Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Protection des voies respiratoires | Un arsenal de réponses pour des menaces multiples

Pollution radioactive, exposition à des gaz dangereux ou simple présence de poussières dangereuses dans l'air... la protection des voies respiratoires est un problème contre lequel des solutions existent à plusieurs niveaux. De la protection collective à l’équipement de protection individuelle.

Les experts le rappellent : le code du travail impose aux entreprises de privilégier les protections collectives avant d’envisager la protection individuelle. Il est conseillé, par exemple, d’installer un système de ventilation dans les locaux à risques : atelier, garage, cabines de peintures, etc. Deux types de systèmes existent : ventilation locale ou général.
« La ventilation locale vise à aspirer les polluants à la source », lance Emmanuel Marteau, ingénieur conseil à la Caisse régional d’assurance maladie d’Ile-de-France (Cramif). « Pour ce faire, des capteurs de poussières sont installés au plus près des machines. » Par exemple, des fers à souder aspirants qui absorbe la fumée générée par l’activité de soudure. Très spécifiques, donc chers, ces équipements sont parfois remplacés par un simple bras aspirant que l’ouvrier positionne au dessus de son poste de travail. « Le problème, c’est que ce type d’équipement est installé en hauteur et donc éloigné de la zone d’émission », note l’ingénieur. « Du coup, il faut les compléter avec un système de ventilation générale. » Lequel ressemble aux VMC qui équipent les cuisines des particuliers. Adaptée à l’industrie, cette ventilation extrait l’air vicié via un extracteur en forme de U caractéristique situé en toiture. Puis elle réintroduit de l’air neuf dans l’environnement de travail. Une fois que tout est en place, les EPI complètent cette protection afin de filtrer les poussières, gaz ou et autres émanations résiduelles.

Filtration des aérosols

Première menace : les poussières, particules et fibres, qui appartiennent à la famille des « aérosols ». Inodores, incolores et donc quasiment indétectables, ils provoquent notamment des allergies et des maladies respiratoires de type asthme, toux, œdème, etc. La parade consiste à se munir d’un masque filtrant, de type FFP. « Électrostatiques, ils attirent et bloquent les poussières indésirables », explique Linda Kräutle, responsable des équipements filtrants cher Dräger Safety France, fabricant d’EPI. Deux familles existent : les masques complets, qui protègent tout le visage et sont dotés de filtres antipoussière directement vissés sur l’équipement. Et les demi-masques jetables : munis d’un filtre intégré, ils se contentent de recouvrir la bouche et le nez de leur utilisateur et ne peuvent servir qu’une seule fois pour une durée d’utilisation totale généralement fixée à huit heures. Ce qui correspond à la durée de travail quotidienne d’un ouvrier sur un chantier. Citons, en outre, l’existence de masques réutilisables, qui ont la particularité de pouvoir être portés toute la semaine… mais toujours dans la limite de huit heures d’utilisation maximum. Détail important : si l’utilisateur n’est pas rasé de près, des particules peuvent s’infiltrer à l’intérieur des masques. Du coup, certains préconisent, à la place, l’utilisation d’une cagoule de protection. « Plus englobante, elle ne laisse rien passer », explique Daniel Boivin, gérant de Respirex, qui fabrique notamment ce type d’équipement de protection individuelle.

Filtrer les moisissures des saucissons
Dans l’industrie agroalimentaire, sont parfois mie en œuvre des flores qui servent à fermenter le produit, afin de lui donner un goût. Par exemple, au cours de la fabrication de saucisson, celui-ci est trempé dans un bac de moisissures. Du coup, à la sortie, le saucisson en est recouvert et, une fois sec, les employés doivent brosser le saucisson… Un poste à risque : « Lors du brossage, des particules très légères peuvent être transportées partout dans l’atelier, explique Isabelle Balty, expert en risques biologiques à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Elles sont invisibles, inodores et n’ont même pas de goût… »
Il faut donc porter des masques antipoussière, dont l’épaisseur s’adapte à la taille des particules à filtrer. « Les masques les plus fins sont de type FFP1 [Filtering Facepiece Particles – pièce faciale filtrante contre les particules, en français NDLR]. Ils bloquent 80 % des aérosols en suspension dans l’air », souligne Laurence Thimonier, responsable marketing chez Valmy, le seul fabricant français de masques de protection respiratoire. « Deux autres modèles existent, FFP2 et FFP3. Plus épais, ils arrêtent respectivement 94 et 99 % des particules. »

