu’ils sont sous les verrous, le taux de délinquance chute tout de suite. Surtout depuis 2010 où nous avons créé un réseau commun de vidéoprotection avec extraction intelligente des images. Notre « retour sur investissement » s’est fait en trois ans. »

Laurent Rochette, directeur des opérations d’Yvelines
numériques. © TCA-innov24
Laurent Rochette, directeur des opérations d’Yvelines
numériques. © TCA-innov24

Casser les silos
Cependant, derrière les réussites, il y a des freins, des lourdeurs, des difficultés. « Dans le contexte de la Smart & Safe City, on parle de bâtiments et de territoires connectés mais, du point de vue de l’organisation, les structures continuent de fonctionner en silos, analyse Emmanuel François, président de la Smart Building Alliance for Smart Cities (220 acteurs) qui a signé une convention de collaboration avec l’AN2V. À l’heure où nos concitoyens sont informés en temps réel de tout, de la qualité de l’air ou des ondes, il devient indispensable de casser ces silos et de créer des écosystèmes vertueux pour les territoires connectés. » Pas si simple. « D’autant que la mise en interopérabilité des réseaux de la ville sûre et intelligente rend la sécurité des systèmes de plus en plus exposée aux cybermenaces », estime Dominique Legrand, président de l’AN2V. Dans cette optique, la SBA développe le label Ready2Services (R2S) qui constitue un cadre de référence à la fois pour favoriser les écosystèmes et pour développer la sécurité. Basé sur une charte éthique, notamment dans le cadre d’un management responsable, R2S vise à utiliser la capacité de la connectivité des bâtiments pour développer des services, à mettre en relation les équipements, les réseaux et les services, à assurer la circulation des données dans les bâtiments et à l’extérieur et, bien sûr, à sécuriser les systèmes et protéger les données.

Éviter le danger de Big Brother 
Pour le citoyen, la Smart & Safe City ne doit pas être synonyme de prison numérique à ciel ouvert. D’autant que l’accélération de l’innovation technologique ne cesse d’augmenter le risque. « Au dernier CES de Las Vegas, Intel exposait des puces neuronales, notamment pour la reconnaissance faciale, et même un ordinateur quantique ! L’argument consistait à dire : Nous sommes là pour palier la déficience humaine », soulève Emmanuel François. Ce qui pose la question de la place de l’Homme dans la société. Mais d’autres dangers pointent : « En Chine, le citoyen peut être verbalisé automatiquement quand il traverse une rue en dehors de clous ! », poursuit le président de la SBA. 
Face à ces dangers, Caroline Pozmentier-Sportich se montre plus optimiste : « Derrière le numérique, il y a la croissance économique, de la formation, de nouveaux métiers. Et c’est tant mieux. Il faut créer ces nouveaux écosystèmes en commençant par l’éducation pour faire de la France une véritable Start-up Nation. C’est en étant visible que l’écosystème numérique créera la confiance. » Le débat est loin d’être clos.

Erick Haehnsen

Emmanuel François, président de la Smart Building Alliance
for Smart Cities. © TCA-innov24
Emmanuel François, président de la Smart Building Alliance
for Smart Cities. © TCA-innov24

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