Corporate running, yoga, pilates, Tai-chi-chuan, accompagnement à l’arrêt du tabagisme, cours de nutrition… rien n’est trop beau pour améliorer le bien-être au travail des salariés. Du moins, certaines entreprises en sont persuadées et sont particulièrement friandes des « Wellness Programs » pour conforter leur stratégie de bien-être au travail. Avec l’espoir d’accroître la productivité des salariés et diminuer le taux d’absentéisme. Le risque, c’est alors de tomber dans l’excès, à savoir la tyrannie du bonheur avec son cortège de CHO (Chief Happiness Officer). A cet égard, une récente étude américaine, menée par le National Bureau of Economic Research (BNER) est en passe de casser les stéréotypes. Celle-ci révèle ainsi que, loin d’améliorer les conditions de travail des collaborateurs, ces programmes seraient en réalité totalement inefficaces.
Un business juteux
En toile de fond, l’étude montre que le marché des Wellness Programs, dont la mise en oeuvre est fortement incitée par les mutuelles, représente un marché important : 8 milliards de dollars aux Etats-Unis pour environ 50 millions de salariés. Pour les mutuelles, ces programmes offrent de multiples avantages : une meilleure santé des salariés, la réduction des cotisations, les bonus et points de fidélité accordés. En ligne de mire également, le coût vertigineux des arrêts maladies, qui s’élève à 225 milliards de dollars par an outre-Atlantique. En France, ce coût représente 12 600 euros par salarié, d’après une étude du cabinet Mozart Consulting publiée l’année dernière. Ces chiffres sont autant d’arguments pour les acteurs du bien-être au travail…
12 000 volontaires
Résultat, on voit apparaître une mentalité fondée sur la « bien-pensance », l’obligation corporate de faire du sport, de mener une vie « healthy »… Et rares sont les voix qui osent s’élever contre ce que certains ressentent pourtant comme un diktat. N’en déplaise aux chercheurs de l’Université de l’Illinois (Etats-Unis) qui ont eu l’idée rassembler 12 000 employés volontaires sur leur campus, afin de tester sur eux l’efficacité supposée de ces programmes. Des cours sur les pratiques saines à adopter au bureau ont été dispensés durant une année à cette occasion.
Pas de baisse des frais médicaux
Or, le résultat s’est révélé décevant. Selon les chercheurs, la dépense moyenne des frais médicaux des employés – qui aurait logiquement dû diminuer – serait passée de 562 dollars… à 566 dollars par mois ! Du côté des risques psychosociaux, les enquêteurs n’ont noté aucune baisse de l’absentéisme, aucun sentiment plus prégnant d’attachement ou de fidélité à l’entreprise ni d’accroissement de l’ambition en termes de carrière…
Quid du management ?
Morale de l’histoire, ces programmes de bien-être au travail se trompent peut-être de problème. Ce n’est pas en imposant à un employé de faire du sport que l’on peut définir ce qui le rend heureux. Le bonheur étant une notion subjective et personnelle. Mieux vaudrait aller chercher du côté du management, de la juste répartition des tâches, de l’adaptation des postes aux compétences ou encore de l’ergonomie des outils de travail… pour commencer à développer le bien-être au travail.
Les Millennials, une exception
L’étude relève toutefois un bon point, du côté des jeunes collaborateurs dynamiques (parmi les 12 000 volontaires à l’Université de l’Illinois, 56% sont des Millennials). Bénéficiant d’une bonne santé, ces jeunes sont généralement enthousiastes à l’idée de pratiquer une activité sportive. Un avantage non négligeable pour les entreprises qui peinent souvent à les fidéliser…
Ségolène Kahn
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