Filtration des gaz

Seconde menace : les émanations chimiques, de types gaz et vapeurs. Là encore, la protection consiste à équiper son masque du filtre adéquat. Concrètement il s’agit d’une cartouche dans laquelle sont disposés des granules de charbon actif, sorte de grains de sable noirs. Chaque granule fixe une molécule de gaz qui pénètre dans le filtre. « Lorsque chaque molécule a été bloquée, le filtre à charbon actif est dit  »saturé ». Cela signifie que la durée de vie du filtre respiratoire est arrivé à son terme et qu’il faut en changer », explique Yohan Morel, chef produit chez MSA, un fabricant d’EPI qui équipe notamment les usines classées dangereuses (Seveso). En revanche, impossible d’évaluer à l’avance leurs durées de vie, ou « temps de claquage » car celui-ci dépend de quatre inconnues : la concentration de gaz en présence, la température, l’humidité du site d’utilisation mais également la consommation du porteur (selon qu’il va effectuer un travail plus ou moins difficile)… « Sur la base de la concentration en présence, les fabricants peuvent toutefois donner une première estimation du temps de saturation de la cartouche », note Linda Kräutle. En pratique, il faut rester vigilant et remplacer l’EPI dès qu’apparaît une odeur, un goût ou une irritation… En outre, pour certains gaz, le pouvoir absorbant du charbon actif ne suffit pas. Il faut alors combiner des filtres chimiques spécifiques afin d’atteindre la protection adéquat. Reste que certaines substances chimiques ne se filtrent pas. « C’est par exemple le cas du Méthane », souligne Yohan Morel.

Les masques chirurgicaux

A l’inverse des masques de type FFP qui visent à protéger leur porteur des agressions de l’extérieur, les masques chirurgicaux fabriqués par Macopharma sont utilisés pour éviter aux médecins et infirmier(e)s dans les hôpitaux de contaminer les malades. A force de tourner le problème dans tous les sens, le fabricant a même réussi à développer un masque qui fonctionne… dans les deux (sens).
Macopharma a même développé une technique de fabrication de masques adapté au visage des enfants. Une technologie qui n’existait… pas. « Jusqu’à présent les enfants étaient condamnés à porter des masques trop grands pour eux , explique Julien Parmentier, responsable de l’activité masque chez Macopharma. « C’était compliqué à mettre en place car la surface utile de respiration du masque est réduite chez eux. »

Filtration des radioéléments

Last but not least, le risque radioactif fait également partie du panel des menaces contre lesquelles les utilisateurs disposent d’une solution. Premier volet de la protection, le NRBC, un filtre emblématique dont le nom (un acronyme) rappelle son utilisation principalement militaires. A savoir, ce seul filtre protège contre quatre types d’armes, à émanation nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. En outre, pour des utilisations encore plus ciblées, il existe des filtres très spécifiques. Le plus connu, le Reactor, est une cartouche générique qui filtre, dans l’air, l’iode radioactive, à savoir un radioélément qui change d’état au fil du temps. D’abord à l’état de particule, il se transforme subitement en gaz. On dit qu’il se  »sublime »… Du coup, le filtre qui lui est dédié intègre une protection à la fois antiparticulaire et antigaz. Autre radioélément qui bénéficie d’un filtre spécifique : le Cesium 137. Attention toutefois : selon le degré de radioactivité présent dans l’air, le filtre souffre beaucoup et peut devenir rapidement obsolète. En plus, ce type de risque implique de protéger non seulement les voies respiratoires, mais tout le corps en général. Notamment les yeux, avec – au moins – un masque complet.

Test des équipements
Un arrêté de 1993 exige que les appareils respiratoires isolants (ARI) soit testés une fois par an par leur propriétaire. S’il ne le fait pas, il court un risque légal. Concrètement, il s’agit de faire passer l’équipement sur un banc de contrôle et de rédiger un rapport de test.

Le confort au cœur de la R&D

Outre la protection, les fabricants des EPI s’intéressent au confort d’utilisation de leurs EPI. Objectif : que les EPI soient agréables à porter afin de lever les réticences de certains utilisateurs (lire encadré). « Nous améliorons le confort des EPI à travers une foule de petits détails », explique Linda Kräutel. « Par exemple, nous étudions nos masques de manière à ce que l’air expiré, qui est chaud et humide, s’échappe facilement. De cette manière, l’utilisateur dispose d’un masque frais et agréable à porter. » Concrètement, le masque est perforé de tous les cotés afin d’éliminer l’air à 360 degrés. D’autres masques ne disposent pas de cette innovation. Dès lors, il faut expirer très fortement pour que l’air chaud s’échappe. En pratique, cela donne un « effet sauna » désagréable.

« En termes de confort, il faut également penser à des paramètres connexes, comme le champ de vision, qui est parfois bloqué par les cartouches filtrantes », explique Wahib Wouazzani, ingénieur chez le fabricant d’équipements respiratoires 3M. « Par exemple, sur l’un de nos masque, surnommé  »la mouche » par les utilisateurs en raison du design des cartouches filtrantes, celles-ci sont presque invisibles. Ce qui dégage la vue. En outre, le poids des cartouches est mieux réparti. » Une autre problématique qui est au cœur de la R&D des fabricants : le confort respiratoire. « Généralement, les fabricants proposent des masques en polypropylène constitués de fibres non-tissées », explique Laurence Thimonier, responsable marketing chez Valmy. « Mais chacun met ensuite en œuvre une recette particulière, gardée secrète… »

