Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Renforcer la sécurité des établissements de santé : un enjeu complexe

Cibles symboliques d’attentats terroristes potentiels, les établissements sanitaires et sociaux doivent être particulièrement bien protégés, sans entraver leur bon fonctionnement. Depuis 2016, le ministère de la Santé impose à chaque structure de mettre en place un Plan de sécurisation des établissements, qui s’adapte à chaque problématique, afin de renforcer la sécurité des personnes, des biens et des informations.

« Dans le contexte actuel de menace terroriste, il est vital de renforcer la sécurité dans le secteur de la santé, dont les établissements hospitaliers constituent des cibles symboliques particulièrement vulnérables », peut-on lire sur le site de l’Agence régionale de santé (ARS). En 2017, l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) a recensé 30 255 atteintes aux personnes, dont 218 relevaient du niveau 4, le plus élevé : violence avec arme, viol, séquestration, prise d’otages ou autres faits qualifiés de crimes. Au niveau du ministère de la Santé, le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité anime et coordonne la politique en matière de défense, de vigilance, de prévention de crise et de situation d’urgence. Il s’appuie sur un réseau de correspondants, dont les ARS.
Un plan d’action interministériel relatif à la sécurisation des établissements de santé est ainsi mis en œuvre depuis novembre 2016. « Il s’agit de répondre à des problématiques de violence et de délinquance qui touchent les structures de santé : agressions verbales, physiques, viols… Mais, à l’heure actuelle, nous prenons aussi en compte le risque terroriste au sein de l’établissement, comme l’année dernière à San Bernardino (Californie). Il existe aussi des risques de sur-attentat à proximité d’établissement de santé », explique Arnaud Martin, Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS). L’objectif est donc clair : tout en préservant la qualité de l’offre de soins, il est nécessaire de développer une culture permanente de vigilance et de sûreté chez les professionnels de la santé, afin qu’ils participent à l’effort de sécurité globale.

Le PSE, au cas par cas

Le plan concerne 3 500 établissements, des plus grands groupes hospitaliers aux simples centres de soin. « La démarche commence par établir un audit de sécurité au sein de chaque établissement en lien, si possible avec les référents sûreté de police ou de gendarmerie qui ont pour mission d’apporter un appui méthodologique, précise Arnaud Martin. En parallèle, le ministère de la Santé a dégagé une enveloppe de 75 millions d’euros, soit 25 millions par an. Les ARS sont en charge de mettre en œuvre cet accompagnement financier en fonction des projets des établissements. »
Suite à cet état des lieux, un plan de sécurisation des établissements (PSE) doit être mis en place, au cas par cas, intégrant la menace terroriste, dans le cadre d’une politique globale et durable de sécurité, permettant d’adapter chaque structure à la réalité de son environnement. Les établissements sanitaires et sociaux font ainsi face à plusieurs difficultés pour sécuriser leurs bâtiments. « Par définition, un hôpital est un lieu d’accueil du public, il est quasiment impossible de le sécuriser comme on sécurise une banque, souligne Patrice Knuchel, responsable du service sécurité incendie au Centre hospitalier Bretagne Atlantique et vice-président de l’Association des chargés de sécurité en établissements de soins (ACSES). Il est donc délicat de concilier des mesures de sécurisation tout en maintenant une liberté d’aller et venir. »
Plusieurs types de mesures pourront cependant être mises en place. « D’un point de vue organisationnel, il s’agit de renforcer les équipes de sûreté chargées de surveiller les entrées, ajoute Patrice Knuchel. Les établissements disposant de moins de moyens pourront appeler à la vigilance tout le personnel, agents et soignants, pour détecter toute anomalie. Côté technique, le PSE sera l’occasion d’améliorer les méthodes de surveillance et de contrôle d’accès. Enfin, la formation des personnels est essentielle pour montrer la conduite à tenir en cas d’attaque terroriste : si possible une évacuation, sinon un confinement. »

Patrice Knuchel, responsable du service sécurité incendie
au Centre hospitalier Bretagne Atlantique et vice-président
de l'Association des chargés de sécurité en établissements
de soins (ACSES). D.R.
Patrice Knuchel, responsable du service sécurité incendie
au Centre hospitalier Bretagne Atlantique et vice-président
de l’Association des chargés de sécurité en établissements
de soins (ACSES). D.R.

