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Santé au travail : quelles sont les nouvelles valeurs limites d’exposition de l’Anses ?

L'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire (Anses) a redéfini en juillet dernier les valeurs limites d'exposition professionnelle six substances chimiques utilisées en milieu professionnel.

Trichloroéthylène, di-n-butylphtalate, butylbenzyl-phtalate, 2-éthoxyéthanol, acétate de 2-éthoxyéthyle, n-butanol… ces six substances chimiques potentiellement retrouvées dans un contexte professionnel devraient voir leurs valeurs limites d’exposition (VLEP) augmenter. En cause, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié en juillet dernier ses nouvelles recommandations en ce qui concerne l’utilisation de ces substances. De peur qu’elles n’échappent à nos lecteurs, nous en faisons aujourd’hui état dans ces colonnes.

L’utilisation décroissante du TCE
En ce qui concerne le trichloroéthylène (TCE), les préoccupations sont moins élevées. Principalement utilisé comme solvant ou intermédiaire réactionnel, cette substance a vu son utilisation baisser au fil des années. « Il semble que le nombre de salariés exposés au TCE ait été divisé par 3 entre 2003 et 2010, passant de 153.600 à 59.100, grâce à l’utilisation de produits de substitution tels que les produits lessiviels employés comme dégraissants », précise l’Anses.

Les solvants plastifiants au coeur des inquiétudes
A l’opposé, le di-n-butylphtalate (DnBP), utilisé comme plastifiant, est largement présent dans l’industrie française. On dénombre ainsi 42 secteurs d’activités qui ont recours à cette substance. Parmi les utilisations les plus fréquentes, ce plastifiant se retrouve dans les résines, les polymères ou encore les encres d’impression pour l’industrie du papier. Cette substance est également présente dans les adhésifs, les mastics, les enduits, les peintures à la nitrocellulose (notamment dans l’automobile et pour les meubles), les revêtements et les fibres de verre. En d’autres termes, cette substance aux effets reprotoxiques se retrouve à peu près partout ! Pour limiter l’utilisation de cette substance nocive, l’agence préconise de réduire le seuil indiqué dans une circulaire de 1987 de 5 mg/m3 à 2 mg/m3 pour une période de 8 heures.
Autre substance aux effets reprotoxique, le butylbenzyl-phtalate (BBzP) entre dans la composition de la plupart des colles, vernis, peintures, mastics et encres. Utilisée également comme agent de plastification, cette substance sert également à la production de PVC et certains polymères (revêtements de sol, emballages alimentaires, peintures plastiques, etc.). Le plus étonnant, face à cette substance, est qu’il n’existe pas aujourd’hui de valeur limite d’exposition. Pour combler cette lacune, l’Anses recommande que sa VLEP-8h ne dépasse pas les 13 mg/m3.

Des valeurs limites biologiques pour certaines substances
En ce qui concerne les substances telles que le chrome hexavalent, l’acrylamide, le di-n-butylphtalate ainsi que le benzylbutyl-phtalate, l’Anses a également défini des valeurs limites biologiques (VLB) ainsi que des valeurs biologiques de référence (VBR). Par exemple, en ce qui concerne les activités de chromage, l’agence considère que la VLB du chrome urinaire ne doit pas être supérieure à 2,5 µg/L pour une exposition de 8h ainsi que de 0,65 µg/L pour une exposition au chrome hexavalent. Du côté de l’acrylamide, l’agence préconise une VBR pour les complexes formés de l’acrylamide et d’hémoglobine (mesurés dans le sang) de 85 pmol/g de globine pour les non-fumeurs et de 285 pmol/g (picomole/g) de globine pour les fumeurs. De même pour le mono-n-butylphtalate (MnBP) urinaire, la VBR ne devrait pas dépasser 70 μg/L ou 50 µg/g de créatinine. Enfin, pour suivre le butylbenzyl-phtalate, elle préconise une VBR pour le mono-benzylphtalate (MBzP) urinaire de 40 μg.L-1 (ou 30 µg.g-1 de créatinine).

Trop de tolérance pour l’EGEE ?
En ce qui concerne le 2-éthoxyéthanol (EGEE), utilisé comme produit chimique de laboratoire ou intermédiaire de synthèse, l’Anses estime que son utilisation n’a pas été suffisamment encadrée. « L’inventaire des agents chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de 2005 de l’institut national de recherche et de sécurité (INRS) indique une consommation estimée très faible voire nulle pour l’EGEE suite à la mise en œuvre en France d’une politique de substitution très active des éthers de glycol reprotoxiques », indique le rapport. Enfin, l’acétate de 2-éthoxyéthyle (EGEEA), qui est une substance pré-enregistrée mais pas enregistrée dans le cadre du règlement européen Reach, voit sa valeur limite d’exposition également modifiée. En effet, l’Agence recommande de réduire la précédente valeur de 1 ppm (partie par million), fixée par le décret de 2012, à 2 ppm pour la VLEP-8h afin de prévenir de leur hématoxicité.

Substituer les substances
Mais pour l’agence, « la substitution des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction par des substances ou des procédés moins nocifs est une démarche prioritaire pour la prévention du risque chimique sur les lieux de travail en France. » Elle appelle également à ce que ces travaux se poursuivent par le développement de valeurs biologiques pouvant être utilisées dans le cadre de la surveillance biologique des expositions en milieu professionnel. « Ces valeurs viendraient ainsi compléter le dispositif réglementaire français de prévention du risque chimique sur les lieux de travail. » En conclusion, les recommandations de l’Agence ont désormais vocation à être discutées au sein des instances paritaires du ministère chargé du travail en vue de la fixation de valeurs limites d’expositions professionnelles réglementaires.

Ségolène Kahn

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