Ventilation assistée

Pour faciliter la respiration de ses employés dans des environnements de travail irrespirables, l’entreprise peut également recourir à des systèmes de ventilation assistée. A l’inverse de la ventilation libre, qui engage uniquement la capacité pulmonaire du travailleur, la ventilation assistée est un système qui insuffle de l’air dans le masque afin de soulager les poumons du porteur d’EPI. En pratique, elle se compose d’un masque, ou d’une cagoule, relié par un tuyau à un petit moteur électrique sur lequel des filtres sont vissés, plutôt que d’être vissés directement sur la pièce faciale. « Le moteur est accroché à la ceinture et actionne une turbine », souligne Linda Kräutle. « L’air est ensuite envoyé vers les voies respiratoires du porteur d’EPI. » Il est conseillé de passer en ventilation assistée dès qu’une activité nécessitant la filtration de l’air dépasse l’heure. Coté batteries, elles tiennent généralement huit heures. Attention : cette durée est une moyenne qui s’allonge ou se raccourcit en fonction du rythme avec lequel est sollicité l’EPI. Il faut notamment veiller à réduire le débit d’air envoyé au visage de l’utilisateur car il consomme beaucoup d’énergie…

Adduction d’air

La puissance du débit d’air implique d’autres problèmes. Notamment lorsque l’entreprise fait appel à un système dit « d’adduction d’air ». Principe : l’utilisateur est relié par un tuyau à un compresseur qui extrait l’air depuis l’extérieur. A l’arrivée, l’air est filtré. « Le tout, c’est de ne pas faire plus de mal en voulant protéger… Par exemple, il faut veiller à ce que les circuits chargés de transporter l’air comprimé soit désinfectés régulièrement, car des bactéries peuvent se développer dans les tuyaux et, à terme, c’est la légionellose qui guette ! prévient Thierry Leclerc. Hors de question, par exemple, de se brancher sur l’air qui alimente les ponceuses… Il faut installer un circuit dédié. » Concrètement, l’air parvient jusqu’au masque ou à la cagoule du porteur d’EPI. « Il arrive par le biais de deux tuyaux, un de chaque coté du visage, au niveau de la bouche », détaille Daniel Boivin. « Ensuite, à chaque expiration, une soupape s’ouvre afin d’évacuer l’air vicié. » Or certains n’hésitent pas à « bombarder » l’utilisateur avec un débit d’air très important, de l’ordre de 900 litres/minute. Une hérésie pour les dirigeants de Respirex, qui préconisent, au contraire, le bas débit. A savoir, revenir à un seuil de 300 litres/minute maximum. « Ventiler un masque ou une cagoule avec un gros volume d’air sec a pour effet de dessécher la personne », explique Marc Janvier, directeur adjoint de Respirex. « Sans compter le bruit qui augmente avec le débit… Dernier argument, l’air coûte cher à fabriquer. »

Isolation et ARI

Reste à envisager d’utiliser un appareil respiratoire isolant (ARI), si l’air extérieur est trop vicié… ou si sa teneur en oxygène est trop faible. Pour être respirable, l’air doit contenir une quantité minimale de 17 % d’oxygène, selon la loi française, 2 % de moins qu’ailleurs en Europe. Concrètement, les ARI sont des équipements portables qui visent à couper complètement l’utilisateur de l’air ambiant. Ils se composent d’un masque relié par un tuyau d’air à des bouteilles d’air comprimé qu’il transporte dans le dos. « Le tout pèse entre 6 et 18 kilos selon le volume et le nombre de bouteilles d’air comprimé (simple ou double) embarquées », détaille Marie-Laure Stein, chef produit protection lourde chez Dräger Safety France. Pour les ARI de petites capacités, dont l’autonomie ne dépasse généralement pas dix minutes, il s’agit essentiellement de système d’évacuation, parfois appelés des « auto-sauveurs ». Pour les gros travaux, nécessitant de rester plus longtemps sur place, il est possible de s’équiper de bouteilles plus importantes. « Il existe une gamme de bouteilles en acier qui vont de 3l à… 50l », explique Didier Lefevbre, directeur commercial chez Turover Protection, filiale de Spasciani, fabricant italien d’EPI respiratoires. Intransportables sur le dos, les plus lourdes sont accrochées sur un chariot, lequel peut être transporté partout sur le site, soulevé et déplacé à l’aide d’une grue.
© Guillaume Pierre / TCA-innov24

Réticences aux EPI
Coté utilisateur, la recherche d’un confort de respiration n’est pas nécessairement le vecteur le plus pertinent pour abattre les résistances qui freinent le port des EPI. « Très franchement, les demi-masques sont déjà confortables. On respire bien à l’intérieur », souligne Thierry Leclerc, responsable technique chez R-M Peinture Carrosseries. Pour lui, le manque de volonté de porter les EPI relève d’abord d’un blocage culturel. « Dans nos propres équipes nous les avons rendu obligatoires. C’est une faute professionnelle que de ne pas en porter », souligne Thierry Leclerc. « En revanche, nous remarquons que nos clients ont tendance à les rejeter. Normal, ils ont travaillé pendant des années sans se protéger ! » A l’instar de la sécurité routière, une campagne de communication orchestrée à l’échelle nationale pourrait bien changer la donne. « Les EPI, c’est comme la ceinture de sécurité. C’est une contrainte tant qu’on n’a pas pris l’habitude de l’utiliser. Après ça va tout seul », lance le responsable technique de R-M France.

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