Renforcer la vidéosurveillance et le contrôle d’accès

L’hôpital est une cible symbolique pour une attaque terroriste, car susceptible de générer un impact médiatique colossal. Outre l’attentat direct, les professionnels craignent surtout le risque de sur-attentat. « Une intoxication de masse avec des produits neurotoxiques dans un lieu public tel qu’un stade de football par exemple, pour créer un afflux vers l’hôpital, puis cibler l’établissement, précise Patrice Knuchel. C’est un scénario crédible, même si nous n’avons pas d’idée précise sur le mode opératoire, c’est pourquoi nous balayons large. » Au centre hospitalier Bretagne Atlantique, par exemple, des obstacles physiques ont été posés devant les entrées principales pour éviter les voitures béliers et des barrières près des entrées secondaires.
Si le CH Bretagne Atlantique gère cette problématique en interne, d’autres structures ont fait le choix de recourir à des sociétés externes. C’est le cas de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui investit 30 millions d’euros sur trois ans pour renforcer sa sécurité. « L’organisation de l’AP-HP est déconcentrée, déclare Arnaud Poupard, conseiller sécurité de l’AP-HP. L’échelon central oriente la politique et coordonne l’action des groupes hospitaliers. Dans tous les sites, un chargé de sécurité, ancien policier, ancien gendarme ou à profil universitaire, gère cet aspect. Ensuite, il existe une dizaine de marchés de sous-traitance différents pour les entreprises de sécurité. » L’AP-HP a, par ailleurs, créé un accord-cadre qui couvre l’ensemble de ces marchés et prévoit un niveau d’exigence élevé, avec des pénalités financières en cas d’événements négatifs, par exemple un retard à la prise de poste. Ces agents sont postés dans des endroits stratégiques comme les entrées ou les services d’accueil. Ils patrouillent selon les problématiques de l’hôpital.
« L’idée, c’est d’adapter les mesures de sécurisation aux besoins de l’établissement, confirme Arnaud Poupard. Sur l’un de nos hôpitaux, la clôture mesurant 1 mètre de haut est trop aisément franchissable. Nous la rehaussons donc cette année à 2,50 mètres. » Ce plan d’action est aussi l’occasion pour l’AP-HP de renforcer de 40% la vidéoprotection sur trois ans, même à l’intérieur des services de soin. Les mesures sont réalisées en coordination avec les soignants. L’AP-HP s’apprête également à expérimenter l’analyse intelligente des images. « A notre connaissance, il n’y a pas actuellement de telle solution déployée ou expérimentée et adaptée spécifiquement aux besoins des hôpitaux, comme par exemple nous aider à retrouver un patient disparu à l’intérieur de nos locaux », précise le conseiller sécurité.

Caroline Albenois

Arnaud Poupard est le conseiller sécurité de l’AP-HP.
© AP-HP
Arnaud Poupard est le conseiller sécurité de l’AP-HP.
© AP-HP

Un cycle de conférences dédié, à l’occasion d’Expoprotection 2018

Dans le cadre de la 27e édition du salon Expoprotection, du 6 au 8 novembre prochain, un cycle de conférences sera consacré à la sécurité en milieu hospitalier. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS), le RAID (unité d’élite Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion) ainsi que le général Arnaud Martin, Haut fonctionnaire de Défense et de Sécurité, compteront parmi les intervenants. Ils aborderont notamment la question de la protection des établissements de santé, l’anticipation, la stratégie dans la réponse à l’agression, la reprise de l’activité prioritaire, ou encore la notion de point de rupture.

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