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Sûreté et sécurité

Philippe Blin (SVDI) : « Nous œuvrons à l'instauration d'une carte professionnelle pour les techniciens de vidéosurveillance »

Interview du président du syndicat des professionnels de la sûreté, vidéoprotection et détection incendie (SVDI). A l'occasion d'Expoprotection 2016, il déclare contribuer à l'élargissement des activités du Cnaps à celles d'installation-maintenance des systèmes de vidéosurveillance. Un pas vers la carte professionnelle pour les techniciens des systèmes électroniques de sécurité.

Quelle est la situation économique de votre secteur ?
On sent un redémarrage dans l’installation et la maintenance de systèmes de sécurité, contrôle d’accès, détection incendie et vidéosurveillance. Ce redémarrage de l’activité suit celui du bâtiment en général. Mais davantage en rénovation qu’en construction neuve. En revanche, les donneurs d’ordres resserrent les prix.
Ce resserrement des prix a-t-il des conséquences sur l’activité de maintenance ?
Oui. Il y a eu une conférence durant Expoprotection 2016 à ce sujet. Les maîtres d’ouvrage veulent bien lier des partenariats avec les grands mainteneurs mais leurs budgets sont à la baisse. Il y a un double effet de rouleau compresseurs pour nos installateurs. D’une part, on assiste à une élévation du niveau d’exigence du prestataire en termes de qualifications, compétences et en structuration de nos entreprises pour réagir 24H24, 7 jours/7, tout au long de l’année. D’autre part, les grands donneurs d’ordres se sont structurés avec des services Achats qui veulent écraser les prix. On aboutit à un paradoxe : les responsables de la sécurité de ces groupes, comme chez Orange, par exemple, se plaignent que leurs achats de maintenance les contraignent au simple remplacement à l’identique car, s’ils veulent aller un peu plus loin, ils rencontrent des problèmes de budget.
Mais il y a toujours eu des limitations budgétaires dans tous les groupes… Même en sécurité.

Certes. Mais j’ai connu une époque où le budget sécurité-sûreté était spécifique, à part. Aujourd’hui, il entre dans le champ des services Achats. Lesquels font la part belle aux grands acteurs du Facilities Management. Ces derniers vont analyser les factures des prestations de maintenance de leurs systèmes de sécurité-sûreté et proposer 15% à 30% d’économies. Le problème, c’est que, dans la foulée, ils vont sous-traiter un certain nombre de prestations à des PME, des TPE, voire des auto-entrepreneurs qui ne sont pas toujours certifiés ni même qualifiés. Le pire, c’est que ce phénomène se développe à l’échelle européenne.
Entendez-vous par là que les PME et TPE de la maintenance des systèmes électroniques en sécurité et incendie subissent le rouleau compresseur des grands acteurs dans toute l’Europe ?
Oui. C’est la raison pour laquelle Euralarm, le syndicat européen qui représente les constructeurs et installateurs de systèmes électroniques sécurité et feu, est en train de rédiger un livre blanc sur les bonnes pratiques à développer dans le secteur. Avec cet argument principal à l’intention des grands donneurs d’ordres : arrêtez de passer non seulement par les grands Facilities Managers mais aussi par les grandes sociétés de gardiennage ou de télésurveillance pour la maintenance technique des installations de sécurité et d’incendie. Car il faut des compétences, des qualifications, des certifications et des structures adaptées.
Ne craignez-vous pas que ce soit la lutte du pot de fer contre le pot de terre ?
Si. Nos entreprises sont prises en étau.
Où en est le chantier de la carte professionnelle que vous demandez pour votre secteur ?
Tout d’abord, rappelons les risques que courent nos chefs d’entreprise. Pour réaliser leurs prestations de maintenance, leur technicien est amené à avoir les identifiants et mots de passe d’accès aux systèmes électroniques de contrôle d’accès, de détection d’intrusion, de vidéosurveillance et d’incendie. Mais que se passe-t-il si ce technicien est malhonnête ou dangereux ? A la différence des agents de sécurité, le chef d’une entreprise d’installation-maintenance n’a aucun moyen de s’assurer de la probité, de l’honnêteté et de la moralité de son technicien. Nous voudrions instaurer un système de carte professionnelle à l’instar de la sécurité privée qui a assaini la profession grâce au Centre national des activités privées de sécurité (Cnaps) et à la carte professionnelle obligatoire pour les agents de sécurité privée.
Vous en parlez depuis quelques mois. La conjoncture devient-elle plus favorable ?

Oui. D’ailleurs, Philip Alloncle, le nouveau préfet délégué aux coopérations de sécurité au ministère de l’Intérieur est favorable à un élargissement du périmètre de la sécurité privée. Pour sa part, le préfet Jean-Paul Celet, directeur du Cnaps, a déclaré être favorable à l’élargissement des activités du Cnaps aux activités de vidéosurveillance. C’est un début. En tous cas, c’est aussi la première fois qu’existe une telle conjoncture ! Le ministère dit qu’il faudra réaménager le livre VI du code de la sécurité intérieure qui définit les activités de sécurité privée.
Que reste-t-il à faire pour ouvrir la voie à une carte professionnelle opérée par le Cnaps pour les activités d’installation-maintenance des systèmes de sécurité et feu ?
La route est encore longue mais nous avançons. Tout d’abord, il faudra que, par décret, soit modifié l’article 1 du fameux livre VI du code de la sécurité intérieure. Lequel stipule : « Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent : 1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ; » C’est l’expression « la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité » qui demande à être précisée. Ce qui pourrait être le cas par décret ministériel.
N’y a-t-il pas un effort à accomplir en termes de formation, voire de certification ?
A ce sujet, nous travaillons déjà avec la Fédération française des installateurs électriciens (FFIE), la Fédération française du bâtiment (FFB) et l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) pour créer un Certificat de qualification professionnel interbranche (CQPI) pour les techniciens en vidéosurveillance. Rassembler ces acteurs autour d’un tel projet, c’est une première ! L’idée, c’est d’avoir un diplôme commun . C’est un pas décisif pour l’élargissement des activités du Cnaps à notre secteur. La prochaine étape, prévue au premier trimestre 2017, consistera à valider, au niveau interbranche, les méthodologies, les compétences à acquérir et le niveau de leur évaluation.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

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