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Risques industriels et environnementaux

Romain Canler (FFMI) : « DAAF : les habitations sont équipées seulement à hauteur de 10% à 12% »

Avant le 9 mars 2015, plus de 37 millions de logements privés français auront dû s’équiper en détecteurs de fumée et tous les immeubles d’habitation ou de travail auront dû recenser et remplacer leurs détecteurs ioniques radioactifs. Deux obligations qui feront exploser le marché, mais aussi le risque de malversations, s’inquiète la FFMI.

Avec 20 ans de retard sur ses voisins, la France oblige son habitat privé à s’équiper en Détecteurs avertisseurs autonomes de fumée (DAAF). Pour le 9 mars 2015, ce sont plus de 37 millions de logements dont les propriétaires auront dû faire installer un DAAF dans une pièce principale. Une situation d’urgence incompréhensible quand on sait que la loi sur les détecteurs de fumée est parue en mars 2010 et son décret en mars 2011. L’arrêté fixant la date-butoir d’installation des détecteurs a, lui, été différé jusque début 2013. Peut-être ce retard est-il dû au fait qu’avec ses nuances privé/public, la réglementation sur les habitations est complexe à gérer.

600 à 1.200 morts par an. A cet égard, Romain Canler, délégué général de la Fédération française des métiers de l’incendie (FFMI), remarque : « Une partie des habitations antérieures à 1986 présente un déficit important de sécurité incendie et concentre 90% des 600 à 1.200 morts par le feu comptabilisées chaque année par les pompiers ou par l’Association des brûlés de France. S’ajoutent à cela 10 000 à 12 000 blessés. Au Royaume-Uni, en Suède, au Canada, et dans plusieurs États américains ou Länder allemands, cela fait près de deux décennies que l’obligation d’équipement des logements en DAAF est appliquée et elle a divisé par deux la mortalité. En 20 ans, la France aurait ainsi évité plusieurs milliers de décès. Mais l’information auprès du public est faible. Les habitations sont équipées seulement à hauteur de 10% à 12%. »

Souci d’approvisionnement. Une chose est sûre : étant donné le nombre énorme de logements à équiper en peu de temps, on peut s’attendre à une raréfaction de la disponibilité des DAAF chez les distributeurs. « Entre la fin 2014 et le début 2015, ce sera le rush. Du coup, les particuliers risquent d’acheter n’importe quoi, s’inquiète Romain Canler. A ce sujet, le Syndicat de la sécurité incendie domestique (Gifsid) [adhérent à la FFMI, NDLR], recommande d’acheter des DAAF disposant d’une marque volontaire de qualité, telle que la marque NF, en plus du marquage CE obligatoire. » Peu scrupuleux, certains producteurs pourraient en profiter de ce rush pour abuser de l’ignorance de leurs clients. Face à ce risque de tromperie, le Gifsid appuie depuis plusieurs années l’action de la DGCCRF qui réalise de nombreux contrôles de détecteurs mis sur le marché pour faire retirer les produits non-conformes et dangereux.

Fin des détecteurs ioniques. Hasard du calendrier, cette tâche se complique d’une seconde actualité réglementaire importante : avant le 31 décembre 2014, l’ensemble des installations comportant des détecteurs ioniques devront être recensées : « Ces équipements sont installés dans des systèmes de sécurité incendie d’établissement de travail ou recevant du public, explique Romain Canler. Ils contiennent une source radioactive de faible intensité, de l’américium 241 le plus souvent) qui peut présenter un risque pour l’environnement et la santé si ces détecteurs sont démontés puis abandonnés. Les exploitants de bâtiments doivent donc commencer par les recenser. Ensuite, ils auront jusqu’au 18 novembre 2017 pour les faire remplacer par d’autres détecteurs. Ce délai peut aller jusqu’au 18 novembre 2021 si un plan de migration a été validé par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En effet, seuls les professionnels reconnus par l’ASN sont autorisés à intervenir sur ces détecteurs et à décharger les exploitants de leur responsabilité. Pour permettre aux détenteurs de détecteurs ioniques d’identifier les professionnels respectueux de la réglementation (et compétents en matière de sécurité incendie), les 4 syndicats professionnels concernés ont créé le label Qualdion. »
A savoir le Groupement français des industries électroniques de sécurité incendie (Gesi), le Syndicat des entreprises de génie électrique (Serce), la Fédération française des entreprises de génie électrique et énergétique (FFIE) et le Syndicat français des professionnels SVDI (Sécurité, voix, données, images et réseaux de communication). La FFMI recommande de faire appel aux prestataires possédant ce label. En revanche, cette sage précaution voit son application limitée par la mèche déjà allumée du compte-à-rebours alors que plusieurs millions de détecteurs ioniques sont concernés.

Michel Grinand

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