Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Protection de la main : ne pas relâcher la vigilance

Certains secteurs d'activité présentent un taux moyen d'accidents liés aux outillages manuels particulièrement élevé. C'est le cas de l'industrie métallurgique, le BTP, l'agroalimentaire et le bois, dont le taux moyen dépasse 10% tandis que la moyenne nationale est de 9%. Pour diminuer l'accidentologie, le port obligatoire des gants de protection est une bataille de tous les instants.

Clouer, percer, découper… autant d’occasions pour les opérateurs de se blesser la main. Laquelle est constituée de 27 os dont 14 phalanges et 5 métacarpes pour les doigts, auxquels s’ajoutent les tendons et ligaments, mais aussi les muscles qui confèrent mobilité et souplesse à la main. Sans oublier les nerfs, qui lui donnent la capacité d’exécuter des mouvements précis et une perception sensitive très fine. Des propriétés qu’il est crucial de protéger lors de l’activité professionnelle, sachant que le recours aux outillages manuels est responsable de 9% des accidents professionnels répertoriés par l’Assurance maladie en 2016. Quatre secteurs dépassent d’ailleurs ce taux. A savoir, l’industrie de la métallurgie (16%), le BTP et les travaux publics (15%), les services, commerce et industrie de l’alimentation (13%) et, enfin, l’industrie du bois (11%).

L’absence de port de gant pointé du doigt
Dans la plupart des accidents, l’absence du port de gant est en cause, selon Adil Trabelsi, secrétaire général de la Fédération européenne des services d’urgences de la main (Fesum) qui recense 2,1 millions d’accidents de la main en 2017, toutes activités confondues (professionnelles, domestiques, et routières). Pour faire baisser cette accidentologie au travail, il est nécessaire de rappeler régulièrement les consignes de sécurité aux opérateurs. Mais aussi de veiller à ce qu’ils choisissent correctement leur équipement de protection individuelle, car les sensations d’inconfort et d’irritations peuvent aussi amener les salariés à retirer leurs gants.

Des performances supérieures à l’acier
Or, beaucoup d’améliorations ont été enregistrées ces 20 dernières années. Notamment depuis que la filière du bâtiment a invité des fabricants de gants à effectuer des tests avec leurs opérateurs. L’enjeu étant d’améliorer le confort des gants, particulièrement en termes de respirabilité, tout en augmentant la résistance à l’abrasion et à la coupure, grâce à de nouvelles fibres telles que l’aramide et le polyéthylène haute densité – dont les performances sont huit fois supérieures à l’acier ! Ces deux matériaux sont généralement connus sous les dénominations commerciales de Kevlar et Dyneema respectivement.

La norme EN 388:2016 tient compte de ces nouvelles fibres
Depuis deux ans, la présence de ces nouvelles fibres est mieux prise en compte par la normalisation. En effet, la norme EN388 :2016 recourt aux méthodes de tests de la norme EN Iso 13997. Dans ce cas, le niveau de résistance aux coupures est indiqué par une lettre allant de A à F. Cette dernière étant la plus élevée. C’est d’ailleurs le niveau revendiqué par Singer Safety avec le gant PHS 500. Tricoté d’une pièce avec des fibres de polyéthylène haute densité, cet EPI disponible en jauge 13 est enduit au niveau de la paume d’une micro mousse en nitrile qui protège la peau contre les huiles et les graisses. Autre particularité de ce gant sans couture, il assure le confort de l’utilisateur tout en préservant la dextérité de ses doigts pour saisir des objets fins. Autant d’avantages qui le rendent utile tant à la maintenance industrielle qu’à l’assemblage automobile, par exemple.

Protection doit rimer avec confort

Veiller à la protection et à la dextérité des mains de l’opérateur tout en respectant son confort est un enjeu majeur pour les fabricants de gants. A commencer par Uvex dont le dernier gant anticoupure D500 Foam atteint le niveau D. Généraliste, celui-ci intéresse différents usages dans l’industrie, le tertiaire et même la logistique, qui nécessite d’utiliser des écrans tactiles. Cet EPI embarque la technologie Bambou Twinflex, nom protégé par Uvex qui consiste en un tricot double face. Sur la face externe, le maillage est constitué de polyamide et de fibres d’acier afin d’opposer une résistance à l’abrasion et aux coupures. La face interne, quant à elle, est constituée d’un tricot à base de fibres Dyneema, résistantes au déchirement et aux coupures, associées à des fibres de bambou.

Le bambou isole autant du chaud que du froid

Cette matière renouvelable présente plusieurs avantages. « Le bambou isole aussi bien de la chaleur que du froid. Il a aussi une capacité d’absorption de l’humidité deux fois plus élevée que le coton », fait remarquer Olivier Poisson, chef de produit gants chez Uvex Heckel Sas. Le fabriquant a lancé son premier gant en bambou il y a dix ans. Un bon tiers de sa production de gants dédiés à la protection anticoupure et à la protection chimique recourt à ce matériau écologique. Ce qui permet à Uvex de répondre aux cahiers des charges des grands comptes, qui cherchent à privilégier dans leurs appels d’offres des produits éco-responsables. Présent sur le salon Expoprotection qui se tiendra du 6 au 8 novembre prochain à Paris (Porte de Versailles), le fabricant présentera sur son stand, en plus de ses propres produits, les gants de l’américain Hexarmor dont il est devenu le principal actionnaire en 2016. La firme a développé outre-Atlantique la technologie Superfabric, qui protège les mains des objets contondants ou pointus tels que les éclats de verre ou les aiguilles de seringue. Il s’agit d’un tissu constitué de minuscules plaquettes de résine durcie dont la taille varie d’un à trois millimètres. Ce qui confère à ces gants une résistance à la coupure dépassant le niveau 5 de la norme EN 388.

