Gérer les risques
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Risques industriels et environnementaux

Risque foudre : comment sortir de ce maquis ?

Lobbying des fabricants de paratonnerres, norme français inopportune, conflits d’intérêts... deux experts dénoncent les dysfonctionnements de la filière du risque foudre. Ils plaident en faveur de de la norme européenne EN 62305. Et pour une structuration plus éthique de la filière.

Alors que 40,4% des départs d’incendie sont dus à la foudre, selon une étude 2006 de l’INRS, l’organisme de référence dans la prévention des risques professionnels, le monde des bureaux d’études spécialisés dans le risque foudre est en pleine ébullition. En clair, on fait beaucoup de reproches au paratonnerre. « Prenez un beau catalogue de paratonnerres avec une belle référence, par exemple sur le Stade de France, et vous les vendrez assez facilement. Une fois posés, impossible de les tester. Comment alors savoir s’ils sont vraiment efficaces après quelques années ? », soulève Raymond Goiffon, fondateur du cabinet Expert Foudre Formation.
Selon l’expert, la France se trompe de problème : « Dans la protection contre le risque foudre, le paratonnerre – qui s’installe sur les toits – est secondaire. Le plus important, c’est le parafoudre – qui se pose au niveau des armoires de distribution électrique. En revanche, pour installer un parafoudre, il faut généralement couper l’alimentation électrique du site, donc arrêter la production…, estime, pour sa part, Gérard Schrepper, fondateur du bureau d’études en risque foudre GS Ing, lequel a réalisé récemment une étude durant 4 ans sur le risque foudre global de la ville de Dijon. Et ce, d’autant que les réseaux électriques sont de plus en plus complexes et sensibles. Notamment en raison de la multiplication des réseaux de courants faibles : ADSL, Ethernet, vidéosurveillances, détecteurs de risque feu ou systèmes de sécurité… Or ces réseaux démultiplient le risque foudre. »

Paratonnerre : une trop belle image. Et Raymond Goiffon d’enfoncer le cou : « Dans les années 50, les paratonnerres radioactifs se sont imposés sur le marché. Il y en a encore plusieurs dizaines de milliers sur nos toits. Depuis 1986, ils sont remplacés par les PDA (Paratonnerres à dispositifs d’amorçage) qui embarquent un module électronique servant à créer un champ électrique préférentiel à l’approche d’un orage. Ces équipements fonctionnent correctement en laboratoire. Une fois installés, la question persiste : les paratonnerres sont-ils réellement efficaces sur le moyen terme ? On peut très difficilement savoir sans les tester in situ. Or plus de 500 000 PDA sont en place aujourd’hui. » 

Que font nos voisins européens ? « En Allemagne et dans les pays anglo-saxons, les investissements dans la protection du risque foudre portent à 80% sur les parafoudres et à 20% sur les paratonnerres. En France, c’est le contraire. Est-ce à cause du lobby des fabricants de paratonnerres alors que tous des fabricants de parafoudres sont étrangers ? », s’interroge le fondateur de Expert Foudre Formation.

Privilégier la norme européenne. Morale de l’histoire : il faudrait laisser la prescription aux seuls bureaux d’études indépendants en prévention et protection du risque foudre foudre. « Malheureusement, sur ce terrain, il y a des conflits d’intérêt : les installateurs font des études de prescription, les fabricants de paratonnerres ont leurs réseaux d’installateurs, les organismes de contrôle font de la prescription déguisée malgré l’interdiction (selon la loi Spinetta)… On nage en pleine confusion des genres »,reprend Gérard Schrepper qui en profite également pour dénoncer la norme française, NF 17 102, applicable en France. « Cette norme privilégie le paratonnerre. On se perd en conjectures quant à son utilité éventuelle ! D’autant qu’il existe une norme au niveau européen, la norme EN 62305 qui est à la fois globale et complète », commente Raymond Goiffon. 

Partant du constat qu’il existe aujourd’hui 500 professionnels compétents dans la prévention et la protection du risque foudre, les deux experts estiment que la profession mériterait enfin d’être structurée en fonction de la séparation des natures de métiers : installateurs, fabricants, bureaux d’études, organismes de contrôle, organismes qualificateurs… A cet égard, OPQIBI propose depuis plusieurs années l’unique certification destinée exclusivement aux bureaux d’études et d’ingénierie. Surtout celle-ci comportent une année probatoire pour les nouveaux adhérents volontaires.

 Erick Haehnsen

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