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Procès amiante : vers un non-lieu pour les victimes

Le parquet de Paris a requis l’arrêt des investigations dans une vingtaine d’affaires liées à l’amiante. La perspective d'un procès pénal s'éloigne donc. En cause, les magistrats considèrent qu'il est impossible d'identifier précisément la période d'intoxication des victimes.

La déception est grande pour les salariés victimes de l’amiante et leurs proches, qui depuis vingt ans réclament justice. En effet, le parquet de Paris vient de demander l’arrêt de l’instruction dans plusieurs enquêtes pénales ouvertes contre des employeurs (Everite, Normed, Sollac, la direction des chantiers navals…) dont les employés auraient développé des pathologies après avoir été exposés à l’amiante. Selon les magistrats, il est impossible de déterminer avec certitude la date à laquelle les victimes ont été intoxiquées. Même son de cloche chez les juges d’instruction qui précisent dans une ordonnance du 9 juin que « l’aléa dans la date des faits [celle de l’exposition à l’amiante, NDLR] ne pourra pas permettre de conduire des investigations ciblées de nature à réunir des charges qui pourraient être imputées à quiconque ». Résultat : le ministère public recommande de « mettre fin à la présente information judiciaire ». Ce qui laisse à penser que l’on s’oriente vers un non-lieu dans plusieurs de ces affaires.

Pourquoi un non-lieu ?
En pénal, il est crucial de fournir des preuves indéniables afin d’établir un lien de causalité entre le dommage subi et la faute commise. Dans le cas de l’amiante, comme dans de nombreux autres dossiers sanitaires, ce lien est bien plus difficile à établir. Pour satisfaire les exigences des juges, il fallait donc dater avec exactitude le début de l’exposition à ce produit cancérogène pour ensuite remonter la chaîne des responsabilités et incriminer tel ou tel responsable en poste au moment des faits. Condition qui n’a pas été remplie avec suffisamment de précision pour les juges. Or ces derniers auraient tout à fait pu se contenter de se baser sur les symptômes déclarés chez les victimes. Une option qui avait été envisagée mais en vain. Selon ces magistrats, la fibrose du poumon est susceptibles de rester latente chez certaines victimes, impossible donc à dater. C’est le serpent qui se mord la queue.

Le combat judiciaire n’est pas fini
Alors que les poursuites pénales pour « homicide involontaire » ne semblent pas en bonne voie, il reste quelques recours pour les victimes : par exemple en engageant des actions sur d’autres fondements tels que la « mise en danger de la vie d’autrui ». Procédé qui a déjà fait ses preuves puisque plusieurs employeurs en infraction à la réglementation sur les produits toxiques ont déjà été condamnés dans le passé sur ce fondement. Autre solution, basculer dans le civil où l’administration de la preuve est moins rigide, notamment en faisant valoir le « préjudice d’anxiété » pour les victimes.

Une lutte depuis des décennies
C’est en 1996 que le combat juridique a commencé lorsque d’anciens salariés ont déposé une plainte pour homicides et blessures involontaires contre leur ex-employeur Eternit, groupe international qui a produit durant des décennies des produits recelant de l’amiante. Après ce coup d’envoi auquel a participé en tant que partie prenante l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’Andeva, d’autres actions juridiques ont été engagées au fil du temps contre de nombreuses sociétés et institutions publiques (Everite, Normed, Sollac, la direction des chantiers navals…).

Ségolène Kahn

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