Recourir au textile de bambou permet d'améliorer le confort
du gant. © Uvex
Recourir au textile de bambou permet d’améliorer le confort
du gant. © Uvex

Fibres hautes performances

Au rayon des fibres hautes performances, l’aramide (ou Kevlar) garde tout son intérêt aux yeux des fabricants. A l’instar de Showa dont le gant S-Tex 581 présente un indice 5 et un niveau E, soit le degré le plus élevé de protection contre les coupures. Et ce grâce à la technologie Habane Coil qui combine trois matériaux : le polyester, l’acier inoxydable et l’aramide. Ce gant joue aussi la double carte de la légèreté et du confort grâce à sa paume enduite en mousse de nitrile microporeux.
Enfin, pour compléter ce panorama des gants anticoupures, la nouvelle gamme « Cut & Feel » de Juba met l’accent sur le toucher. Constituée de 3 gants, cette gamme propose des niveaux de protection allant de B à D. Les modèles CS13PU (jauge 13) et GS18PU (jauge 18) sont dotés d’une couverture en polyuréthane qui leur confère une meilleure adhérence dans les environnements secs, huileux et humides. De quoi contribuer à réduire les risques de troubles musculosquelettiques (TMS).

Eliane Kan

Cette nouvelle gamme de gants anticoupure améliore l'adhérence
des pièces. © Juba
Cette nouvelle gamme de gants anticoupure améliore l’adhérence
des pièces. © Juba

La plupart des accidents surviennent lorsque l’opérateur est fatigué après la pause déjeuner ou au démarrage d’un travail de nuit

Interview d’Adil Trabelsi, chirurgien de la main et secrétaire général de la Fédération européenne des services d’urgence de la main (Fesum) qui compte 65 centres SOS main en France, dont 12 en Île-de-France. Ce chirurgien est aussi l’auteur d’un livre blanc sur les accidents de la main qui sera présenté en décembre prochain lors du congrès de la Société française de chirurgie de la main.


20 ans après la publication du premier livre blanc consacré aux accidents de la main, ces derniers sont-ils plus nombreux que dans le passé ?

Les chiffres que nous allons dévoiler montrent une forte progression des accidents de la main. Soit 1,4 million d’accidents domestiques, professionnels et routiers en 1998 contre 2,1 millions en 2017. S’ils sont plus nombreux, ils sont en revanche moins graves qu’auparavant grâce à la mise en place de systèmes de sécurité qui provoquent l’arrêt de la machine ou de l’outillage en cas d’anomalie.


Qu’est ce qui caractérise les 65 centres SOS main (dont la liste est disponible sur fesum.fr, NDLR) ?

Le label SOS Main est délivré aux établissements de santé publics et privés dès lors qu’ils disposent d’au moins trois chirurgiens de la main, d’un microscope, d’un service de radiologie et d’une disponibilité 24 heures sur 24 pour opérer en urgence.


En cas d’amputation, la perte du doigt est-elle irrémédiable ?

Non. A partir du moment où l’amputation a eu lieu, cela nous laisse 6 heures pour réimplanter le doigt dès lors que le segment a été bien conditionné dans un endroit sec et propre et conservé au frais. Concernant l’opération, sa réussite dépend de certains facteurs. Par exemple, elle aura plus de chance de réussir si la personne est jeune et non fumeuse car elle n’aura pas les artères encrassées. De la même manière, son doigt retrouvera plus vite sa sensibilité.


Dans quel cas les accidents de la main vont-ils laisser des séquelles importantes ?

Dans le cas d’un cuisinier qui se couperait un tendon fléchisseur, il faut compter trois mois d’arrêt de travail. Si la reconstruction s’est bien faite, il n’aura pas de séquelle. En revanche, s’il s’agit d’une blessure touchant plusieurs nerfs et tendons, on parle alors de lésions multi-tissulaires, les séquelles peuvent être lourdes avec une perte de la sensibilité et de la mobilité de la main, ainsi que des répercussions sur la capacité de préhension et d’habileté. Pour ce type de traumatisme multi-tissulaires, l’arrêt de travail peut être supérieur à un ou deux ans. Voire plus avec, en outre, des risques d’invalidité.


Quelles sont les principales causes d’accidents ?

Ils surviennent souvent lorsque l’opérateur retire son gant pour des raisons d’inconfort ou d’allergie. Ou lorsqu’il commet une imprudence en désactivant le système de sécurité. Les accidents surviennent aussi à des moments où le salarié est en situation de fragilité. Par exemple après la pause déjeuner ou lorsque l’opérateur commence son travail de nuit et que l’horloge biologique doit se réadapter, entraînant ainsi de la fatigue et une baisse de la vigilance.


La Fesum organise-t-elle des opérations de sensibilisation dans les entreprises ?

Effectivement, à la demande des employeurs, nous nous rendons sur les lieux de travail afin de sensibiliser les salariés aux risques encourus dans leur situation de travail et à la manière de s’en prémunir. Il y a des tas d’accidents évitables dès lors que les consignes sont bien respectées.

Propos recueillis par Eliane Kan

Adil Trabelsi est l'auteur d'un livre blanc
sur les accidents de la main. © DR
Adil Trabelsi est l’auteur d’un livre blanc
sur les accidents de la main. © DR

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